A l’occasion de la campagne d’expériences 2019 au GANIL, les multi détecteurs FAZIA et INDRA sont couplés pour la première fois afin de réaliser des expériences de physique nucléaire axées sur l’étude des propriétés dynamiques et thermodynamiques de la matière nucléaire. Elles sont déduites des caractéristiques des particules émises lors de collisions des noyaux. Le dispositif expérimental est utilisé par une collaboration internationale[1] qui a développé le nouveau système de détection modulaire de haute résolution FAZIA.
En 2019, une série d’expériences est en cours avec les détecteurs FAZIA et INDRA. Elles permettent de récolter des données précieuses pour l’étude de l’équation d’état, une propriété fondamentale de la matière nucléaire qui décrit la relation entre l’énergie, la température, la pression et la densité. Un autre paramètre qui peut modifier l’équation d’état est l’asymétrie entre le nombre de protons et le nombre de neutrons de la matière nucléaire.
En effet, l’équation d’état est bien établie pour la matière nucléaire dite symétrique (mêmes densités de neutrons et de protons). C'est cette matière qui constitue la plupart des noyaux stables qui, à condition de ne pas être trop lourds, présentent une faible asymétrie entre le nombre de protons et le nombre de neutrons. En revanche, elle n’est pas bien connue pour des milieux très déséquilibrés et donc comportant des densités extrêmes (très faibles ou très fortes) ou une asymétrie forte entre le nombre de protons et le nombre de neutrons. Les expériences menées au GANIL permettent de contraindre les modèles dynamiques et thermodynamiques pour la matière très asymétrique et extrêmement dense, comme celle que l’on trouve dans l’effondrement d’étoiles massives appelées supernovæ et les étoiles à neutrons qui en résultent.
Au cours des expériences, un faisceau d’ions stables de haute énergie de Nickel-58 ou 64 (Nickel comportant 30 ou 36 neutrons) bombarde une cible des mêmes isotopes : 58Ni sur 58Ni, 64Ni sur 64Ni, 58Ni sur 64Ni et 64Ni sur 58Ni. Ces combinaisons permettent de contraindre les modèles de dynamique nucléaire avec différentes asymétries de protons et de neutrons et de répondre aux questions suivantes : comment se comporte la matière nucléaire, constituée d’un fluide de nucléons, au moment de la collision entre deux noyaux ? Après son expansion, quels fragments sont les plus produits et quelles sont leurs caractéristiques : taille, nombre de neutrons et protons, énergie, angle d’émission ?
Cependant, ces expériences ne sont possibles que si l'on est capable d’identifier précisément le nombre total de neutrons et de protons de chaque noyau produit par les réactions. C'est désormais possible grâce à la grande résolution de détection « en masse » du système modulaire de détection FAZIA conçu et réalisé principalement par des laboratoires français et italiens. En le couplant à INDRA, qui identifie les noyaux uniquement selon leur nombre de protons, les physiciens récoltent des données importantes pour contraindre l’équation d’état nucléaire et par conséquent des informations précieuses sur les environnements astrophysiques.
[1] La collaboration réunit des chercheurs de laboratoires français (Grand accélérateur national d’ions lourds, Laboratoire de Physique Corpusculaire de Caen, Institut de Physique Nucléaire d’Orsay, Subatech), italiens (INFN Firenze, Catania, Napoli, Padova, Bologna), polonais (Université Jagiellonian de Cracovie Université de Varsovie), espagnol (Université de Huelva) et coréenne (Université de Corée du Sud).
Contact: Myriam Grar