Pour la première fois, une équipe de chercheurs a pu mesurer et identifier précisément les noyaux « fils » produits lors de la fission de l’Uranium-239. Cette première a été rendue possible par la combinaison unique des équipements et des faisceaux du GANIL. Elle fait l’objet d’une publication dans la revue Physical Review Letter*.
Cette année marque le 80ème anniversaire de la découverte du processus de fission. Rapidement, les chercheurs ont mis en évidence que, lors de la fission d’éléments lourds, de nombreux éléments plus légers sont produits et qu’une grande quantité d'énergie est libérée. Aujourd'hui, le processus de fission est une source d'énergie primordiale qui couvre près de 72% de la production d'électricité en France. En outre, la fission est également l’un des phénomènes clés pour la gestion et la transmutation des déchets nucléaires radioactifs. Le processus de fission est aussi utilisé par les scientifiques comme un laboratoire à l’échelle femtométrique (un millionième de milliardième de mètre) pour étudier les propriétés de la matière nucléaire. Il joue un rôle important dans la fabrication de noyaux dans les étoiles, la nucléosynthèse, notamment au cours du processus de capture rapide de neutrons.
Pendant le processus de fission, le noyau père se divise en deux noyaux fils différents (fragments de fission). Pour un même noyau père, il existe des centaines de possibilités différentes de divisions, associées à des probabilités plus ou moins bien connues : la combinaison de ces deux paramètres est appelée « distribution ». Après 80 années de recherche, la fission reste l'un des processus nucléaires fondamentaux qui défie notre compréhension, tant du point de vue expérimental que théorique. Expérimentalement, la faible énergie des fragments de fission rend difficile leur identification isotopique directe (par leur nombre de protons et de neutrons) et donc la mesure directe de la probabilité associée à ces deux fragments. Théoriquement, la modélisation microscopique complète de ce processus est ardue compte tenu de la grande complexité de la structure intrinsèque et de l’évolution temporelle des noyaux fissionnant et des produits de fission.
Lors d’une expérience menée au Grand Accélérateur National d’Ions Lourds (GANIL), par une collaboration de chercheurs européens, la distribution complète des produits de fission de l'uranium 239 a été mesurée pour la première fois. Les performances du spectromètre magnétique de grande acceptance (VAMOS ++), combinées aux faisceaux d'ions d’uranium-238 de basse énergie et de haute intensité, ont permis de mesurer le nombre de neutrons et de protons de chaque produit de fission. Cette combinaison unique place le GANIL à l'avant-garde dans l'exploration du processus de fission.
Cette mesure a permis de préciser l'impact de la structure intrinsèque du noyau sur le mouvement collectif des nucléons impliqués dans le mécanisme de fission. Elle ouvre la voie à la mesure de distributions complètes de fragments de fission pour un grand nombre de systèmes fissionnants. Il s’agit d’un programme prometteur, ambitieux et compétitif pour percer à jour l’énigme du mécanisme de fission.
Contact : Antoine LEMASSON, Maurycy REJMUND
*First Direct Measurement of Isotopic Fission-Fragment Yields of 239U
D. Ramos et al., Physical Review Letters 123, 092503 – Published 30 August 2019 https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.123.092503