Vue de la face d’entrée de Caméra, détecteur dédié à la détection du proton de recul de la réaction de diffusion compton virtuelle.
Le détecteur Caméra, construit par l’Irfu, a été mis en place en Septembre 2012. Il est nécessaire pour mesurer des réactions exclusives auprès de Compass au CERN et il permettra l’exploration de la distribution spatiale des constituants des nucléons par la diffusion Compton virtuelle.
Les nucléons, protons et neutrons, sont les composants de la matière ordinaire. Ils sont eux-mêmes composés de quarks et de gluons sans cesse en interaction. Aujourd’hui, la tomographie du nucléon, c’est à dire la mesure de la distribution spatiale des constituants des nucléons est rendue possible grâce à l’étude de la production exclusive de photons, encore appelée diffusion Compton virtuelle (DVCS).
Ce programme, proposé par une équipe de l’Irfu/SPhN, constitue un des objectifs majeurs de la collaboration Compass au Cern. Lors de cette réaction DVCS, un faisceau polarisé de muons (le cousin de l’électron) de 160 GeV/c diffuse sur les protons contenus dans une cible d’hydrogène liquide de 2,5m de longueur (construite par le CERN).
La voie finale est composée uniquement de 3 particules : le muon diffusé accompagné d’un photon de haute énergie, tous les deux émis à l’avant et le proton cible qui recule légèrement avec une impulsion inférieure à 1 GeV/c. Le spectromètre de Compass permet la détection du muon diffusé et du photon émis. Le projet « Caméra » (acronyme pour Compass Apparatus for Measuring Exclusive ReActions) mené par l’Irfu consiste en la réalisation et la mise en œuvre du détecteur pour les protons de recul, objet incontournable pour signer cette réaction exclusive.
Le détecteur Caméra a été réalisé en étroite collaboration avec les Université de Freiburg et Mayence (en Allemagne) et Varsovie (en Pologne).
Courbe caractéristique de la perte d’énergie dans les scintillateurs de la couronne externe en fonction de la vitesse de la particule mesurée par la méthode du temps de vol. Les protons sont stoppés jusqu’à beta~0.4 et l’identification des protons est possible jusqu’à beta=0.7
Le détecteur Caméra identifie les protons et mesure leur quantité de mouvement en utilisant la méthode de mesure du temps de vol des particules entre deux couronnes de scintillateurs plastiques lus de chaque coté par des photomultiplicateurs .
L’épaisseur des scintillateurs de la couronne externe est de 5 cm permettant de stopper une grande partie des protons et de les identifier jusqu’à une quantité de mouvement proche de 1GeV/c (ce qui correspond à ß<0,7 sur la figure ci contre).
La couronne interne est composée de scintillateurs de 0,4 cm d'épaisseur afin d’abaisser le seuil de détection des protons à 270 MeV/c. L’optimisation de la chaine de photo-détection (scintillateur, guide de lumière, photomultiplicateur) a été étudiée et mise au point par l’Irfu. Par ailleurs, nos collaborateurs ont réalisé le système d’échantillonnage à 1 GHz des signaux des photomultiplicateurs ainsi que le traitement digital en ligne.
L’enjeu majeur de la conception mécanique réalisée par les ingénieurs et techniciens de l’Irfu est de parvenir à tenir la couronne interne dans la structure mais aussi d’en assurer le montage. Cette tâche est rendue difficile par la souplesse et la fragilité de ces fins et longs scintillateurs. De plus, la quantité de matière servant à tenir la couronne interne doit être faible de manière à ne pas trop augmenter le seuil de détection des protons. La solution retenue a été de faire le montage sur un tube en carbone que l’on vient insérer dans la structure. Ensuite un système de haubans et d’anneaux rigides de Rohacell maintient la couronne interne en place et le tube carbone peut être enlevé. Ce système fonctionne parfaitement et il permet même la rotation de la structure autour de son axe afin de faire la calibration à l’aide des muons cosmiques. La structure complète pèse un peu plus de 5 tonnes et les déformations sont au maximum de l’ordre de 3 mm.
Le détecteur Caméra a été conçu et réalisé en 18 mois et il a été installé à la date prévue, le 25 Sept 2012. Ensuite, les mises au point et les calibrations ont été faites avec la diffusion élastique d’un faisceau de pions sur les protons de la cible. La prise de données DVCS a ensuite été réalisée pendant 1 mois afin de consolider la méthode expérimentale de notre programme qui continuera au-delà de 2014 et d’estimer une première tomographie du nucléon dans le domaine accessible par l’expérience Compass.