19 octobre 2006
Andromède frappée en plein coeur
Des anneaux témoins d'une collision frontale avec une autre galaxie

Simulations Une équipe internationale analysant les observations récentes du satellite infrarouge Spitzer a réussi, grâce aux simulations numériques réalisées sur les calculateurs du CEA, à reconstituer le passé de notre principale galaxie voisine, la galaxie d'Andromède. Ces simulations montrent que très probablement Andromède (Messier 31) a été percutée de plein fouet par une galaxie compagne plus petite (Messier 32), il y a environ 210 millions d'années. Les traces de cette collision sont encore visibles dans le centre d'Andromède par deux anneaux de matière, dont un d'une dimension de plusieurs milliers d'années-lumière découvert par les scientifiques. Les calculs ont été réalisés en partie sur le calculateur vectoriel NEC SX6 du CCRT (Centre de Calcul Recherche et Technologie) qui a permis de suivre le mouvement de plusieurs millions de particules. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature du 19 octobre 2006.

 

La galaxie d'Andromède et ses anneaux

Située à environ deux millions d'années-lumière, la galaxie d'Andromède est la galaxie spirale la plus proche de nous et la plus massive du Groupe Local des galaxies qui nous entourent, . Elle est un excellent laboratoire pour étudier l'évolution de notre propre galaxie, la Voie Lactée dont elle se révèle relativement similaire. Seule galaxie visible à l'oeil nu depuis l'hémisphère Nord dans le ciel d'Automne, Andromède a été classée sous le nom de Messier 31 (M31) par l'astronome français Charles Messier dans son catalogue de nébuleuses en 1764. C'est notamment en l'étudiant que l'astronome américain, Edwin Hubble, a compris la nature des galaxies conduisant ensuite à la découverte de l'expansion de l'Univers en 1929.

 
Andromède frappée en plein coeur

La galaxie d'Andromède M31 photographiée ici en 1958. Noter les deux galaxies compagnons M32 et M110. Un anneau externe de poussières est visible sous la forme de trainées sombres devant la lumière des étoiles, mais l'image en lumière visible ne révèle aucune structure particulière dans le bulbe central de la galaxie. (Copyright David Malin/Caltech ; cliquer pour agrandir)

Andromède (M31) a été cartographiée très récemment en lumière infrarouge  grâce à la caméra IRAC du satellite infrarouge Spitzer. L'image à haute résolution a permis de localiser l'émission de la poussière et des macro-molécules jusque dans les régions les plus centrales de la galaxie. Ces observations ont révélé la structure d'un grand anneau externe déjà connu, et surtout permis de découvrir un petit anneau interne, caché jusque là par la forte luminosité du bulbe central de la galaxie. Contrairement à ce que l'on observe dans de nombreux cas, ces anneaux sont excentriques et décalés par rapport au centre de la galaxie.

 
Andromède frappée en plein coeur

Cartographie de l'émission infrarouge des poussières et macro-molécules dans la galaxie d'Andromède (M31), obtenue à l'aide de la caméra IRAC du satellite Spitzer. En bas : identification schématique de la structure en double-anneau décentré et agrandissement de l'anneau interne. A la distance de M31, l'anneau interne a une dimension de 3 par 4.5 milliers d'années-lumière. La galaxie M32 contient peu de poussières et n'est que faiblement visible sur cette image. (cliquer pour agrandir)

Une collision de galaxies révélée par les simulations numériques

Divers scénarios sont envisageables pour expliquer cette morphologie très particulière découverte grâce au satellite Spitzer. Des anneaux peuvent théoriquement apparaitre soit lors de l'évolution spontanée de la forme d'une galaxie spirale en rotation, soit lors d'une collision avec une autre galaxie. Pour élucider leur origine, les chercheurs ont eu recours aux simulations numériques d'évolution des galaxies. Les simulations utilisées modélisent les galaxies sous forme d'un million de particules, et décrivent le mouvement des étoiles dans les galaxies, la formation de nouvelles étoiles dans le gaz interstellaire, ainsi que l'influence gravitationnelle des halos de matière noire qui entourent les galaxies. Une grande partie de ces simulations ont été réalisées sur le supercalculateur vectoriel NEC SX6 du CEA .

