Un travail théorique associant des chercheurs du Ganil, de l’Université de Huelva en Espagne et de l’Institut de Physique Racah en Israël, permet de confirmer la nature vibrationnelle du cadmium-110 lorsqu’il a été excité, tout en reproduisant des observations expérimentales qui remettaient cette nature en question. En effet, depuis les années 70, des expériences montraient des états non vibrationnels dits « intrus ». Ces nouveaux résultats, qui sont en train d’être étendus à l’ensemble des isotopes pairs du cadmium, résolvent donc une problématique vieille de plusieurs dizaines d’années et ont fait l’objet d’une mise en exergue de l’éditeur de la revue Physical Review C.
Les isotopes de cadmium, comptant tous 48 protons mais un nombre de neutrons différents, ont longtemps été des cas d’école pour la description d’un mode particulier d’excitation du noyau atomique : la vibration. Il existe en réalité plusieurs façons d’exciter un noyau notamment par vibration et par rotation. Or les noyaux de cadmium n’étant pas déformés, c’est-à-dire ayant une forme plutôt sphérique, la rotation est interdite en mécanique quantique et ils sont donc largement étudiés pour leur caractère vibrationnel. Ils vibrent à des fréquences bien déterminées autour de leur forme d’équilibre sphérique initiale. En analogie avec l’oscillateur quantique en une dimension (illustré à droite de la figure 1), il résulte un modèle vibrationnel du noyau atomique avec un schéma caractéristique de niveaux d’excitation et voies de décroissance (voir la figure 1 à gauche).
Figure 1 : à droite, l'énergie potentielle d'un oscillateur quantique en une dimension et les densités de probabilité des fonctions d'ondes des quatre premiers états et, à gauche, les niveaux d'excitation et leurs voies de décroissance d'un noyau vibrationnel idéal, correspondant à un oscillateur quantique en cinq dimensions.
Figure 2 : à droite, la reproduction par le modèle théorique des propriétés des états du cadmium-110 et à gauche, les états mesurées expérimentalement.
Cette représentation idéale des noyaux de cadmium comme « vibrateurs sphériques » a cependant été mise à mal dès les années 70 par l’observation expérimentale d’états de basse énergie d’excitation dont les propriétés (énergie et voies de décroissance) ne pouvaient être reproduites dans le cadre du modèle vibrationnel du noyau atomique. Ces états « anormaux » se répartissent en deux catégories : des états dont le caractère vibrationnel est bien connu mais dont les voies de décroissance ne sont pas telles qu’attendues (transitions en rouge dans la figure) et des états non vibrationnels, appelés « intrus » (états et transitions en bleu dans la figure 2).
De nombreux travaux théoriques ont tenté sans succès de concilier la nature vibrationnelle des noyaux de cadmium, caractérisés par les états et transitions en noir dans la figure, et les propriétés particulières des autres états excités observés (en rouge et en bleu). C’est maintenant chose faite avec cette étude comme en témoigne la comparaison proposée dans la figure : non seulement les états de vibration présentant des propriétés de décroissance « anormales » sont correctement reproduits, mais la nouvelle approche théorique proposée indique que les états de vibrations normaux et anormaux ne se mélangent que faiblement avec les états « intrus ».
Ce travail, qui résout une problématique vieille de plusieurs dizaines d’années, a fait l’objet d’une « communication rapide » ainsi que d’une suggestion de lecture de la part de l’éditeur de la revue Physical Review C.
DOI : https://doi.org/10.1103/PhysRevC.98.031302
Contact : Piet Van Isacker,
Partenaires : Ganil, Université de Huelva, Espagne ; Université hébraïque de Jérusalem, Israël
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