Le Large Hadron Collider (LHC) atteindra son énergie nominale de 14 TeV d’ici la fin 2014, puis sa luminosité nominale de 1034 cm-2s-1 en 2015. À partir de 2020, afin que son exploitation reste rentable, le LHC nécessitera une amélioration majeure visant à une augmentation significative de sa luminosité. La configuration de la nouvelle machine, appelée High Luminosity LHC (HL-LHC), imposera entre autres le remplacement des triplets de quadripôles des zones d’interaction et des triplets des zones d’insertion. En parallèle aux études pour le HL-LHC, un deuxième programme, appelé High Energy LHC (HE-LHC), explore la possibilité de réaliser une amélioration ultérieure permettant d’atteindre des énergies de collision dans la gamme des 26 à 33 TeV. L’idée de base est de remplacer tous les aimants de la machine actuelle par des aimants à champ plus élevé, de l’ordre de 20 T. Les seuls matériaux supraconducteurs permettant d’atteindre cet objectif très ambitieux sont le Nb3Sn et les supraconducteurs à haute température critique.
Triplets de quadripôles en NbTi
L’augmentation d’un facteur 2 à 3 de la luminosité des zones d’interaction peut être obtenue par le remplacement des triplets de quadripôles de focalisation finale des zones d’interaction par des quadripôles à grande ouverture (120 mm contre 70 mm pour les triplets actuels), avec un champ maximum sur le conducteur du même ordre de grandeur que celui des quadripôles des arcs du LHC, à savoir environ 7 T, permettant donc l’utilisation du NbTi. L’énergie stockée et les efforts électromagnétiques mis en jeu sont en revanche beaucoup plus importants du fait de la plus grande ouverture. Pour cette raison, il a été jugé nécessaire de compléter les études de conception des quadripôles par la réalisation de deux modèles de validation.
En collaboration avec le Cern, le Ciemat et le RAL (Rutherford Appleton Laboratory), le SACM a été chargé de la validation mécanique de la conception des quadripôles et de la réalisation de quatre bobines pour l’un des modèles de quadripôle. Chaque bobine est constituée de deux couches de bobinage, réalisées séparément et assemblées après polymérisation par une jonction interne. Les câbles utilisés sont les mêmes que ceux des dipôles des arcs du LHC mais une nouvelle isolation plus perméable à l’hélium superfluide a été développée afin de compenser les dépôts de chaleur plus élevés. Les bobines ont été livrées au Cern en août 2011. Leur assemblage et leur frettage ont été réalisés au Cern et les tests des modèles sont en cours.
Quadripôle deux en un à grande ouverture
Un sous-projet du projet HL-LHC, nommé Hilumi-LHC, a débuté en 2011. Une des tâches concerne l’amélioration des aimants des zones d’insertion du LHC. En particulier, le SACM a la responsabilité des études magnétiques et mécaniques d’un des futurs quadripôles du triplet externe, le quadripôle Q4 à large ouverture (80 à 100 mm), qui devra remplacer le quadripôle actuel possédant une ouverture de seulement 70 mm. Une des contraintes magnétiques du quadripôle Q4 en NbTi est la double ouverture permettant de faire circuler les deux faisceaux de particules en sens inverse à la distance de 194 mm. L’effet du couplage magnétique qui en découle a un impact sur la qualité du champ, notamment lorsque les courants qui circulent dans les aimants des deux ouvertures sont différents. L’ouverture actuellement retenue est de 90 mm et le câble est identique à celui des quadripôles des arcs du LHC. Les études mécaniques ont permis de valider le principe d’utilisation des colliers de frettage pour cette conception en simulant l’assemblage des bobines, le refroidissement de l’aimant et son fonctionnement à 110 % du courant nominal.
Le CEA-Saclay et le Cern sont en discussion pour définir quelle pourrait être l’implication du SACM dans la fabrication des futurs quadripôles Q4 à double ouverture à compter de 2013.
Conception magnétique du quadripôle à double ouverture de 90 mm composé des bobines en NbTi, des colliers de frettage en acier austénitique et de la culasse en fer. Le schéma montre la répartition du champ magnétique dans les colliers et dans la culasse lorsque le courant nominal circule dans les deux ouvertures.
À gauche : modèle mécanique permettant de valider l’utilisation de colliers de frettage pour l’assemblage des bobines. En rouge : les câbles supraconducteurs ; en bleu : la frette en acier. Grâce à la symétrie, seul un octant est modélisé. À droite : répartition des contraintes azimutales dans la bobine après l’assemblage des bobines, après le refroidissement de l’aimant et lorsque l’aimant fonctionne à 110 % du courant nominal.