Les nombreuses simulations réalisées ont permis de reproduire précisément l'apparition des anneaux et leur morphologie (anneaux décentrés, trou dans l'anneau externe). Ils sont le résultat d'ondes en expansion dans le disque de la galaxie d'Andromède, provoquées par un choc frontal avec une autre galaxie - un peu comme lorsque l'on jette une pierre dans l'eau. L'exploration détaillée des simulations numériques a permis d'identifier le coupable : il s'agit très probablement de la petite galaxie M32 qu'on voit aujourd'hui sous la forme d'un petit objet compact, mais qui était autrefois plus grande et plus massive. Elle a percuté et traversé le disque de la galaxie d'Andromède presque en son centre il y a environ 210 millions d'années. Dans les simulations, la collision de plein fouet de M32, d'un dixième de fois la masse d'Andromède, passant très proche du centre donne  naissance à des anneaux en expansion exactement similaires à ceux découverts.

 
Andromède frappée en plein coeur

Reconstitution de l'évolution passée de la galaxie d'Andromède à l'aide de simulations numériques. En haut : orbite passée de la galaxie M32 à travers le disque de la galaxie d'Andromède (vu ici par la tranche) et localisation de l'impact de la collision frontale entre les deux galaxies. En bas : résultat de la simulation reproduisant l'émission infrarouge actuelle, notamment la structure en double-anneau et la morphologie particulière de l'anneau externe. (cliquer pour agrandir)

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives pour l'étude de la principale voisine de la Voie Lactée. En effet, des collisions avaient déjà été identifiées dans la galaxie d'Andromède, mais elles étaient beaucoup plus anciennes et leurs traces dans le disque presque disparues aujourd'hui. Le passé récent d'Andromède (à l'échelle des galaxies car la collision a eu lieu à l'époque des dinosaures !) se révèle plus tourmenté qu'on ne le croyait jusqu'ici, ce qui montre à quel point les galaxies, bien qu'âgées de plusieurs milliards d'années, continuent à interagir entre elles et à se modifier continuellement. C'est là un aperçu de se qui se produira, de façon encore plus violente, lorsque la galaxie d'Andromède et la Voie Lactée entreront à leur tour en collision, un évènement prévu dans quelques milliards d'années.

Simulation numérique de la collision

Identifier l'orbite de collision de M32 sur la galaxie d'Andromède a nécessité plus de soixante simulations. Une petite partie a été réalisée à l'IDIRS (CNRS/Oray), et l'essentiel au Centre de Calcul Recherche et Technologie (CCRT) du CEA à Bruyère le Chatel, sur le calculateur NEC-SX6. Ce calculateur permet d'effectuer, lorsque les codes de simulations numériques sont adaptés à son architecture matérielle, plus de 300 milliards d'opérations par secondes (puissance de crète 352 Gflops). Quelques heures de calcul suffisent alors pour simuler de façon réaliste l'évolution des galaxies au cours du dernier milliard d'année - opération qui a été répétée jusqu'à reproduire la structure observée de M31 et identifier précisément la configuration de la collision qu'elle a subi.

 

Contact :  

Publication :

" An almost head-on collision as the origin of two off-centre rings in the Andromeda galaxy "
D.L. Block1 , F. Bournaud2,3, F. Combes2 , R. Groess1, P. Barmby4 , M. Ashby4, G. Fazio4, M. Pahre4 , S. Willner4
publié dans la revue Nature du 19 octobre 2006 (lire l'article PDF : astro-ph/0610543 )

1Anglo American Cosmic Dust Laboratory, School of Computational and Applied Mathematics, University of the Witwatersrand, Private Bag 3, WITS, 2050, South Africa
2Observatoire de PARIS/LERMA, F-75014, Paris, France.
3CEA/DSM/DAPNIA/Service d’Astrophysique, CEA Saclay, F-91191 Gif-sur-Yvette Cedex, France ; et AIM - Unité Mixte de Recherche CEA - CNRS - Université Paris 7 - UMR n° 7158.
4 Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, 60 Garden St., Cambridge, Massachusetts 02138, USA

voir aussi :  


Rédaction: F. Bournaud, J.M. Bonnet-Bidaud
 
#958 - Màj : 19/10/2006

 

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