Représentation de la structure de la Voie Lactée, telle qu'on pourrait la voir si nous pouvions l'observer de l'extérieur. Dans l'encart en haut à droite, la partie grisée représente la position attendue du bras de Persée, démarquée par la combinaison de masers (points roses) et de nuages interstellaires (points bleus) pour lesquels la distance n'était pas bien connue jusqu'ici. L'encart du milieu présente les distances déduites dans cette étude, montrant une plus grande dispersion et aucune concentration à la position du bras de Persée. Crédit illustration : Robert L. Hurt (Caltech, IPAC), Leah Hustak (STScI)
La Voie Lactée est une galaxie spirale. Si nous pouvions voyager hors de la Voie Lactée nous observerions probablement un disque avec des bras spiraux entourant le coeur central de la galaxie. Mais sans cette vue "'à vol d'oiseau", la forme exacte des bras spiraux de la Voie Lactée reste méconnue puisque nous ne pouvons l'observer que de l'intérieur.
Depuis des décennies les astronomes utilisent diverses méthodes pour déduire la structure de la Voie Lactée et les observations laissent croire que nous résidons dans une galaxie spirale "grand design" (de grand style) ayant des bras spiraux long, fins et bien définis, comme pour Messier 81.
L'étude récente d'une équipe incluant un chercheur du Département d'Astrophysique tend à démontrer qu'une section de l'un des bras spiraux emblématiques de la Voie Lactée, le bras de Persée, un bras spiral voisin du Soleil, n'est pas aussi régulier qu'on le croyait. Cette étude, basée sur le croisement de plusieurs bases de données déduites d'observations, permet de mesurer précisemment la distance de la matière interstellaire et ainsi de positionner les objets en trois dimensions. Elle révèle une structure éclatée et perturbée, indiquant que jusqu'à présent l'identification du bras de Persée déduite des observations pourrait avoir été le résultat d'un effet de projection, une illusion prédite par W. Burton en 1971.
Le plus grand défi dans la cartographie de la structure de la Voie Lactée est la mesure de la distance aux objets. Si les étoiles et les nuages interstellaires tournent de manière ordonnée autour du centre de la galaxie, il est possible de déterminer la distance à un objet en mesurant sa vitesse par rapport à nous, ainsi que sa position sur le ciel. Dans ce modèle les nuages interstellaires situés dans un bras spiral s'alignent sur des trajectoires bien définies dans un diagramme longitude-vitesse (voir Figure à droite). Mais ceci repose sur l'hypothèse forte que les mouvements aléatoires et turbulents de la matière sont faibles.
Récemment, à l'aide de mesures directes de la distance aux étoiles par le satellite Gaia (méthode de la parallaxe) combinées à de grands catalogues de mesure d'extinction à ces mêmes étoiles, des scientifiques ont été en mesure de reconstruire la structure tri-dimensionelle de la poussière interstellaire dans le voisinage du Soleil, jusqu'à des distance de 2-3 kpc (e.g. Green et al. 2019).
En combinant cette information 3D de la structure de la matière interstellaire et un catalogue de nuages moléculaires pour lesquels la vitesse de la matière est connue, les auteurs ont pu étudier en détail le lien entre la structure apparente du bras de Persée déduite de la rotation galactique, et sa véritable structure en trois dimension.
Diagramme longitude-vitesse souvent utilisé pour identifier les bras spiraux de la Voie Lactée. La ligne pointillée indique la position attendue du bras de Persée. Les points verts représentent des régions de formation d'étoiles massives (masers) ayant une mesure précise de la distance. Les cercles représentent les nuages moléculaires du catalogue de Miville-Deschênes, Murray & Lee (2017): en orange sont les 81 nuages utilisés dans cette étude, en mauve les autre nuages du catalogue dans cette région.
Distribution de 81 nuages moléculaires (orange) dont la distance a pu être estimée grâce à la comparaison avec la structure tri-dimensionnelle de la poussière interstellaire déduite des données Gaia. Les régions grisées n'ont pas été étudiées ici. La ligne pointillée verte est la position attendue du bras de Persée. Les régions de formation d'étoiles massives sont indiquées par des points verts. En bleu sont représentées les étoiles pour lesquelles une distance parallaxe précise est obtenue (>5 sigma). Les nuages, tout comme les étoiles, ne semblent pas liés à la position du bras de Persée.
Bien que les nuages moléculaires semblent dessiner un bras en spirale lorsqu'on déduit leur distance de leur vitesse apparente (les nuages sont alignés sur une trajectoire de bras spiral dans le diagramme longitude-vitesse), cette étude révèle que leur répartition en trois dimensions spatiales est beaucoup plus éclatée, au point qu'il est difficile d'identifier le bras de Persée lui-même. En effet, dans cette partie du plan galactique (135 < l < 160 degrés), les 81 nuages moléculaires étudiés ne sont pas concentrés à la distance attendue du bras de Persée. Ils sont plutôt répartis sur une distance de plus de 3 kpc (10 000 années-lumières). Les auteurs proposent que, dans sa partie externe, la Voie Lactée pourrait ressembler davantage à Messier 83 avec des bras spiraux plus courts et fragmentés.
Cette étude se concentre sur une petite partie du plan galactique. La méthode utilisée pourrait être généralisée à un plus grand volume et ainsi révéler de manière plus claire la structure réelle de notre galaxie en trois dimension.
Cette étude est publiée dans The Astrophysical Journal :
Burton’s Curse: The Impact of Bulk Flows on the Galactic Longitude-Velocity Diagram and the Illusion of a Continuous Perseus Arm
Auteurs:
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Contact: Marc-Antoine Miville-Deschênes
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