28 mai 2020
ATLAS au (4) top

La collaboration Atlas présente à la conférence LHCP 2020 ses résultats sur la recherche de la production simultanée de quatre quarks top (4t), la particule la plus massive du Modèle Standard de la physique des particules (MS). Ce phénomène spectaculaire, jamais encore observé, permet de tester de nombreux modèles au-delà du Modèle Standard (dite « Nouvelle Physique ») qui prévoient une section efficace de production de 4t plus grande que prévue par le MS. L’analyse, coordonnée par l’Irfu, de 139 fb-1 de collisions proton-proton à une énergie dans le centre de masse de 13 TeV enregistrés entre 2016 et 2018, permet de mettre en évidence pour la première fois cet état final rare avec un résultat à plus de trois écarts standards. L’observation (à 5 écarts standard) est attendue au Run 3 du LHC.

 

Un argument massif pour la recherche des 4t

Avec une masse de 175 GeV environ, le quark top est la particule la plus massive du modèle standard, a fortiori le plus massif des fermions élémentaires (voir masses des particules élémentaires ci-contre). A ce titre, il a un couplage très important avec le boson de Higgs et éventuellement, de grands couplages avec de nouvelles particules hypothétiques prévues par de nombreux modèles au-delà du modèle standard. À cet égard, les processus rares impliquant le quark top sont particulièrement pertinents. Parmi ceux-ci, la production de quatre quarks top (4t) est prévue par le MS mais n'a pas encore été observée. De nombreux modèle au-delà du modèle standard prévoient une section efficace de production de 4t plus grande que prévue par le MS. Il s’agit d’un des processus les plus spectaculaires accessibles au LHC mais particulièrement difficile à mesurer.

 
ATLAS au (4) top

Particules élémentaires du Modèle Standard de la physique des particules.

ATLAS au (4) top

Exemples de diagrammes de production 4t au LHC, i.e. deux quarks top et deux antiquarks top.

Des difficultés en masse

L’état final à 4t (voir diagrammes possibles de production ci-contre) ne se laisse cependant pas facilement débusquer. D’abord, il s’agit d’un processus extrêmement rare. Le MS prédit une section efficace de production en collision proton-proton à 13 TeV de 12 fb (à 20% près environ). A titre de comparaison c’est environ 4000 fois plus rare que la production d’un boson de Higgs. Ensuite, les topologies possibles pour l’état final, c’est-à-dire la signature dans le détecteur, sont très diverses et complexes : chacun des quatre quarks top se désintègre immédiatement en un quark b et un boson W ; chaque quark b produit un jet hadronique dans le détecteur (un jet est une gerbe de particules qui signe la présence de quarks ou gluons produits lors de la collision proton proton); chaque W se désintègre soit en deux jets hadroniques, soit en un lepton et un neutrino. C’est pourquoi, l’analyse présentée ici se concentrent sur les états finals leptoniques, plus faciles à distinguer du bruit de fonds que les événements ne contenant que des jets. Les états finals analysés contiennent :

  • trois leptons, quatre jets de b, deux jets venant d’un W et de l’énergie manquante,

  • ou deux leptons, quatre jets de b, quatre jets venant de deux W et de l’énergie manquante. Dans ce dernier cas, on demande à ce que les deux leptons soient de même charge, ce qui permet de distinguer ces événements des événements de production d’une seule paire quark top/antiquark top dans lesquels les deux leptons sont forcément de charge opposée.

Précisons que « lepton » ici comprend les électrons et les muons. Les tauons se désintègrent très vite en de multiples états finals possibles et compliquent encore la signature du signal. En tout, les événements leptoniques analysés représentent un peu plus que 12 % des événements 4t possibles.

 

Une aiguille dans beaucoup beaucoup de foin

Les événements leptoniques sont beaucoup moins noyés dans le bruit de fond que les événements complètement hadroniques, néanmoins, un certain nombre de processus standard donne des états finals identiques en particulier la production de bosons (Higgs, W ou Z) en association avec une paire de quarks top. Pour distinguer le signal du bruit, l’équipe s’appuie sur le fait que le signal 4t se caractérise par une grande multiplicité de jets venant de quarks b et d’autres quarks plus légers et par une grande énergie. En particulier, la somme des modules des impulsions transverses de tous les objets de l’événement est plus élevée dans les événements 4t que dans les événements de bruit de fond. Ces caractéristiques cinématiques sont injectées dans une méthode multivariée (un arbre de décision boosté) pour séparer le signal des bruits de fonds.

Ces bruits de fond sont d’abord évalués à l’aide de simulation Monte Carlo incluant les meilleures prédictions théoriques actuelles. Pour les bruits de fond les plus difficiles, ie. la production de boson W avec une paire de quark top et les bruits de fond avec des leptons mal identifiés, l’analyse utilise directement les données à l’aide de régions de contrôle dédiées. Ces bruits de fond doivent être particulièrement bien évalués pour minimiser l’erreur sur le résultat final.

 
ATLAS au (4) top

Candidat 4t. L’événement contient 7 jets parmi lesquels 4 sont étiquetés comme venant d’un quark b (cônes bleus). Les autres jets sont représentés par les cônes jaunes. L’événement contient un muon (la ligne rouge) et un électron (en vert).

ATLAS au (4) top

Résultat de l’arbre de décision boosté dans la région de signal. Les données sont indiquées par les points noirs. L’histogramme rouge correspond au signal 4t ajusté aux données en prenant en compte l’ensemble des bruits de fond (histogrammes d’autre couleur). La figure est en échelle logarithmique.

Les 4t mis en évidence

L’analyse des 139 fb-1 de données du Run 2, enregistrées par l’expérience Atlas au LHC à 13 TeV d’énergie de collision permet de mettre en évidence le processus 4t. En effet, la section efficace de production mesurée 24+7-6 fb correspond à une signification statistique observée de 4.3 écarts standards pour 2.4 attendus (à partir des simulations). On peut donc parler, pour la première fois, de mise en évidence de la production de 4t mais pas encore d’observation. Le résultat obtenu est un peu supérieur à la prédiction du modèle standard, mais l’erreur sur la mesure est encore importante. Il faudra attendre le Run 3 avec 300 fb-1 pour obtenir une observation (5 sigma) et en dire plus sur l’accord entre mesure et prédiction. La phase haute luminosité du LHC (HL-LHC) devrait permettre une étude précise de ce processus spectaculaire.

Contact : Frédéric Deliot

Liens : vers l'annonce d'ATLAS sur les 4t et vers le résultat officiel.

 

 
#4786 - Màj : 08/06/2020

 

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