AGATA, détecteur de rayonnement gamma, vient de rejoindre le Grand accélérateur national d’ions lourds (Ganil, CNRS/CEA). Après des séjours en Italie et en Allemagne, il s’installe en France pour une campagne de mesures de deux ans au moins, dans le cadre d’un programme scientifique dédié à l’étude de la structure des noyaux atomiques. Le CNRS et le CEA ont été fortement impliqués dans la construction d’AGATA qui constitue une avancée technologique majeure par rapport aux anciens détecteurs : il permet de reconstruire la trajectoire des photons qui le traversent. À partir de 2015, ce sont plusieurs dizaines d’équipes de physiciens venant de toute l’Europe qui se succéderont au Ganil afin de réaliser leurs expériences avec ce détecteur ultra-perfectionné.
AGATA1 est basé sur la technique dite du « tracking », qui permet d’identifier chaque point d’impact d’un photon lorsqu’il traverse le détecteur, ceci afin de suivre son parcours de façon précise et ainsi augmenter la sensibilité des mesures. Ces photons de grande énergie sont détectés par les « yeux » d’AGATA. Appelés capsules, ils sont constitués de mono-cristaux de germanium dont la pureté quasi-parfaite est garante de la qualité des mesures. Ces cristaux composent la base du système de détection. Ils absorbent les photons qui traversent le détecteur et convertissent leur énergie avec une précision inégalée en signal électrique.
Actuellement le système de détection d’AGATA est composé de 23 cristaux de germanium pur. En 2015, au Ganil, il en comptera au minimum 32, offrant une amélioration d’un facteur 10 de la sensibilité de détection du rayonnement gamma émis par des noyaux exotiques. L’ambition du projet est de réunir à terme 180 cristaux couvrant une sphère complète de 362 kg de germanium hyper-pur.
Le programme scientifique d’AGATA au Ganil est l’étude de la structure des noyaux atomiques par spectroscopie gamma de haute résolution. Les travaux porteront sur les noyaux proches des isotopes dits « doublement magiques », piliers de notre compréhension de la matière nucléaire. L’organisation particulière des protons et des neutrons au sein de ces noyaux et leur plus grande stabilité intéressent notamment les chercheurs. Les données obtenues seront utilisées pour contraindre les modèles théoriques décrivant l’interaction nucléaire entre les nucléons (protons et neutrons) dans le noyau. Ces modèles permettront de comprendre l’origine et l’abondance de la matière nucléaire dans l’Univers.
La collaboration AGATA est née en 2003 entre une quarantaine d’instituts de douze pays européens. Plusieurs laboratoires du CNRS et du CEA ont contribué au développement de ce spectromètre gamma : le Centre de sciences nucléaires et de sciences de la matière (CNRS/Université Paris-Sud), le Ganil (CNRS/CEA), l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg), l’Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1), l’Institut de physique nucléaire d'Orsay (CNRS/Université Paris-Sud) et l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers du CEA.
AGATA est un grand voyageur. Après les premiers tests d’un prototype en 2005 à l’université de Cologne en Allemagne, une première campagne de mesures a eu lieu de 2010 à 2012 à l’INFN2 de Legnaro en Italie. Le détecteur a ensuite rejoint le GSI3 de Darmstadt en Allemagne pour des prises de données jusqu’en 2014. Cette campagne s’est terminée avec succès en mai dernier et la nouvelle étape de ce nomade de la physique nucléaire est le Ganil. AGATA ayant pour vocation de rester itinérant, il repartira ensuite pour d’autres escales. A terme, il sera utilisé dans les expériences futures notamment auprès de la nouvelle installation Spiral24 du laboratoire.
(1) Advance gamma-ray tracking array
(2) Italian Institute of Nuclear Physics
(3) Gesellschaft für Schwerionenforschung mbH - GSI Helmholtz Centre for Heavy Ion Research
(4) Spiral2 (Système de production d'ions radioactifs en ligne de 2e génération) est un projet d'accélérateur de particules linéaire pour des études de physique nucléaire fondamentale et de recherches interdisciplinaires. Cette installation produira des faisceaux uniques au monde, qui permettront d'explorer les confins de la matière.
Contact : Emmanuel Clément : ; Lucie Debroux : ; Maie-Delphine Salzac
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département d'Ingénierie des Systèmes (DIS) • Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• AGATA