Dans un article publié en février 2019 dans la revue Nature [1], la collaboration CLAS de Jefferson Lab (USA) rapporte la première mesure permettant de mettre en lumière le rôle central des paires corrélées de protons et de neutrons dans la modification de la structure en quarks et en gluons de ces derniers. Cette découverte pourrait avoir d’importantes conséquences depuis les futures expériences neutrinos à longue portée, jusqu’à la structure des étoiles à neutrons.
Le noyau atomique est constitué de protons et de neutrons (nucléons), eux-mêmes composés de quarks et de gluons. Comprendre comment et pourquoi un nucléon, quand il est lié dans un noyau atomique, voit sa structure modifiée est l’un des défis majeurs de la physique nucléaire moderne, avec des répercussions jusqu’à la structure des étoiles. Bien qu’observée et mesurée depuis environ 35 ans, nous ne comprenons toujours pas la cause de ce phénomène. Néanmoins, des mesures récentes ont suggéré un lien possible entre la modification de la structure du nucléon et son appartenance à une paire de nucléons interagissant à courte portée [Figure 1], un phénomène appelé « corrélation à courte portée » qui intéresse depuis quelques années les physiciens du Département de Physique Nucléaire à l’Irfu [Fait Marquant « Des protons sous stéroïdes dans les étoiles à neutrons ? »].
Pour la première fois, la collaboration CLAS de Jefferson Lab (USA) dans laquelle l’Irfu est fortement impliqué [Fait Marquant « Le trajectographe de CLAS12, une « success story » de l’Irfu »], a réalisé la mesure simultanée de la modification nucléaire de la structure du nucléon et de l'abondance des corrélations à courte portée dans les noyaux. Les données indiquent clairement une modification universelle et dynamique de la structure des nucléons dans les paires neutron-proton à courte portée. Cela implique que, dans les noyaux lourds avec beaucoup plus de neutrons que de protons, les protons sont plus susceptibles que les neutrons d'appartenir à une paire corrélée à courte portée et donc d'avoir leur structure déformée. Une découverte fondamentale, qui pourrait avoir d’importantes conséquences, par exemple dans les taux d’interaction attendus dans les futures expériences d’oscillation de neutrinos à longue portée comme DUNE.
Une expérience auprès de l’installation R3B à GSI/FAIR (Allemagne), permettant d’étudier les corrélations à courte portée dans les noyaux où le déséquilibre neutrons/protons est encore plus grand, est prévue dans les prochaines années par les équipes de l’Irfu dans le cadre de l’ANR Cocotier.
[1] Modified structure of protons and neutrons in correlated pairs, The CLAS Collaboration, Nature 566, 354–358 (2019)
• Structure de la matière nucléaire › Structure en quarks et gluons des hadrons