Fig 1 : Collision proton-proton à l’énergie d’injection du LHC. Les lignes de couleur sont le résultat des algorithmes de reconstruction des traces chargées courbées par le champs magnétique.
Après l'accident survenu sur l'accélérateur du LHC quelques jours après sa mise en service en 2008, la collaboration ATLAS était impatiente d'observer de « vrais » événements produits au centre du détecteur, et de faire fonctionner l'appareillage en conditions réelles. Après quelques jours d'essais avec un seul faisceau, Atlas enregistrait le 23 novembre ses premières collisions proton-proton, à l'énergie d'injection dans le LHC (450 GeV par faisceau, soit 900 GeV dans le centre de masse de la collision). Les analyses ont permis de reconstruire des particules instables connues en détectant leurs produits de désintégration, prouvant le bon fonctionnement des détecteurs et des logiciels associés. Le groupe Atlas du service de physique de particules de l'Irfu a aussi pu vérifier le comportement des sous-ensembles des détecteurs à muons, et du calorimètre électromagnétique dont ils ont la responsabilité. Des collisions à 2,38 TeV (1,19 TeV par faisceau) ont été enregistrées avant la mise au repos du LHC le 16 décembre, établissant un nouveau record mondial pour l'accélérateur de particules le plus puissant du monde. Le LHC redémarrera en février 2010 après un court arrêt technique en vue de collisions à plus haute énergie et à plus haute intensité. La collaboration ATLAS sera prête pour comprendre ces collisions encore jamais observées.
« Ce fut une grande émotion pour les plus anciens qui ont consacré plus de quinze ans à la conception, la construction et la mise en œuvre de cette grande expérience; une grande exaltation pour tous, et surtout les plus jeunes qui se sont lancés récemment dans des thèses en espérant analyser les collisions à l'énergie la plus haute jamais atteinte » raconte Bruno Mansoulié, responsable du groupe Atlas du service des particules de l'Irfu.
Depuis 3 semaines les ingénieurs du Cern se sont attachés à fournir des collisions de plus en plus nombreuses, en restant à l'énergie d'injection du LHC puis en montant progressivement en énergie. Confiant dans le déroulement du redémarrage de l'accélérateur, Bruno Mansoulié explique que « les étapes nécessaires à la compréhension de cet accélérateur très complexe se déroulent parfaitement pour l'instant : d'abord un paquet de protons dans chaque sens, puis 4 contre 4, de plus en plus intenses ».
Les protons arrivent dans le LHC sous forme de paquets qui sont préparés par une succession d'accélérateurs plus petits. Dans le LHC, en conditions de fonctionnement nominales, chaque faisceau de protons contiendra 2808 paquets, chacun étant composé d'environ 1011 protons. Avec quelques collisions de faisceaux contenant seulement 4 paquets, Atlas a déjà pu enregistrer plus d'un demi-million de ces événements (Fig 1) (il faut cependant garder en tête qu'en fonctionnement nominal, le LHC fournira 40 millions de collisions de haute énergie à chaque seconde !).
Fig 3 : Reconstruction des pions neutres se désintégrant en photons reconstruits dans le calorimètre électromagnétique .
L'expérience s'était bien préparée à l'aide de systèmes de calibrations, de simulations, mais surtout en ayant enregistré dans l'année près d'un demi-milliard d'événements dus aux rayons cosmiques. Le groupe du SPP a d'ailleurs été très actif dans ces préparatifs, par exemple en utilisant ces traces pour déterminer avec précision la position des détecteurs à muons, ou pour vérifier les performances du calorimètre électromagnétique construit en partie à Saclay.
« Mais les collisions exigent un autre mode de fonctionnement, et c'est avec plaisir que nous avons vu l'excellent comportement de l'expérience, des détecteurs tout d'abord, du (très complexe) système d'acquisition de données, et enfin du traitement de ces données au vol, puis en différé » précise le responsable du groupe ATLAS.
Des analyses de ces données ont pu être réalisées immédiatement, en adaptant les logiciels à la « basse » énergie ; les physiciens s'attachent en particulier aux analyses qui permettent d'évaluer le bon fonctionnement des détecteurs et des logiciels, par exemple reconstruire des particules instables très connues, comme les mésons K0s (Fig 2) et pi0 (Fig 3).
Le groupe est responsable d'un logiciel de reconstruction de muons dans le grand spectromètre externe. « Les collisions actuelles produisent très peu de muons (moins d'un pour mille collisions), et de basse énergie, mais les quelques uns enregistrés ont été rapidement reconstruits par notre groupe » explique un de ses physiciens. La figure 4 montre la distribution des distances de ces traces extrapolées au point d'interaction, quelque fois non nulles à cause de la diffusion multiple que subissent les particules de basse énergie.
« Pour le calorimètre électromagnétique, on a pu aussi vérifier l'excellent fonctionnement du système de déclenchement rapide sur ces événements » .
En marge de ces collisions à 900 GeV relativement abondantes, mais très loin de la luminosité nominale du LHC, les ingénieurs du Cern ont aussi accéléré des faisceaux jusqu'à l'énergie record de 1,19 TeV par faisceau, permettant à Atlas d'enregistrer environ 12000 événements de collision à 2,38 TeV. Un arrêt technique est nécessaire pour préparer le LHC à un fonctionnement à plus haute énergie en 2010. Pour pouvoir exploiter le LHC à plus haute énergie, il faut des intensités plus élevées dans les circuits des aimants du LHC, ce qui impose des contraintes plus rigoureuses pour les nouveaux systèmes de protection de la machine. Les collisions devraient recommencer en février et durer toute l'année 2010, à une énergie totale de 7 TeV (3,5 TeV par faisceau) et une intensité accrue.
Avec un enthousiasme non dissimulé, Bruno Mansoulié attend avec impatience cette nouvelle étape car « Atlas sera parfaitement prêt pour aborder son véritable but : l'observation de l'inconnu ».
Bruno Mansoulié , responsable du groupe Atlas au SPP
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