La collaboration SNLS (Supernova Legacy Survey, au télescope France-Canada-Hawaï) vient d'obtenir la meilleure mesure au monde du taux d'explosion des étoiles massives alors que l'univers n'était âgé que de 10 milliards d'années. Ce résultat, fruit d'un travail mené par une équipe de chercheurs du Service de physique des particules de l'Irfu 1 au CEA-Saclay sur les trois premières années de données de SNLS, est crucial pour compréhension de l'origine et de l'évolution des éléments chimiques dans le milieu interstellaire. Cette mesure semble indiquer qu'il y a aujourd'hui 2 à 4 fois moins de supernovas qu'il y a 3,7 milliards d'années. Notre Univers serait-il en train de s'éteindre ?
Une supernova est une étoile qui devient brutalement aussi brillante que toute une galaxie. Vue de la Terre elle apparait comme une étoile nouvelle. Elle correspond en fait à l'explosion d'une étoile, qui s'accompagne d'une augmentation brève mais fantastiquement grande de sa luminosité.
Les supernovas sont des événements rares : leur taux est estimé à environ une à trois par siècle dans notre Voie lactée. Mais il est à noter qu'à notre époque aucune supernova n'a été observée dans notre Galaxie depuis l'invention du télescope ! La dernière date du temps de Kepler en 1604.
Les supernovas jouent un rôle essentiel dans l'Univers, car c'est lors de leur explosion que les étoiles libèrent les éléments chimiques qu'elles ont synthétisés tout au long de leur vie et en produisent même de plus lourds. Ces éléments sont nécessaires à la constitution de planètes comme la Terre et à l'apparition de la vie. De plus, l'onde de choc de la supernova favorise la formation de nouvelles étoiles en amorçant ou en accélérant la contraction de régions du milieu interstellaire.
Zoom sur une galaxie prise avant l’explosion (à gauche) et pendant l’explosion (à droite) d’une supernova.
Les Supernovas à effondrement gravitationnel à l'origine des éléments chimiques
Au cours de sa vie, une étoile de masse supérieure à une dizaine de fois celle de notre soleil produit successivement par fusion thermonucléaire et successivement l'ensemble des éléments chimiques de l'hélium jusqu'au fer. Sous l'effet de l'attraction gravitationnelle les éléments les plus lourds tombent vers le centre de l'étoile : le fer constitue ainsi peu à peu le cœur de l'étoile. Lorsque ce cœur de fer devient trop massif - typiquement de l'ordre de la masse de notre soleil-la matière qui le constitue ne parvient plus à supporter la gigantesque pression générée par son propre poids. Il implose alors en quelques millisecondes, jusqu'à atteindre la densité des noyaux atomiques.
Une proto-étoile à neutrons se forme et bloque brutalement l'effondrement. Les couches périphériques de l'étoile rebondissent alors sur ce cœur, donnant naissance à une supernova dite à effondrement gravitationnel. L'onde de choc et les particules qui balaient l'étoile "rallument" les réactions nucléaires et dispersent dans le milieu interstellaire les éléments ainsi synthétisés. La moitié des éléments plus lourds que le fer présents dans l'Univers proviennent de ces explosions spectaculaires. Le taux de supernovas gravitationnelles est donc un indicateur crucial de l'évolution de la composition chimique des galaxies.
La mesure de ce taux d'explosion est rendue très délicate par le fait que la luminosité des supernovas gravitationnelles est non seulement fortement variable d'une supernova à l'autre mais également bien plus faible que celle des supernovas de type Ia. Les supernovas gravitationnelles détectées par les expériences antérieures à SNLS étaient peu nombreuses : une soixantaine dans l'univers local et moins d'une vingtaine au décalage spectral de 0,3, correspondant à l'univers à l'âge de 10 milliards d'années. De plus, l'identification de certaines de ces supernovas était sujette à caution du fait d'un suivi observationnel très limité dans le temps. L'excellente qualité de la caméra équipant le télescope France-Canada-Hawaï, la caméra Megacam entièrement conçue et développée 2 à l'Irfu au CEA-Saclay, et la stratégie observationnelle employée par SNLS ont permis de changer considérablement la donne.
Pour la première fois, des zones du ciel couvrant 4 degrés carrés au total (16 fois la surface de la pleine lune) ont été photographiées systématiquement toutes les 3 nuits environ. L'objectif principal de SNLS est la recherche de supernovas de type Ia afin de mesurer l'accélération de l'expansion de l'univers. Une analyse indépendante a été développée au Service de physique des particules de l'Irfu pour rechercher dans ces mêmes données tous types d'événements éphémères. Un lot de 117 supernovas gravitationnelles a ainsi été identifié, par une recherche entièrement automatisée, au décalage spectral moyen de 0,3.
Résultat obtenu pour le taux d’explosion des supernovas gravitationnelles au décalage spectral (redshift) de 0,3 correspondant à un univers âgé de 10 milliards d’années. Le décalage spectral de 0 correspond à l’univers local, et donc à la valeur actuelle du taux d’explosion. Le résultat obtenu par SNLS confirme une évolution du taux d’explosion, qui tend à diminuer avec l’âge de l’univers.
Non seulement cette analyse permet d'augmenter d'un facteur 6 le nombre connu de ces supernovas lointaines, mais l'efficacité de détection est de plus bien contrôlée, conduisant à la mesure la plus précise du taux d'explosion des supernovas gravitationnelles dans l'Univers passé.
Ce résultat paraîtra dans Astronomy and Astrophysics : « The core-collapse rate from the Supernova Legacy Survey », G. Bazin, N. Palanque-Delabrouille, J. Rich, V. Ruhlmann-Kleider et al.
Le taux ainsi mesuré pour notre Univers il y a 3,7 milliards d'années apparait 2 à 4 fois plus fort que de nos jours. Les supernovas sont-elles en train de disparaitre ? Finiront-elles bientôt d'ensemencer l'Univers en poussières d'étoiles et en perturbation permettant la naissance de nouvelles étoiles et de leur cortège de planètes ? Pour en avoir la confirmation, les taux d'explosion de supernovas pour d'autres décalages spectraux et donc d'autres âges de l'univers doivent être mesurés avec une qualité identique à celles publiées par le groupe du CEA-Irfu avec la collaboration SNLS.
Pour une version électronique :
http://fr.arxiv.org/abs/0904.1066
1) Irfu : Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers
2) Mégacam est une réalisation des services techniques de l'Irfu aujourd'hui le SEDI, Service électroniques détecteurs et informatique, et SIS, Service d'ingénierie des systèmes
• Structure et évolution de l'Univers › Univers sombre
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)