La phase haute luminosité du LHC (HL-LHC) devrait permettre de collecter un jeu de données sans précédent dans l'histoire de la physique des particules. Afin d’enregistrer ces données le détecteur Atlas subira une cure de jouvence importante. L’Irfu, via le Paris-Cluster en synergie avec deux autres laboratoires d’Ile de France, s’engage dans la construction d’une partie du trajectographe interne. L’année 2021 commence en fanfare pour le Paris-Cluster qui vient de franchir un jalon important dans cette aventure : la première phase des processus d’assemblage et de tests développés par nos équipes a été validée par la collaboration Atlas.
Le LHC version haute luminosité
Alors que le LHC s’apprête à redémarrer pour une nouvelle prise de données de 2022 à 2025, ses équipes préparent déjà l’étape suivante : le LHC haute luminosité, dit HL-LHC, phase qui débutera en 2027. Le HL-LHC permettra d’accumuler une quantité de données encore inégalée (20 fois plus que la quantité de données actuelle) afin de percer, entre autres, les secrets de la pierre angulaire du modèle standard de la physique des particules : le boson de Higgs. L’étude de ses propriétés pourrait révéler des traces de nouvelle physique, au-delà du modèle standard. Néanmoins, en regard des conditions extrêmes anticipées avec une telle luminosité, les détecteurs doivent subir une cure de jouvence significative. L’installation de ces nouveaux équipements, accélérateur et détecteurs confondus, interviendra au cours du troisième arrêt technique du LHC, entre 2025 et 2027. Lors de la phase HL-LHC, les conditions en termes de densité de particules et de radiation seront telles que certaines parties des détecteurs actuels doivent être entièrement remplacées. En particulier, le détecteur de traces internes d’ATLAS, permettant de détecter le passage de particules chargées au plus près du point de collision, devra être complètement changé. Ce nouveau détecteur appelé ITk sera composé de modules en silicium et couvrira 7 fois plus de surface que le détecteur actuel avec un nombre de canaux d’électronique deux ordres de grandeur plus grand. Il sera construit par une collaboration de plus de 100 instituts parmi lesquels le Paris-Cluster, comprenant une vingtaine de personnes issues des différents laboratoires de l’Irfu (Saclay), du IN2P3/LPHNE (Paris) et de l’IN2P3/IJCLab (Orsay).
Vue en 3D de l’ITk-pixel outer barrel où l’on voit les 3 couches totalisant 6800 modules. (crédits : Atlas collaboration/Cern)
Un nouveau trajectographe pour Atlas
Le détecteur ITk est constitué d’une partie à très haute granularité située près du faisceau appelée ITk-pixel ainsi que d’une partie dite ITk-strip à plus grand rayon qui est moins segmentée. Ces deux parties sont chacune constituées de 5 couches de détecteurs silicium et fonctionneront à -30°C. Le Paris-Cluster s’est engagé dans la construction d’un tiers des modules des couches 3, 4 et 5 de la partie centrale de l’ITk-pixel, appelée ITk-pixel outer barrel. Après des étapes de validation sur cette construction par la collaboration ATLAS, Le Paris-Cluster sera chargé de l’assemblage d’environ 2250 de ces modules sur les 6800 constituant cette partie de l’ITk.
Chaque module est un assemblage de 4 puces électroniques d’une surface d’environ 420 mm2. Chacune d’elle contient 153600 diodes sensibles aux particules ionisantes et leur électronique embarquée. Les 4 puces sont reliées par des micro-connexions à un circuit imprimé permettant l’alimentation du module et la collecte des données. Ces différents éléments ont été conçus par plusieurs laboratoires de la collaboration ATLAS, puis produits dans l’industrie.
Le Paris-Cluster s'engage dans la construction du trajectographe
Les constituants de chaque module seront livrés au Paris-Cluster pour assemblage et test. La première tâche du Paris-Cluster consistera à réaliser la métrologie des puces et des circuits imprimés reçus, afin de vérifier le respect des spécifications dimensionnelles. Après une phase de nettoyage, ces composants seront collés ensemble. Puis les micro-connexions entre la puce et le circuit imprimé ("wire bonding") seront réalisées à l’aide de fil d’aluminium de 25 μm de diamètre. Après des tests d’alimentation et de communication à température ambiante, les micro-connexions seront revêtues d’une couche protectrice. Finalement des tests seront réalisés entre -55°C et +60°C lors de cycles thermiques afin de vérifier la robustesse des modules.
Réalisation des micro-connexions entre la puce et le circuit imprimé (wire bonding). (crédit : CEA/Irfu)
Qualification !
En vue d’obtenir la qualification pour l’assemblage, 5 modules, avec puces non fonctionnelles, doivent être réalisés d’affilée dans le respect des spécifications. Pour avancer rapidement vers cet objectif, le Paris-Cluster s'est organisé en répartissant les tâches : au LPNHE la responsabilité de la métrologie, à l’IJCLab le collage des puces et à l’Irfu les micro-connexions entre puce et circuit imprimé. Cette subdivision pourra évoluer à l’avenir afin de permettre des redondances entre les trois laboratoires, nécessaires en cas de panne d’un dispositif.
Pour mener à bien l’étape d’assemblage, l’Irfu s’est doté d'équipements spécifiques, en particulier, une machine automatique réalisant les micro-connexions ("wire bonding"), un scanner haute résolution et un microscope stéréo à caméra intégrée pour le contrôle visuel des modules.
Au cours de la période de qualification (de septembre à décembre 2020), des micro-connexions ont été réalisées sur 20 modules ITk. Cela représente au total environ 24000 soudures, 24 m de fil de 25 μm utilisé. Grâce à ces succès, le 8 décembre 2020, le Paris-Cluster a été qualifié pour la première phase d’assemblages des modules.
Préparer la finale...
La deuxième phase de la qualification commence à présent. Dans les prochains mois, le Paris-Cluster sera amené à construire et tester des modules avec des puces fonctionnelles : du contrôle de réception des éléments individuels jusqu'à la caractérisation à froid des modules.
A l'issue de ces phases de qualification, les laboratoires mettront en place la pré-production de modules prototypes. La production des modules finaux devrait débuter à la fin de l’année 2022.
Contact: Julien Giraud
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Physique des particules auprès des collisionneurs Détection des rayonnements › Détecteurs pour la physique des 2 infinis Détection des rayonnements › Electronique et traitement du signal
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)
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