Le Soleil vu par la sonde Solar Orbiter le 25 mars 2022. L'image centrale a été prise par l'instrument EUI (Extreme Ultraviolet Imager). L'image extérieure a été prise par le coronographe Metis. L'image traitée a révélé le retournement (la caractéristique blanche/bleue claire dans le coin inférieur gauche). Credit: ESA & NASA/Solar Orbiter/EUI & Metis Teams and D. Telloni et al. (2022)
Dans le cadre des activités de soutien à la science de Solar Orbiter et en conjonction avec la bourse ERC Synergy WholeSun, des chercheurs du CEA Paris-Saclay, ainsi qu'une collaboration internationale, ont développé des simulations numériques avancées pour étudier la formation de structures à la base du vent solaire. Ces simulations permettent d´étudier l'interaction de la convection à la surface solaire avec le champ magnétique. Elles révèlent ainsi l’apparation de structures magnétiques torsadées qui peuvent participer à la création de switchbacks.
Les repliements magnétiques ou “switchbacks”, c'est-à-dire l'inversion soudaine du champ magnétique transporté par le vent solaire, ont été mesurés par des sondes depuis l'aube de l'ère spatiale. Plus récemment, les switchbacks ont suscité un intérêt croissant en raison de la fréquence sans précédent (des centaines au cours d’une orbite) à laquelle ils sont observés par la sonde Parker Solar Probe de la NASA (lancée en 2018) dans l'environnement proche du Soleil. On pense que la formation et la dissipation des switchbacks peuvent jouer un rôle clé dans la formation, le chauffage et l'accélération du vent solaire. Récemment, Solar Orbiter de l'ESA/NASA a réalisé les toutes premières observations par imagerie directe (télédétection) d'un repliement magnétique à grande échelle à l'aide de l'instrument Metis (Telloni et al. 2022). Ceci marque une avancée significative dans la compréhension de l'origine et de la propagation des swithbacks. L'infographie de l'ESA (Fig. 1) met en évidence la structure allongée et repliée qui se propage en s'éloignant du Soleil (boîte en pointillés au milieu à gauche).
Le mécanisme exact de formation des switchbacks reste à comprendre, mais les mécanismes les plus récemment proposés peuvent être séparés en deux groupes :
Le mécanisme proposé pour expliquer les observations de Telloni et al. (2022) est la reconnexion d’interchange à la surface solaire (ce mécanisme a été popularisé par Zank et al. 2020). Dans ce mécanisme, c'est la reconnexion des lignes de champ magnétique près de la surface solaire (donc le scenario 1), qui créé des plis dans le champ magnétique qui se propagent ensuite dans le vent solaire.
Dans le cadre des activités de soutien à la science de Solar Orbiter et en conjonction avec la bourse ERC Synergy WholeSun, des chercheurs du CEA Paris-Saclay, ainsi qu'une collaboration internationale dont des collègues de l’Université d’Oslo impliquées dans l’ERC, ont en parallèle développé des simulations numériques avancées haute résolution pour étudier la formation de structures à la base du vent solaire. Ces simulations magnétohydrodynamiques incluant le traitement du rayonnement solaire, permettent d'étudier l'interaction nonlinéaire et complexe de la convection à la surface solaire avec le champ magnétique.
La figure 2 montre la réponse du champ magnétique du Soleil après avoir été entraîné par la convection turbulente de surface. Le champ magnétique est torsadé et organisé en tresses, avec la formation de flots tourbillonnaires à plus petite échelle qui lancent des ondes de torsion et créent des "tornades solaires". Finley et al. (2022) affirment que les ondes de torsion générées dans ces champs torsadés pourraient remonter dans le vent solaire et s’y dissiper par la turbulence pour former les switchbacks (voir figure 3). Comme les structures de champ magnétique torsadé se forment à une taille caractéristique d'environ 10Mm, ce mécanisme explique naturellement la nature fragmentée des swithbacks observés par Parker Solar Probe. Fargette et al. (2021) avaient précédemment estimé que la taille des paquets de switchbacks (représentées sur la figure 3), lorsqu'ils sont tracées jusqu'à la surface solaire, était à peu près la même échelle caractéristique que celle mesurée dans la simulation.
Fig 2. Visualisation 3D du champ magnétique dans la simulation de Finley et al. (2022). Le domaine de simulation s'étend sur 24Mm x 24Mm (le diamètre de la Terre est d'environ 13Mm, et celui du Soleil d'environ 1400Mm, pour l'échelle). La surface solaire et sa convection sont colorées en rouge et bleu pour distinguer le plasma chaud (en rouge) qui monte au centre des granules du plasma refroidissant (en bleu) qui descend entre les deux. L'action de la convection du Soleil sur son champ magnétique fait que celui-ci s’organise sous forme de structures en tresse. De plus, de fortes régions de champ magnétique peuvent supprimer localement la convection du Soleil et créer des flux descendants renforcés qui génèrent des structures semblables à des tourbillons, qui tordent dynamiquement le champ magnétique, créant ainsi des "tornades solaires".
Fig 3. Schéma décrivant la formation de la structure à la base du vent solaire à partir des simulations magnétohydrodynamiques de Finley et al. (2022). Une visualisation 3D des structures magnétiques torsadées dans le domaine de simulation est présentée en bas à gauche (avec la Terre à l'échelle). Des tranches de la variation de la densité et du flux d'énergie magnétique près du sommet du domaine de simulation sont affichées au-dessus. Les densités, les températures, les flux de masse et les flux d'énergie magnétique sont tous renforcés à l'intérieur des champs magnétiques torsadés. Cela crée une structuration naturelle dans l'atmosphère solaire avec une échelle horizontale d'environ 10Mm. Le vent solaire s'étend à partir de la simulation, entraînant ces variations de sorte qu'à la distance orbitale de la sonde Parker Solar Probe de la NASA, à environ 13-20 rayons solaires (ou 14 000 Mm) du Soleil, des switchbacks se sont développés. Une série temporelle du champ magnétique radial observé par Parker Solar Probe, à proximité du Soleil, est reproduite de façon ivsuelle en haut du schéma.
Il existe très probablement de multiples façons de générer des switchbacks, de la reconnection de type interchange à la dissipation turbulente des ondes de torsion. Plusieurs de ces mécanismes peuvent de plus fonctionner en tandem. Les futurs travaux du CEA Paris-Saclay exploreront le chauffage et la structuration de l'atmosphère solaire sous diverses configurations magnétiques, contribuant à interpréter les observations de la sonde Parker Solar Probe de la NASA et de Solar Orbiter de l'ESA/NASA.
À partir de 2025, l'orbite de Solar Orbiter commencera à s'élever hors du plan des planètes, ce qui nous permettra de voir pour la première fois sur une période étendue (plusieurs semaines) les pôles du Soleil. Qui sait quelles surprises nous attendent, mais il est certain que les observations de la dynamique et du magnétisme polaires seront révolutionnaires.
Contacts Irfu : Allan-Sacha BRUN, ADAM FINLEY, Antoine STRUGAREK
Références :
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement