Infographie réalisée par l'ESA à partir des premières détections des instruments du Satellite SolarOrbiter.
Les images sont les plus proches réalisées à ce jour (d'autres satellites ont été plus proches, mais aucun n'avait d'imageurs tournés vers le Soleil).
Solar Orbiter a été lancé le 10 février 2020. Depuis lors, les scientifiques et les ingénieurs ont effectué une série de tests appelée "recette en vol" de tous leurs instruments. SolarObiter était pleinement opérationnel pour son premier passage rapproché du Soleil dès le 17 juin. Alors qu'il volait à environ 77 millions de km du Soleil (environ la moitié de la distance Terre-Soleil), les 10 instruments étaient prêts pour leur acquisition. Des premières images en UV et en visible ont pu être révélées (actualité ESA).
L'activité solaire est actuellement assez faible, car il est au début d’un cycle Solaire de 11 ans, le cycle 25. Néanmoins, l'équipe STIX a eu la chance d'observer une éruption solaire le 7 juin 2020 permettant de tester correctement presque tous les aspects du fonctionnement de STIX.
Pourquoi 10 instruments à SolarOrbiter ?
Solar Orbiter est équipé de 10 instruments (4 in situ - qui mesurent des paramètres dans l’environnement du satellite - et 6 de télédétection - qui fournissent des images du Soleil) pour étudier le Soleil et le flux de particules chargées qu'il libère dans l'espace - le vent solaire. En combinant les données des deux ensembles d'instruments, les scientifiques obtiendront des informations sur la production du vent solaire, le flux de particules chargées provenant du Soleil qui influence l'ensemble du système solaire.
La mesure du rayonnement X (issus des électrons) par STIX (Irfu, LESIA, labo Suisse-PI-) permet d’obtenir des informations cruciales pour les autres instruments de Solar Orbiter sur le « timing » de l’accélération des faisceaux d’électrons au soleil, sur la localisation de cette accélération à la surface du soleil et sur l’intensité et le spectre des électrons accélérés.
Premières images de SolarObiter
Lors de ce premier passage proche du Soleil, seuls 3 instruments d’imagerie, en UV et visible, ont pu révéler après 2 semaines de données, des images. Les autres instruments d’imagerie nécessitent plus de temps d’analyse.
Ces premières images de Solar Orbiter ont révélé des éruptions solaires « miniatures » omniprésentes, appelées "feux de camp", près de la surface de notre étoile. Ces phénomènes n'étaient pas observables en détail auparavant et cela laisse entrevoir l'énorme potentiel de Solar Orbiter, qui vient tout juste de démarrer sa croisière.
Les 2 images de la colonne de gauche : le plan focal de l’instrument STIX est constitué de 32 détecteurs composés d’un cristal (CdTe) derrière lequel se trouve un circuit intégré de lecture (ASIC), formant un ensemble appelé Caliste. La société 3D- PLUS (https://www.3d-plus.com) a réalisé l’intégration de la microélectronique des modules Caliste.
les 2 images de la colonne de droite : en haut : Opération de fermeture de la « Detector Box » de STIX. ; en bas : Vue des 2 grilles de STIX avec leurs différents masques et le plan focal avec les détecteurs au fond.
Crédit : en haut à gauche L. Godart/CEA – en bas à Gauche et à droite FHNW Institut.
Spectre de calibration en vol (pris en 24h environ) obtenu en sommant les réponses de tous les pixels. Les raies du Ba-133 et les structures spectrales principales sont nettement visibles et la résolution en énergie est indiquée à chaque pic.
Crédit : CEA/Irfu, Olivier Limousin et Hugo Allaire
"Recette en vol" de STIX
Depuis mi-avril, début des recettes en vol de STIX, il y a eu 6 phases séparées de 10 jours. Dès la première phase, « 100% des 384 pixels ont répondu présents et ça a été un soulagement énorme, de les voir compter tous de la même manière » témoigne Olivier Limousin, responsable du plan focal de STIX. Une source d’étalonnage radioactive au baryum est embarquée afin de produire un spectre d’étalonnage comprenant des raies caractéristiques (notamment à 31 et 81 keV). La table de calibration actuellement à bord, établie pendant ces phases de test, est celle fournie par l’équipe de l’Irfu. « Nous sommes fier d’avoir fourni un tel objet – un détecteur unitaire qui pèse seulement 4g, avec des performances spectrales incroyables et dans les conditions de l’espace. Le détecteur est d’une très grande stabilité. On pourra soustraire le bruit de fond et le signal des éruptions solaires sera de très bonne qualité » poursuit Olivier Limousin.
Comment sont produits les rayons X ?
