Une collaboration internationale menée par une équipe du Département d’Astrophysique/Laboratoire AIM du CEA-Irfu a permit de prédire et de caractériser la signature attendue des champs magnétiques internes dans les étoiles grâce à leur sismologie - l'astérosismologie. Cette étude démontre que grâce aux excellentes données des satellites Kepler (NASA), TESS (NASA) et bientôt PLATO (ESA), nous sommes potentiellement en mesure de détecter les champs magnétiques dans le coeur des étoiles géantes rouges (qui sont les descendantes des étoiles de faibles masses telles que notre Soleil et de masses intermédiaires inférieures à ~8 masses solaires). Les résultats sont publiés dans deux articles dans la revue spécialisée Astronomy & Astrophysics.
Prédire la détectabilité des champs magnétiques "fossiles" le long de l'évolution des étoiles
Les auteurs étudient le scénario des "champs fossiles", selon lequel les champs magnétiques générés par effet dynamo dans les couches convectives des étoiles (zones où la stratification thermique du gaz n'est pas stable) sont conservés dans les intérieurs stellaires lorsque la convection s'arrête. Ces champs magnétiques stables ainsi formés dans les régions radiatives des étoiles (zones où la stratification thermique du gaz est stable) sont présents à chaque étape ultérieure de leur évolution (voir figure 1). Cette étude permet l'estimation de l'amplitude attendue des champs magnétiques internes le long de l'évolution de l'étoile sous l'hypothèse des champs fossiles. Nous nous plaçons dans le cas où le champ magnétique est symétrique par rapport à son axe de rotation.
L'amplitude de tels champs magnétiques fossiles pourrait ainsi atteindre des valeurs supérieures à 0.1 Mega Gauss durant le stade évolutif avancé des géantes rouges. Dans ce contexte, l'étude des oscillations des étoiles de cet âge (par astérosismologie) permet d'identifier les processus prenant place dans leur coeur. Ainsi, les auteurs démontrent que de tels champs magnétiques devraient impacter les fréquences des oscillations des étoiles géantes rouges de façon suffisante pour permettre leur détection dans les données du satellite Kepler. Cette étude permettra ainsi de reconnaitre la présence d'un champ magnétique interne dans le cas où sa signature serait mise en évidence dans les données.
Figure 1: Scénario des champs fossiles entre la séquence principale (MS, état évolutif du Soleil) et la branche des géantes rouges (RG). Les régions roses et mauves représentent respectivement les régions radiatives et convectives. Les champs magnétiques fossiles stables sont représentés par les lignes bleues et rouges dans les intérieurs radiatifs des étoiles (pour leurs composantes dans le plan méridien et suivant la direction azimutale, respectivement). Le champ fossile en cours de formation durant la phase de sous-géante (SG) est représenté par les tourbillons bleus et rouges.
Caractériser l'amplitude du champ magnétique interne dans les étoiles
Ces travaux identifient le motif de fréquences que nous devrions observer si de tels champs magnétiques étaient présents dans les intérieurs stellaires. Les auteurs démontrent en effet que les fréquences des oscillations suivant habituellement un motif symétrique du fait de la rotation devraient être décalées de façon asymétrique vers les hautes fréquences en présence de magnétisme interne (voir Figure 2).
Perturbation de fréquence induite par le magnétisme interne en fonction des fréquences propres des oscillations dipolaires (cf panneau de droite) calculées sans rotation ni magnétisme. La courbe grise pointillée représente la fonction ζ, indiquant la nature des modes d'oscillations (associés à la force d'Archimède si ζ~1 ou bien à la pression si zeta petit)
Gauche: Effet schématisé de la rotation et du magnétisme interne sur la fréquence d'un mode d'oscillation dipolaire d'une géante rouge. La rotation transforme un unique mode d'oscillation en trois composantes symétriques, alors que la présence de champs magnétique interne brise cette symétrie. Droite: Modes d'oscillation dipolaires (l=1) à la surface d'une étoile selon l'ordre azimutal m considéré.
De plus, la détection de telles asymétries permettrait de remonter directement à l'amplitude du champ magnétique interne grâce à une formulation analytique validée par des calculs numériques complets. Une telle mesure serait d'une importance capitale pour notre compréhension de la dynamique interne des étoiles de type solaire, en particulier de leur faible rotation interne tout le long de leur évolution dont un champ magnétique profond intense peut être la cause.
Cette étude combinant astérosismologie, développements théoriques et modélisation numérique démontre la puissance de l’astérosismologie appliquée aux observations des satellites Kepler, TESS et bientôt PLATO pour la compréhension de l'évolution et de la dynamique interne des étoiles.
Liens vers les publications:
- "Magnetic signatures on mixed-mode frequencies. I. An axisymmetric fossil field inside the core of red giants" L. Bugnet, V. Prat, S. Mathis, A. Astoul, K. Augustson, R.A. García, S. Mathur, L. Amard, C. Neiner https://www.aanda.org/component/article?access=doi&doi=10.1051/0004-6361/202039159
- "Probing the internal magnetism of stars using asymptotic magneto-asteroseismology" S. Mathis, L. Bugnet, V. Prat, K. Augustson, S. Mathus and R.A. García https://www.aanda.org/articles/aa/full_html/2021/03/aa39180-20/aa39180-20.html
Contacts: Lisa Bugnet, Stéphane Mathis, Rafael Garcia
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