03 novembre 2021
Sara Bolognesi reçoit le prix Emmy Noether de l’European Physical Society
Sara Bolognesi reçoit le prix Emmy Noether de l’European Physical Society

Sara Bolognesi et son équipe "Neutrino" à l'Irfu (CEA Paris-Saclay)

Sara Bolognesi a reçu la distinction Emmy Noether de l’European Physical Society, dédiée aux femmes dans la physique, pour avoir mis au point des techniques d'analyse de données qui ont amélioré de manière significative la sensibilité de l'expérience CMS au CERN, permettant ainsi la découverte du boson de Higgs et la première mesure de son spin et de sa parité. Ce prix fut créé en février 2013 pour renforcer la reconnaissance des femmes physiciennes remarquables, ayant un lien étroit avec l'Europe par leur nationalité ou leur travail.

 

Une aventure au sein de CMS

Sara a commencé son aventure de physicienne dès son doctorat, au LHC (Large Hardon Collider) sur l’expérience CMS (Compact Muon Solenoid), en s’intéressant à la brisure de symétrie électrofaible, étudiant plus précisément le couplage du boson de Higgs aux dibosons ZZ (le boson Z est une particule élémentaire neutre découverte en 1983) ou WW (le boson W est une particule élémentaire chargée découverte au 1983). Le boson de Higgs fut théoriquement introduit dans le modèle standard de la physique des particules en 1964 pour expliquer la masse des particules. Jamais observé expérimentalement, la théorie lui attribuait une masse à une certaine valeur d’énergie. Si aucun signal du Higgs n’était détecté en dessous du TeV (Téra-électron-volt), les physiciens rentreraient dans une nouvelle physique ! Pour détecter le boson de Higgs, il faut s’intéresser à ses produits de désintégration et les retrouver parmi les milliards de particules produites chaque seconde par les collisions des protons au LHC. Sara, elle, a décidé de se concentrer sur les muons. Ces derniers ont un rôle primordial au sein du LHC et CMS possède, avec ATLAS, des détecteurs à muons de très grande précision.


Suite à sa thèse, Sara a continué dans cette lignée de l’étude des muons en s’attaquant à l’immense travail préparatoire nécessaire à la découverte du boson de Higgs. Entre la mise en service du système, l’étalonnage des reconstructions de traces des muons et les mesures de bruits de fond, Sara participa à de nombreuses études pour l’amélioration des détections. Elle fut notamment la première autrice d’un article détaillant une amélioration de la calibration du champ magnétique d’une pièce de l’aimant CMS où est hébergé le détecteur à muons. C’était un travail essentiel car le décalage entre les mesures internes et périphériques du détecteur allait jusqu’à 10% !

 
Sara Bolognesi reçoit le prix Emmy Noether de l’European Physical Society

Événements candidats au boson de Higgs avec une désintégration en 4 leptons dans l'expérience CMS. (crédit CMS/Cern)

Une fois les principaux biais techniques analysés et réduits, Sara participa au développement d’un outil d’analyse : MELA (Matrix Element Likehood Analysis). Le but de cet outil est d’augmenter la sensibilité des détecteurs pour la recherche du boson de Higgs. Cet outil fut une clef essentielle pour la découverte du boson de Higgs dans l’état final à 4 leptons, découverte réalisée en 2012.

 

Un chemin qui continue


Après la découverte du Higgs, Sara s’est attelée à estimer les limites de la nouvelle physique atteignable à travers des mesures à haute statistique ... jusqu’à ce qu’une physique émergente, celle des neutrinos, lui ait semblé être une voie plus intéressante pour toucher au plus proche des frontières de cette nouvelle physique. Les neutrinos furent théorisés en 1930 afin d’expliquer une perte d’énergie inexpliquée lors de l’interaction entre particules, mais cette particule énigmatique ne fut observée qu’en 1956. Depuis, les scientifiques ont découvert que le neutrino garde encore de nombreux mystères : il existe trois types de neutrinos (trois saveurs) et ils oscillent entre les trois types quand ils se propagent.  Cela implique que trois neutrinos de masse différentes doivent exister !


Sara s’est donc passionnée pour l’étude de l’oscillation des neutrinos et notamment les questions cruciales qui restent à résoudre : quel est le mécanisme derrière la masse des neutrinos qui n’est toujours pas connue ? Existe-t-il une violation de la symétrie Charge-Parité (CP) dans le secteur des leptons ? Est-ce que cela a des implications sur l’asymétrie matière/antimatière observée dans notre Univers ?

 
Sara Bolognesi reçoit le prix Emmy Noether de l’European Physical Society

Evènement d’interaction de neutrino dans le détecteur proche de T2K : les lignes vertes sont les traces mesurées par les Chambres à Projection Temporelle développé à l’Irfu.

Pour tenter de répondre à ces questions, Sara s’est plongée dans l’expérience T2K (Tokai to Kamioka). Sara a contribué à améliorer les analyses, notamment avec une prise en compte plus fine des effets nucléaires dans l’interaction neutrino-noyau au cœur de la détection des neutrinos. T2K a publié sur Nature en 2020 les premières suggestions de violation CP et va bientôt commencer une nouvelle prise des données avec un faisceau et des détecteurs améliorés. Sara participe au groupe de l’Irfu qui est en train de développer un détecteur Micromegas résistif (MICRO-Mesh GAseous Structure) pour améliorer le détecteur proche pour la prochaine prise des données.

En même temps Sara participe à la préparation de la prochaine génération d’expériences (HyperKamiokande au Japon et DUNE aux Etas Unis) qui pourront établir l’existence de la violation de CP de façon définitive et caractériser l’oscillation des neutrinos avec une précision inégalée. Pour le plus grand bonheur de Sara, la physique d’oscillations des neutrinos est en plein essor !

 
#4968 - Màj : 04/11/2021

 

Retour en haut