Les rayons X sont des rayonnements de haute énergie générés par le mouvement des électrons dans les plasmas chauds présents à la surface solaire souvent liés à une activité magnétique explosive du Soleil comme une éruption solaire. Les éruptions peuvent atteindre des températures allant jusqu'à 50 millions de degrés, même plus élevées que les températures atteintes au centre du Soleil et STIX est particulièrement adapté à des détections couvrant toutes les intensités d’éruptions (il y a une dynamique de 105 en intensité de photons entre les différents types d’éruptions)
Pourquoi il n’y a pas encore d’images en X ?
La focalisation des rayons X est difficile et nécessite un système optique volumineux pas adapté à Solar Orbiter. Un système compact et sophistiqué d’imagerie indirecte, fait de différents masques de métal installés devant les détecteurs, est utilisé à bord de STIX. La reconstruction d’images demande un effort de traitement mathématique et d’étalonnage qui n’est pas encore tout à fait prêt pour STIX. La seule détection d'une éruption ne permet pas encore de faire une image et de nombreuses corrections instrumentales doivent être encore appliquées. Une fois que le processus de reconstruction est validé, les images peuvent être générées automatiquement.
Le schéma en haut montre la position du Soleil (point jaune) de la Terre (point bleu)) et de Solar Orbiter (point rouge) donnant un aperçu de la constellation de Solar Orbiter par rapport au Soleil et à la Terre.
L'emplacement de l'éruption détectée par le Solar Dynamics Observatory (SDO, un satellite NASA en orbite géosynchrone proche de la Terre) est indiqué sur la petite sphère à gauche, et celle détectée par STIX est indiquée par une croix sur la sphère solaire représentée à droite. Les 2 positions correspondent en localisation et en temps. Sont superposées sur la sphère de droite, le spectre en énergie en bas et les courbes de lumière en haut des 2 composantes des X à basse et haute énergie.
Credit: Solar Orbiter/STIX Team/ESA & NASA
Ce qu’a détecté STIX lors d’une éruption de classe B le 7 juin
STIX mesure la date, la localisation, et l’intensité ainsi que l’énergie des rayons X, photon par photon. Sur la figure ci-contre, le profil temporel et le spectre des rayons X de l'éruption sont illustrés. Il y a deux composantes dans le signal de rayons X, en rouge à plus basse énergie de 4 à 10 KeV et en bleu à plus haute énergie de 10 à 20 KeV (STIX va jusqu'à 150 keV, mais cette éruption plutôt petite n'atteint que 20 keV).
En rouge, les émissions des arches magnétiques issues de l'éruption sont indiquées. Une arche magnétique est remplie de gaz qui a été chauffé par l'énergie libérée pendant une éruption. Le spectre des rayons X observé permet de déterminer la température de ces boucles. Pour cette petite éruption, les scientifiques ont déterminé une température d'environ 11 millions de degrés Celsius, soit nettement plus que les températures normales de la couche coronal d'environ un million de degrés.
La deuxième composante, en bleu, représente les électrons, qui ont été accélérés pendant le processus de libération d'énergie de l'éruption. Ces électrons à haute énergie « frappent » la surface solaire et chauffent les couches inférieures de la couronne solaire. Le matériau chauffé remplit alors les boucles éruptives. En chauffant la surface solaire, les électrons cèdent leur énergie et chauffe le gaz qui est ensuite visible en rayons X de basse énergie. Par conséquent, la courbe rouge (rayonnement thermique) augmente pendant les périodes où la courbe bleue (rayonnement non thermique dû à l’accélération des électrons) atteint son maximum. Après l'arrêt de l'accélération, les boucles éruptives commencent à se refroidir et l'émission de rayons X diminue en conséquence. Sur un évènement de ce type, tout le processus se déroule en moins de 10 minutes.
Prévision de la couronne solaire au premier périhélie de Solar Orbiter, au 15 juin 2020. La structure magnétique de l’héliosphère (lignes vertes) et la distribution de vitesse du vent solaire (de 300 km/s en mauve à 800 km/s en jaune) sont calculés à l’aide d’un modèle physique (magnétohydrodynamique) tirant parti de la structure magnétique observée à la surface du Soleil. Crédits : A. Strugarek, A.S. Brun, B. Perri, V. Réville, R. Pinto, S. Parenti @CEA Paris-Saclay
Simulation d’un modèle complet du Soleil
En plus des responsabilités sur les instruments, l’équipe du département d’astrophysique de l’Irfu (DAp/Irfu) est impliquée dans les modélisations. Allan Sacha Brun et Antoine Strugarek sont membres du groupe MADAWG (Solar Orbiter Data Analysis Working Group) qui fournit des simulations numériques et des logiciels pour l'analyse des données.
