PIP-II (Proton Improvement Plan-II) est le premier accélérateur de particules construit aux États-Unis avec d'importantes contributions de partenaires internationaux dont le CEA qui apporte son expertise dans le domaine des cavités radiofréquences supraconductrices et des technologies associées. Le CEA est impliqué depuis 2018 dans ce projet avec une importante contribution sur la section accélératrice supraconductrice LB650, comprenant les études de conception, la fabrication et la qualification de 10 cryomodules (regroupant 4 cavités supraconductrices), soit 1 cryomodule de pré-production et les 9 cryomodules de l’accélérateur. Une étape importante du projet au CEA a été franchie en avril 2023, avec la revue finale de conception du cryomodule LB650, validant les 5 ans de travail de conception. Le projet rentre maintenant dans la phase de construction du cryomodule de pré-production.
L’élément central du programme PIP-II est donc la construction d’un nouvel accélérateur linéaire (linac) de 800 MeV d’énergie pour injecter les protons dans le Booster. Il mettra en œuvre des technologies radiofréquence (RF) supraconductrices innovantes et remplacera le linac de 400 MeV existant. Ce nouveau linac est également conçu pour pouvoir être compatible dans l’avenir avec une montée en puissance du faisceau LBNF/DUNE jusqu’à 2,4 MW (programme PIP-III, qui envisage de remplacer le Booster de 8 GeV) et de manière plus générale avec un fonctionnement en régime continu afin d’optimiser les capacités du complexe accélérateur.
L’accélérateur linéaire PIP-II est composé :
Les cryomodules LB650 équipent la section accélératrice supraconductrice de l’accélérateur linéaire PIP-II. Ils intègrent 4 cavités supraconductrices β=0,61 à la fréquence de 650 MHz fournies par l’INFN (Italie), les systèmes d’accord en fréquence et les coupleurs de puissance sont quant à eux fournis par Fermilab.
Un cryomodule est un système mécanique et cryogénique complexe permettant d’accélérer le faisceau de protons les traversant. Sa fonction est double :
Les contraintes mécaniques et thermiques sont très souvent en contradiction et donc le design d’un tel système est un compromis permanent entre celles-ci.
La figure ci-contre présente une coupe du cryomodule PIP-II. Les quatre cavités sont supportées mécaniquement par un ensemble constitué de poteaux en titane (cavity post), de poteaux en matériau stratifié constitué de tissus de verre avec un liant en résine époxy (G11 support post) permettant d’isoler thermiquement les parties froides, et d’une structure mécanique appelée strongback. Celle-ci a la particularité de rester à température ambiante, garantissant ainsi la préservation de l’alignement du train de cavités lors du refroidissement du cryomodule. Ce principe de supportage, développé par Fermilab, est utilisé sur la plupart des cryomodules de l’accélérateur PIP-II.
Les cavités sont des éléments sensibles au champ magnétique environnant, il faut donc les protéger à l’aide d’un blindage magnétique (magnetic shield). Elles sont refroidies à la température cryogénique à l’aide de tuyauterie dans laquelle circule de l’hélium liquide. Le tout est inséré dans une enceinte (vacuum vessel) dans laquelle le vide est effectué, permettant ainsi de limiter les apports de chaleur par convection. Un écran thermique (thermal shield), refroidi par de l’hélium gazeux à 50 K (-223,15°C), est positionné entre l’enceinte à vide, dont la température est celle de l’environnement ambiant (293,15 K soit 20°C), et les cavités, limitant ainsi les transferts de chaleur par rayonnement thermique.
Le cryomodule LB650 (Low beta) ayant de fortes similarités avec le cryomodule HB650 (High beta) développé par Fermilab, il était important pour le CEA de suivre le développement de celui-ci afin d’acquérir le maximum d’expérience sur le principe du « strongback », qui est une nouvelle manière de supporter les cavités par rapport aux cryomodules précédents développés par l’Irfu.
Les retours d’expérience de l’assemblage ont été implémentés sur le design du cryomodule LB650 au cours du premier trimestre 2023. Début avril s’est tenue la revue finale de conception (Final Design Review) : un comité regroupant cinq experts internationaux a porté un regard critique sur la conception du cryomodule et l’organisation du projet au CEA. A l’issue de cette revue, le comité a estimé que la conception du cryomodule LB650 était suffisamment mature. Ce jalon important pour le CEA marque la fin de la phase de conception et lance la phase de réalisation du cryomodule de pré-production.
Les différents postes de travail pour l’assemblage des cryomodules LB650 au sein des bâtiments de l’Irfu. (Crédit : Irfu)
En parallèle du travail de conception du cryomodule LB650, des efforts importants ont été effectués pour préparer l’assemblage et les tests RF à froids des futurs cryomodules. Ceux-ci seront assemblés et testés dans les infrastructures existantes de l’Irfu, utilisées actuellement par le projet ESS et mise à niveau selon les critères du projet PIP-II. Les trains de cavités (4 par cryomodule) seront assemblés dans la salle blanche ISO4, les opérations de montage de la masse froide et d’insertion de l’ensemble dans l’enceinte à vide ayant lieu dans le hall attenant.
Les études d’assemblage avec la conception des outillages associés ont commencé peu de temps après le lancement de la conception du cryomodule, permettant ainsi de définir les interfaces entre les composants de celui-ci et les outillages et de modifier légèrement la conception de certains composants afin de faciliter les opérations d’assemblage.
Les tests de cryomodules seront effectués sur la plateforme de tests Supratech Cryo/HF et dans la casemate utilisée actuellement pour les cryomodules ESS et SARAF. Celle-ci sera modifiée pour répondre aux besoins du projet. Le système cryogénique de l’installation Supratech sera aussi mis à niveau pour répondre aux exigences de refroidissement des cryomodules PIP-II.
La fin de l’année 2023 sera marquée par les lancements des marchés pour la fabrication des composants des cryomodules.
En 2022, le contrat pour la fourniture des quatre amplis RF à état solide de 19 kW a été attribué à la société Jema France ainsi que le contrat de remplacement de la boite froide (permettant de produire l’hélium liquide) à la société Air Liquide.
L’assemblage du cryomodule de pré-production devrait commencer au dernier trimestre de 2024. Quant au démarrage de l’accélérateur PIP-II à Fermilab, il est aujourd’hui planifié pour fin 2028.
Contact : Nicolas Bazin
• Physique et technologie des accélérateurs › Instrumentations et développements pour les accélérateurs
• Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d’intégration et de développement des cavités et des cryomodules (LiDC2)