Les réactions nucléaires dites de spallations sont des réactions mettant en jeu un projectile léger et un noyau atomique. Les énergies du projectile vont approximativement de ~100 MeV à quelques GeV. Les limites sont floues mais se situent conceptuellement au dessus de la zone de forte influence de la structure des noyaux et en dessous de l'apparition des degrés de liberté partoniques. Ces réactions interviennent à la fois dans l’espace par le biais du rayonnement cosmique et sur terre dans les accélérateurs de particules. On peut citer comme exemple pour l’espace le dommage à l’électronique embarquée, les doses reçues par les astronautes, mais aussi les possibles explications de l’abondance de certains noyaux atomiques ou encore ce qu’elles révèlent du rayonnement lui-même par l’irradiation de corps tels les météorites. Dans les accélérateurs elles sont utilisées aussi bien pour produire des noyaux exotiques qui seront ensuite étudiés ou des neutrons qui serviront à sonder la matière ou pour la transmutation des déchets nucléaires, ou encore pour des applications médicales comme l’hadronthérapie.
Ces divers exemples montrent tout l’intérêt qu’il y a à bien modéliser ces réactions.
Développer un modèle qui simule au mieux les réactions de spallation et qui repose sur des principes fondamentaux, pour lui assurer une base solide et des extensions sérieuses, est l’objectif principal suivi au DPhN dans ce domaine.
Le mécanisme de ces réactions se divise en deux phases qui sont une cascade intranucléaire suivi d’une désexcitation du noyau chaud. Le modèle développé au DPhN s’appelle INCL (pour IntraNuclear Cascade Liège (*)). Ce modèle est bien sûr combiné à un code de désexcitation pour que la réaction soit traitée complètement (le plus couramment utilisé est le code de GSI Abla, mais d’autres comme SMM ou GEMINI++ le sont aussi).
Après une quinzaine d’années d’améliorations le code INCL est capable de reproduire correctement un grand nombre de données expérimentales (spectres de particules émises, caractéristiques des noyaux résiduels) et ce pour des énergies de projectiles allant de quelques dizaines de MeV à 2-3 GeV (**). Un autre point fort d’INCL est qu’il est implanté dans différents codes de transport (Geant4, PHITS, MCNP-X) et donc est utilisé pour des calculs macroscopiques où les réactions élémentaires se déroulent en cascade.
Depuis ~2012 les développements s'orientent vers les hautes énergies et l'ajout d'autres particules. Ainsi les travaux portent (ou ont porté) sur :
. La traduction de la version fortran77 en C++ (maintenance facilitée et implantation dans Geant4),
. L’extension vers de plus hautes énergies (~15 GeV),
. L’implantation de particules étranges (Kaon, Lambda, Sigma),
. Une orientation des applications vers les rayonnements cosmiques (collaboration avec l’Université de Berne),
. Les réactions induites par antinucléons.
Les sujets de développement actuel sont entre autres tournés vers les anti-ions (antideutérons jusqu'à l'anti-alpha) en lien avec la détection d'antimatière de l'expérience GAPS et les (anti)neutrinos pour les expériences d'oscillation de neutrino.
Un autre projet important, le projet NuRBS financé par l'ANR (2024 - 2027), a pour but, à la fois de déterminer les biais de nos simulations, avec les incertitudes associées, et d'optimiser certains paramètres, peu ou mal connus.
(*) C’est à l’université de Liège que le code est né dans les années 80. À partir de mi-90 le développement s’est fait en collaboration avec le DPhN.
(**) Une intercomparaison des codes de spallation en 2010 sous l’égide de l’AIEA a prouvé la fiabilité d’INCL vis à vis des données expérimentales et des autres modèles.
De manière à tirer un meilleur profit des données expérimentales disponibles (notamment concernant l’étrangeté), de nouvelles particules pourraient être ajoutées comme projectiles. Aux nucléons, pions, etas, omegas, kaons, Hypérons (Lambda et Sigma), antiprotons et noyaux légers (A < 18), il est envisagé d’adjoindre les antineutrons, antideutérons jusqu'à l'anti-alpha, ainsi que les sondes électrofaibles avec les neutrinos et les sondes électromagnétiques (gamma, électrons, muons).
Deux exemples de données mesurées : Reaction: 136Xe+p, 1 A.GeV et Reaction: 136Xe+12C, 1 A.GeV
Contact : Jean-Christophe DAVID
• Structure de la matière nucléaire › Dynamique des réactions nucléaires
• Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• Laboratoire d'études et d'applications des réactions nucléaires (LEARN)