Dipôle à haut champ en Nb3Sn
Les activités de R&D de l’Irfu liées à l’utilisation du Nb3Sn comme matériau supraconducteur pour les aimants à haut champ vont se concrétiser par la réalisation d’un aimant destiné à équiper Fresca 2, nouvelle station d’essais de conducteurs du Cern. Cet aimant est un dipôle en Nb3Sn de 1,5 m de long et 100 mm d’ouverture, capable de fournir un champ sur l’axe de 13 T à 4,2 K, avec une homogénéité de l’ordre de un pourcent sur 700 mm. Les études de conception du dipôle ont débuté dès septembre 2009.
Essai de cintrage des têtes de bobines. Celles-ci sont orientées vers le bas lors de l’opération de bobinage
En collaboration avec le Cern, le SACM a réalisé les études magnétiques et mécaniques du dipôle. Une configuration en blocs a été retenue pour les bobines : chaque pôle est constitué de deux bobines en forme d’hippodrome formées chacune de deux couches de conducteur ayant les têtes inclinées pour laisser la place au tube faisceau. Le dipôle sera réalisé avec 1 km de câble du type Rutherford constitué de 40 brins de 1 mm de diamètre. Dans le cadre du partenariat avec le Cern, le SACM a assuré l’approvisionnement de brins supraconducteurs en Nb3Sn chez deux fournisseurs qui proposent deux technologies différentes, PIT (powder in tube) et RRP (restacked rod process), ce qui impose de dupliquer les études sur le comportement des câbles du point de vue supraconducteur et mécanique. Actuellement, des tests sont en cours pour évaluer les changements dimensionnels des câbles lors de la réaction thermique qui pourraient entrainer des contraintes dans le conducteur et sa dégradation si la structure de la bobine et l’outillage ne sont pas adaptés. Différents outillages spécifiques ont été développés pour les tests de bobinage qui ont permis de choisir la meilleure géométrie pour le saut de couche, de montrer la faisabilité des têtes dans la configuration en blocs et d’affiner leur géométrie, puis de valider le bobinage « tête vers le bas ».
Les modèles thermiques du dipôle sont maintenant disponibles et des calculs en régime stationnaire et transitoire dans l’hélium ont été réalisés pour étudier le comportement de l’aimant lors de son refroidissement, ou lors d’un quench. Des modèles numériques 2D et 3D ont aussi été développés pour valider le système de protection de l’aimant, constitué de 4 chaufferettes réparties sur les faces des bobines et de résistances de décharge. L’étude détaillée des bobines et de la structure de la masse froide est terminée, ainsi que celle des outillages de bobinage, de réaction et d’imprégnation. L’approvisionnement de ces outillages est en cours d’achèvement et nous avons reçu les composants nécessaires à la réalisation d’un prototype de bobine à l’échelle 1, en cuivre, dont la fabrication devrait démarrer en juin 2013. La fabrication des bobines en Nb3Sn est prévue fin 2013 et le test du dipôle en 2014.
Insert dipolaire en supraconducteur à haute température critique
Atteindre des champs d’induction de l’ordre de 20 T est un réel défi accessible uniquement grâce aux supraconducteurs à haute température critique tels l’YBaCuO. Au sein du programme européen Eucard, le SACM a la responsabilité de la construction d’un insert dipolaire en YBaCuO générant un champ magnétique de 6 T à 4,2 K dans le dipôle Fresca 2 de 13 T. Les défis se situent au niveau de la mécanique pour contenir les forces très élevées et au niveau de la protection pour ne pas risquer de détruire l’aimant lors de l’apparition d’un défaut. Les conceptions magnétique et mécanique de cet aimant sont terminées. Il sera constitué de 3 bobines à double couche en forme d’hippodrome, assemblées autour d’un pôle central en fer doux et maintenues par des mâchoires en inox et un cylindre extérieur en inox. Les composants de l’insert sont en cours de réalisation. Un prototype constitué d’une couche simple de bobinage va être prochainement réalisé afin de mesurer la densité de courant transporté par le ruban supraconducteur en fonction de l’orientation du champ magnétique extérieur. L’insert lui-même sera bobiné et assemblé au cours de l’année 2013.
• Physique et technologie des aimants supraconducteurs › Instrumentations et développements pour les aimants de recherche
• Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire de cryogénie et des stations d’essais (LCSE) • Laboratoire d'’études des aimants supraconducteurs (Léas)