Les récentes détections d'ondes gravitationnelles, infimes vibrations de l'espace-temps, ont ouvert une nouvelle fenêtre d'observation de l'Univers. Deux chercheurs, dont Camilla Danielski du Département d'Astrophysique du CEA-Irfu, viennent ainsi de démontrer que, lorsque ces ondes sont émises par deux étoiles denses en orbite, elles peuvent être perturbées si une planète est en orbite autour de ce couple d'étoiles. Les ondes gravitationnelles, qui peuvent être détectées jusqu'à de grandes distances, sont alors un moyen infaillible de détecter une population de planètes inaccessibles autrement. L'expérience LISA (Spatial Interferometer with laser antenna), dont le lancement est prévu en 2034, pourra ainsi réveler des planètes géantes dans toute la Galaxie et même dans les galaxies compagnons des Nuages de Magellan. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Astronomy du 8 juillet 2019.
Depuis 20 ans, la recherche des exoplanètes, planètes orbitant autour d'autres étoiles que le Soleil, a connu une révolution et plus de 4000 planètes ont déjà été découvertes en orbite autour d'une grande variété d'étoiles, différentes de notre propre Soleil. Différentes classes d'exoplanètes ont ainsi été découvertes, de masses, de tailles et de compositions différentes. Ces découvertes ont bouleversé notre conception des planètes et ont révélé une grande diversité de population planétaire. Mais, les techniques de détection, basées sur l'analyse de la lumière, restent limitées à une région proche du Soleil.
La première découverte, par les expériences LIGO and Virgo, en septembre 2015, d'ondes gravitationnelles produites par la fusion de deux trous noirs a marqué le début d'une nouvelle astronomie en ouvrant la nouvelle ère prometteuse des observations multi-messagers. Les ondes gravitationnelles ne sont pas des ondes lumineuses mais des ondes de déformation de l'espace- temps; elle se matérialisent par une variation transitoire de distance entre deux points, mesurable grâce à des lasers. Contrairement aux ondes lumineuses qui peuvent être absorbées dans l'espace interstellaire, elles se propagent librement dans tout l'espace et sont donc potentiellement détectables jusqu'à de très grandes distances.
Depuis 2015, déjà onze événements d'ondes gravitationnelles ont été enregistrés. Ces ondes peuvent être produites par la fusion d'objets denses, trous noirs ou étoiles à neutrons, mais également par la rotation rapide d'un couple de naines blanches en orbite serrée. Les naines blanches sont le dernier stade de l'évolution des étoiles comme le Soleil, objets denses d'une masse équivalente à celle du Soleil condensée dans un rayon équivalent à celui de la Terre. Elles sont particulièrement nombreuses dans la Galaxie, car on estime qu'environ 10% des étoiles sont déjà devenues des naines blanches, mais elles sont difficiles à détecter car elle émettent peu de lumière.
Les chercheurs ont calculé que, si une planète est en orbite autour d'un couple serré de naines blanches, alors l'onde gravitationnelle produite sera modifiée en raison de l’attraction gravitationnelle de la planète sur le couple d'étoiles, révèlevant ainsi l'existence de la planète. Cette technique est similaire à la méthode de la vitesse radiale bien connue, utilisée pour repérer des exoplanètes avec des télescopes classiques. Mais à la différence des méthodes qui analysent la lumière, l'utilisation des ondes gravtitationnelles permet d'explorer de régions beaucoup plus grandes, sans être d'autre part perturbé par l'activité de l'étoile centrale.
Les auteurs montrent ainsi que la prochaine grande mission LISA (Spatial Interferometer with laser antenna ou Interféromètre spatial à antenne laser) de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), dont le lancement est prévu pour 2034, pourra détecter des exoplanètes de la masse de Jupiter et au delà, partout dans notre Galaxie, en surmontant les limites de distance des télescopes classiques. L'expérience LISA est constituée de 3 satellites en triangle, séparés de 2,5 millions de kilomètres et reliés par 6 faisceaux laser. Elle sera capable de détecter les ondes gravitationnelles sans être affectée par les sources de perturbations terrestres. LISA aura même le potentiel de détecter des exoplanètes également dans les galaxies voisines, ce qui pourrait donc réveler la première exoplanète extragalactique. De quelle nature seront ces planètes extragalactiques ? Seront-elles similaires à celles déjà découvertes au voisonnage du Soleil ou seront-elles totalement différentes ? De grandes surprises attendent encore les astrophysiciens dans leur compréhension et leur recherche d'autres Terres.
Contact : Camilla DANIELSKI
Publication :
"The gravitational-wave detection of exoplanets orbiting white dwarf binaries using LISA"
Nicola Tamanini et Camilla Danielski
publié dans la revue Nature Astronomy du 8 juillet 2019
Voir aussi : Pas d'écho gamma à la fusion de deux trous noirs (29 mars 2016)
Rédaction : C. Danielski, J.M.Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Phénomènes Cosmiques de Haute Énergie • Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement