La collaboration Atlas a présenté au Cern, le 24 octobre 2017, des preuves de la production de bosons de Higgs en association avec une paire de quarks top et antitop, dans les données enregistrées en 2015 et 2016 à 13 TeV d’énergie de collision proton-proton. L’observation de ce processus rare, objet de recherches menées au sein du groupe « ttH », orchestré par un physicien de l’Irfu/DPhP, ouvre des perspectives quant à l’étude du mécanisme de Higgs via la mesure du couplage du quark top au boson de Higgs.
Mariage poids lourd
Le quark top et le boson de Higgs sont les deux particules les plus massives du modèle standard de la physique des particule (MS). Le couplage du boson de Higgs aux particules est proportionnel à la masse de la particule en question. Plus une particule est massive, plus la probabilité que le boson de Higgs se désintègre en, ou soit produit par, une paire particule-antiparticule est importante. Autant dire que l’on attend une interaction Higgs-quark top très grande.
Il est possible d’inférer indirectement ce couplage, qu’on appelle couplage de Yukawa du quark top, par l’étude des processus de production des bosons de Higgs par fusion de gluons ou de désintégration des bosons de Higgs en deux photons. Ces processus (voir diagrammes ci-contre, en haut) peuvent en effet faire intervenir une boucle de quarks top mais aussi de quarks b ou de bosons W, qu'on ne sait pas dissocier. Pour mesurer directement le couplage de Yukawa du quark top, le processus « ttH » (voir diagramme ci-contre, en bas) est le seul dont le taux de production y est directement proportionnel.
La difficulté d’une telle observation vient, d’une part, du très faible taux de production (1% seulement de la production totale de bosons de Higgs), mais aussi de la multiplicité des états finals associés : on attend dans le détecteur de 6 à 10 objets, photons, leptons chargés ou jets de particules venant des désintégrations des quarks top et du Higgs.
Atlas a choisi d’analyser les données enregistrées en 2015 et 2016 à 13 TeV d’énergie de collision en sélectionnant des topologies d’état finals avantageuses, en termes de rapport signal sur bruit de fond, ou en termes de taux de production. Les résultats des deux canaux suivant viennent d’être rendus publics au Cern : l’état final doit contenir
Diagrammes de Feynman de processus mettant en jeu le couplage du quark top au boson de Higgs. En haut, la production de boson de Higgs par fusion de gluons (à gauche) et la désintégration du boson de Higgs en deux photons (à droite). En bas, la production d’un boson de Higgs en association avec une paire de quarks top antitop.
Beautés en couple
Dans le canal ttH bb, on attend quatre jets issus de quarks beaux plus un ou deux leptons chargés (voir diagrammes ci-contre). Près de 60% des bosons de Higgs se désintégrant en paire de quarks beaux, ce canal offre une grande statistique. En revanche, il est assez difficile à étudier dans la mesure où les paires de quarks top sont souvent produites en association avec une paire de quarks beaux venant de gluons, ce qui constitue un très important bruit de fond.
Pour pallier ce problème, les événements sont répartis en catégories de différentes sensibilités selon le nombre de jets de l’état final. Dans les régions les plus sensibles, Atlas utilise des algorithmes de « machine learning » pour extraire le faible signal. Il est aussi possible de sélectionner dans ces catégories des topologies particulières contenant des jets de grande impulsion. Cette étude a fait l’objet d’une thèse de l’Irfu/DPhP, soutenue en 2017, qui montre que cette option nécessite beaucoup plus de données que celles analysées ici, mais pourrait être utile au HL-LHC (LHC haute luminosité, phase dont le démarrage est prévu en 2025).
Des leptons à foison
Le canal ttH ML souffre de taux de production beaucoup plus faibles que le canal ttH bb mais les bruits de fonds sont nettement moins importants et plus faciles à identifier, donc à rejeter. Pour ce faire, les événements sont séparés selon leur état final (essentiellement nombre de leptons chargés dont nombre de leptons de même charge).
La combinaison des différentes catégories permet de mettre en évidence la présence d’événements ttH, comme l’illustre la figure ci-contre qui donne le nombre d’événements observés en fonction du rapport signal sur bruit de fond. Dans les intervalles les plus à droite, le niveau d’événements ttH prédit par le MS (zone orangée) se détache nettement au-dessus du nombre d’événements de bruit de fond attendu (en blanc), c’est la zone la plus sensible. Et les données (points noirs avec barre d’erreur statistique) montrent un net excès par rapport au bruit de fond attendu, prouvant l’existence du signal ttH.
Nombre d’événements attendus en fonction du rapport signal sur bruit de fond. L’histogramme en blanc montre le bruit de fond attendu. Les parties orangées (respectivement rouges) montrent le nombre d’événements ttH attendus en plus du bruit de fond tel que prédit par le MS (respectivement d’après un ajustement sur l’ensemble des catégories). Les points noirs avec barres d’erreur représentent les mesures.
Combinaison
La figure ci-contre montre l’accord entre les sections efficaces des différents canaux ttH mesurées et les prédictions du MS (µ est le rapport mesure/MS). Les résultats pour les canaux présentés ci-dessus (ttH bb et ttH ML) y sont donnés conjointement avec les résultats de deux autres canaux (ttH gg et ttH ZZ). Ces quatre résultats ont été combinés statistiquement, la combinaison est donnée sur la dernière ligne. On observe, par rapport à l’hypothèse « bruit de fond seulement » (c’est-à-dire quand le couplage du quark top au boson de Higgs est nul), un excès de 4,2 écarts standard. D’où le vocable de « preuve » ! Il faudra attendre 5 écarts standard au moins pour parler d’observation. Néanmoins, s’ils ne se permettent pas encore d’en extraire une valeur pour le couplage de Yukawa du quark top, les physiciens ne boudent pas leur plaisir et ont calculé la section efficace de production ttH correspondante : 590
Contact : Henri Bachacou
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Physique des particules auprès des collisionneurs
• Le Département de Physique des Particules (DPhP)
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