05 octobre 2015
De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Une phase de R&D menée à l'Irfu sur des détecteurs Micromégas vient d’aboutir à un nouveau type de trajectographe encore plus performants capables de reconstruire des traces de particules chargées avec un flux incident de quelques centaines de kHz/mm2 et de résister aux décharges provoquées   par   des   particules   fortement   ionisantes.  En avril 2015, ces nouveaux détecteurs ont été installés dans le spectromètre de l’experience Compass (au Cern). Les premières analyses de performances montrent qu'ils atteignent des efficacités de détection supérieures à 95% dans un flux important (plusieurs centaines de kHz) de particules fortement ionisantes, et leur résolution spatiale est au niveau attendu entre 70 et 100 µm. L'expérience Compass profite ainsi de ces nouveaux détecteurs qui assurent dorénavant la reconstruction du faisceau et de l'ensemble des particules diffusées par la cible.

 

L’Experience Compass et les détecteurs Micromégas

L'expérience Compass utilise la ligne de faisceau de muons et de hadrons du Cern à Genève qui interagissant avec une cible fixe, permet d’étudier la structure interne du proton et des autres hadrons.

Depuis ses débuts, l'expérience Compass est connue pour être pionnière dans la mise en œuvre des détecteurs Micromegas, développés à la fin des années 1990 par l'Irfu du CEA en collaboration avec Georges Charpak. Ces détecteurs gazeux (figure ci contre) mesurent les trajectoires des particules dans cette expérience depuis ses débuts. Par rapport aux chambres à fils qui étaient utilisées dans les précédentes expériences, ils ont permis d'obtenir de bien meilleures résolutions spatiales, inférieures à 100µm, dans des flux de particules plus élevés, de l'ordre de 1MHz/cm², et avec une grande surface de détection de 40x40 cm². Les 12 détecteurs Micromegas utilisés à Compass ont donné toute satisfaction, et ont grandement contribué à la qualité des résultats de l'expérience. Cependant, plus de 10 ans après leurs débuts, une évolution de ces détecteurs était nécessaire pour la nouvelle phase de l'expérience.

 
De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Lorsqu' ne particule chargée traverse le détecteur, elle ionise le gaz le long de sa trajectoire. Les électrons issus de l'ionisation dérivent sous l'effet du champ électrique et atteignent la micro-grille. Attirés par les trous de la grille, ils la traversent et pénètrent dans la zone d'amplification où le champ est bien plus important. Chaque électron est alors suffisamment accéléré pour arracher d'autres électrons aux atomes du gaz, et ainsi de suite ce qui provoque un phénomène d'amplification.

De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Schémas des pistes de lecture ainsi que l'ensemble des pistes de liaison vers les connecteurs. La zone des pixels (à gauche) comporte 1280 pixels.

Evolution des Micromégas pour Compass2

L'objectif de cette évolution était double: permettre à ces nouvelles chambres Micromegas d'être actives dans leur zone centrale, là où le faisceau passe et où les précédentes avaient dû être rendues aveugles; et fortement réduire l'impact des décharges qui apparaissent entre la micro-grille et les pistes, décharges qui apparaissent lorsqu'un faisceau de hadrons interagit avec la cible et produit un grand flux de hadrons fortement ionisants. Une phase de R&D a débuté en 2009 pour aboutir deux ans plus tard à deux solutions complémentaires qui répondent à ces problématiques.

 

1. Le flux de particules était trop important au centre des anciens détecteurs, à cause de l'électronique connectée aux pistes de lecture qui aurait reçu un flux trop important de signaux, plusieurs centaines de kHz. Rendre les détecteurs aveugles au centre, sur un disque de 5 cm de diamètre, a permis de limiter ce flux au prix d'une zone morte qui a dû être compensée par d'autres types de détecteurs. Dans les nouvelles Micromegas pixelisées le problème a été résolu en découpant dans la zone centrale les pistes de lecture en segments de quelques millimètres de longueur (voir figure à gauche), les "pixels", chacun connecté à une voie de l'électronique ce qui permet de limiter le flux de signaux à une valeur acceptable.

 

2. L'impact des décharges provoquées par des particules fortement ionisantes est une problématique récurrente pour les détecteurs Micromegas. Notre groupe a apporté à ce problème une solution originale "hybride" en insérant deux millimètres au dessus de la micro-grille une feuille GEM. Cette feuille, formée d'une couche de 50 µm de polyimide (une matière plastique résistante à la chaleur et aux champs électriques) recouverte de 2 µm de cuivre sur ses deux faces, est percée de trous de 70 µm de diamètre régulièrement espacés (Figure 3, éventuellement déplacer la description dans le caption). Son rôle dans le fonctionnement du détecteur est de pré-amplifier les électrons primaires. En appliquant une tension d'environ 300V entre les deux faces en cuivre, ceux-ci sont attirés puis amplifiés dans les trous avec un gain de 10 à 20. Cette pré-amplification permet alors de diminuer le gain et donc la tension de la micro-grille, réduisant ainsi fortement la probabilité  de décharge des détecteurs Micromegas hybrides.

 
De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Schéma de la structure hybride Micromegas+GEM. La feuilles GEM est insérée 2 mm au dessus de la microgrille (schéma de gauche). La structure de la feuille GEM est illustrée sur la figure de droite.

De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Les détecteurs sont installés sur leur cadre de support au Cern. Ils sont disposés suivant différentes orientations pour mesurer les points de passage des particules dans les trois dimensions.

Collaboration avec un industriel

Une collaboration entre l'IRFU et la société ELVIA, entreprise située à Coutances (Normandie) et spécialisée dans la production de circuits imprimés, a été lancée pour la production en série de l'ensemble des planchers des 12 détecteurs. Cette collaboration a abouti à une présérie de 3 détecteurs au cours de l'année 2014, et une production en série des 12 détecteurs. La production a eu lieu de fin 2014 au printemps 2015, et les détecteurs ont été installés dans le spectromètre de Compass en avril 2015, juste à temps pour le début de la prise de données début mai.

 

 

 

Après une phase de démarrage relativement courte grâce à l'expérience accumulée auparavant, les détecteurs Micromegas sont maintenant opérationnels et participent pleinement à la prise  de données de l'expérience. Les premières analyses de performances montrent qu'ils atteignent des efficacités de détection supérieures à 95% (voir figure) y compris en leur centre, dans un flux importants de particules fortement ionisantes, et leur résolution spatiales sont au niveau attendu. L'expérience Compass profite ainsi de détecteurs de particules originaux, fonctionnant dans les conditions les plus contraignantes, et qui assurent dorénavant la reconstruction du faisceau et de l'ensemble des particules diffusées par la cible jusqu'à une distance de 20 cm par rapport au faisceau.

 

contact: Damien Neyret (SphN)
 
De nouveaux détecteurs Micromegas hybrides et pixelisés pour l'expérience Compass

Efficacité de détection des particules sur la surface d'un détecteur (gauche). L'efficacité sur la zone centrale des pixels est représentée à droite. On peut noter la très bonne efficacité de détection, supérieure à 95 % dans un faisceau de hadrons.

#3630 - Màj : 15/10/2015

 

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