Un modèle intégré du Soleil de son intérieur à sa surface et sa couronne étendue est en cours de développement sous la responsabilité d’experts du laboratoire Dynamique des Etoiles, des (Exo)planètes et de leur Environnement (LDE3 du DAp/Irfu) au sein du projet ERC Synergy Whole Sun.
Il a pour objectif de comprendre l'origine du cycle magnétique de 11 ans du Soleil et comment l'activité intense qui en résulte se manifeste sous forme d’éruptions et d’éjection de nuages magnétiques perturbant et modulant ainsi l’atmosphère solaire et son prolongement sous la forme d’un vent de particules. Dr. Allan Sacha Brun, chef du LDE3, explique « Il faut un modèle très avancé pour comprendre de manière intégrée tous ces couplages non linéaires entre l’intérieur et l’extérieur solaire et ce afin de pouvoir le confronter aux multiples observations des instruments de Solar Orbiter. C’est vraiment formidable qu’observations, théorie et simulations numériques avancent en parallèle pour lever les nombreux mystères entourant encore notre étoile ».
Le modèle, initialisé à partir d’une carte de surface du champ magnétique solaire (appelé magnétogramme), a nécessité des milliers de cœurs de calculs pendant plusieurs jours afin de calculer l’environnement spatial du Soleil jusqu'à 120 rayons solaires autour de la date du 15 Juin 2020. Ce modèle est parfaitement en phase avec l’objectif premier de Solar Orbiter: “Comprendre comment le Soleil contrôle son environnement, l’héliosphère”” (cf. Figure ci-dessus montrant l’état de l’héliosphère lors du passage à la périhélie de Solar Orbiter).
Antoine Strugarek, un des scientifiques à l’origine de ce modèle, explique: « Nous avons développé ce modèle avec nos collègues Victor Réville (IRAP) et Barbara Perri (IAS) afin de pouvoir comprendre la connectivité magnétique dans l’environnement du Soleil. A quelles régions de la surface solaire sont connecté la Terre, les planètes du système solaire, et bien sur les sondes telles que Solar Orbiter? Il est aujourd’hui essentiel de comprendre et prévoir cette connectivité, et notre modèle permet de tester avec Solar Orbiter nos théories les plus avancées sur le fonctionnement de notre étoile. C’est véritablement un nouvel âge d’or qui commence pour la physique solaire, grâce aux fantastiques missions spatiales que sont Parker Solar Probe et Solar Orbiter et la tour solaire DKIST. »
A partir de ces simulations de la dynamique solaire les chercheurs vont pouvoir comparer les émissions lumineuses dans les différentes longueurs d’ondes (X, UV, Visible) et les flux de magnétiques ainsi que la vitesse de l’atmosphère en expansion du Soleil. En particulier avec leur collègue Nicole Vilmer du LESIA, ils vont modéliser et interpréter les données du télescope STIX à bord de Solar Orbiter.
Ce lien https://solarorbiter.esac.esa.int/where/
vous permet de suivre et de "rejouer" la trajectoire du Satellite (la ligne verte est le parcours déjà effectué de fevrier 2020 à juillet 2020, et la ligne rouge est le futur…).
La suite de la croisiere de SolarOrbiter
Depuis la fin de la recette, les instruments d’imagerie “remote sensing” sont désormais éteints. Ils seront réveillés régulièrement pendant la croisière de Solar Orbiter : prochain rendez-vous « check-out windows » dans 7 mois. Ces « RV » d’imagerie auront lieu ensuite à d’autres moments pendant le cycle solaire. Le voyage de SolarOrbiter sur une orbite solaire est complexe. Après plusieurs assistances gravitationnelles avec Venus, la prochaine collecte de données est prévue en novembre 2021.
Dans 5 ans, Solar Orbiter va progressivement incliner le plan de son orbite et sortir du plan de l’écliptique (le plan Terre-Soleil) pour observer les pôles du Soleil au moment du maximum de son cycle solaire où l’activité sera maximum et où devrait se produire un autre phénomène encore mal compris, le renversement des pôles du champ magnétique principal permettant de mieux comprendre le processus dynamo à l’origine du cycle magnétique solaire de 11 ans.
Cependant, le voyage sur une orbite solaire, intéressante pour la science, prend encore un certain temps. Avant cela, la sonde doit gagner en impulsion de la planète Vénus à plusieurs reprises. La collecte de données commencera réellement en novembre 2021.
Contact Irfu: Olivier Limousin, Allan Sacha Brun, Antoine Strugarek
Communiqués de presse associé: ESA, CNES, CNRS, et CEA
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Système temps réel, électronique d'acquisition et microélectronique (STREAM) • Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement