Le 17 août 2017 à 12h 41min 20s en Temps Universel (TU), La collaboration LIGO-Livingston et LIGO-Hanford aux USA et Advanced VIRGO (Italie) a observé un signal d'ondes gravitationnelles d'un type nouveau et a donné l’alerte à un réseau de télescopes. Cinq heures après l’alerte, la zone de localisation de l’émission de l’onde-G est affinée. Cette zone qui couvre environ 30 deg2 (soit 120 fois la taille de la pleine lune) va permettre aux petits télescopes à grand champ de vue d’examiner cette boite d’erreur pour découvrir que cette minuscule déformation de l'espace-temps provient de la périphérie de la galaxie NGC 4393, située à environ 130 millions d'années-lumière de la Terre. A l'aide d'une panoplie de détecteurs développés avec la participation du CEA, les physiciens du CEA-Irfu ont scruté la région d'où est provenue l'onde gravitationnelle détectée. A la différence des quatre détections précédentes d'ondes du même type découvertes depuis 2015, cette nouvelle vibration de l'espace, baptisée GW170817, s'avère d'origine différente. Elle ne résulte pas de la fusion de deux trous noirs mais de deux étoiles les plus denses connues, les étoiles à neutrons. |
Conférence du vendredi 20 octobre 2017 aux salariés du centre CEA de Saclay
Pour découvrir l’astro révolution qui vient, nous vous invitons à écouter les chercheurs de l’Institut de recherche sur les lois fondamentales de l’Univers :
- Roland Lehoucq explique la nature de cette révolution et de quelle façon la danse des étoiles à neutrons a été dévoilée grâce à l’observation d’ondes gravitationnelles par Ligo et Virgo.
- Philippe Laurent nous raconte ce que les rayons gamma ont montré de la collision finale grâce au satellite Intégral.
- Diego Götz nous décrit ce qu’on en a observé avec la lumière visible au Very Large Telescope au Chili.
- Fabian Schussler nous explique comment l’observatoire H.E.S.S. en Namibie a exploré le ciel pour détecter des photons gamma tandis qu’Antares cherchaient des témoins de la collision parmi les neutrinos.
- Stéphane Schanne nous fait découvrir le futur satellite Svom qui scrutera l’Univers sur plusieurs longueurs d’onde, des rayons gamma ou X jusqu’à la lumière visible et l’infrarouge.
Le 14 septembre 2016, nous avons tous été comprimés et dilatés par une déformation spatio-temporelle d’une quantité infime (0,000000000000000001 m). Ce qui revient à dire que nos protons ont été secoués d'un millième de leur taille! Une onde a traversé la Terre et chacun de nous. Elle se propageait depuis plus d’un milliard d’années. Les physiciens ont démontré qu’elle provenait de la rencontre de 2 trous noirs qui ont fini par fusionner en un seul. |
L’Irfu n’est pas impliqué dans la collaboration LIGO-VIRGO qui a fait cette découverte. Les physiciens de l’Irfu scrutent l’Univers violent pour en comprendre ses mystères. Certains ont cherché à détecter des signaux avec d'autres messagers, comme les gammas ou les neutrinos, qui seraient corrélés à cette fusion de 2 trous noirs. Rien n’a été trouvé pour le moment. Voici quelques réactions envoyées le jour de la conférence de presse du 11 février dernier. Cliquez sur les paragraphes pour développer le texte complet La région probable où se serait produit le sursaut LIGO a été observée au même moment par INTEGRAL. En effet, l'anticoïncidence du spectromètre SPI (SPI/AC) peut observer le ciel quasiment en permanence, dans quasiment 4π stéradians entre 75 keV et 2 MeV. Malheureusement, ce détecteur ne fait pas d'imagerie, mais il a une résolution temporelle de 50 ms. On a donc pu chercher une coïncidence temporelle entre l'évènement LIGO et un éventuel sursaut d'émission X dur/gamma. Aucune émission n'a été trouvée dans toute la boîte d'erreur LIGO, ce qui nous amène à conclure que l'émission éventuelle X dur/gamma, liée à cet événement, dégagerait au moins un million de fois moins d'énergie que l'énergie propagée par les ondes gravitationnelles. L'instrument GBM de Fermi devrait publier un sursaut X dur coïncidant temporellement avec l'événement LIGO dans une gamme d'énergie proche de celle de SPI/AC. Comme SPI/AC est plus que 10 fois plus sensible que le GBM, cet instrument aurait dû voir ce sursaut. Le fait qu'on ait rien vu montre probablement que le sursaut GBM n'est pas lié à un évènement cosmique. On peut dire que l'anticoïncidence de SPI est le meilleur instrument actuellement pour suivre ce genre d'évènement en X dur/gamma non localisés dans le ciel.
Un article Savchenko et aL. a été être soumis le 12 février pour décrire ces résultats. Cette découverte peut être considérée comme le début de l’ère de l’astrophysique/l’astronomie multi-messager: jusque maintenant l’astronomie était basée sur les photons (d’origines et d’énergies très variées mais quand même toujours des photons). Depuis 3 ans environ on a commencé à inclure les neutrinos (après la découverte des neutrinos d’origine astrophysique par IceCube); la possibilité de combiner maintenant tous ces informations avec un troisième messager de l’univers violent ouvre des voies nouvelles et excitantes. L’analyse ANTARES/IceCube/Ligo/Virgo est un premier pas dans cette direction. Cette analyse montre l’importance de cette nouvelle forme de collaboration entre expériences très variées nécessaire pour réaliser l’astronomie multi-messager. Les collaborations ANTARES, IceCube, LIGO et Virgo ont cherché conjointement une contrepartie neutrino à l’évènement onde gravitationnelle GW150914 détectée par LIGO. Même s’ils n’ont pas pu mettre en évidence une source de neutrinos coïncidant avec l’onde gravitationnelle, cette analyse démontre les avantages et la faisabilité d’analyses communes entre ces expériences très variées. Nous attendons donc avec impatience l’analyse des autres données LIGO déjà enregistrées et encore plus le début de la prise de données conjointe entre LIGO et le détecteur européen Virgo. Les expériences de toutes les longueurs d'ondes et de tous les messagers sont prêtes et ont mis toutes les chances de leur côté pour découvrir la première source astrophysique "multi-messager".
C'est une découverte majeure et magnifique. La physique est sublime : deux objets d'une centaine de kilomètres de rayon et de 30 masses solaires (des trous noirs, donc), distants l'un de l'autre de 350 km, qui orbitent à 75 rotations par seconde avant de fusionner en quelques millièmes de secondes, atteignant une vitesse relative de 50% de la vitesse de la lumière ! La fusion des deux trous noirs en un trou noir de 70 masses solaires relâche trois masses solaires d'énergie dans l'Univers sous forme d'ondes gravitationnelles... ça défie l'imagination ! Encore plus extraordinaire : des observateurs sur Terre ont pu observer ces ondes après qu'elles aient parcouru la fabrique de l'espace-temps pendant un milliard d'années avant d'atteindre notre planète en septembre dernier. Les physiciens de LIGO ont détecté à deux endroits et presque simultanément une perturbation dans la métrique de l'espace qui correspond au millième de la taille du proton (10 moins 18 mètre). Une incroyable prouesse technique ! Ce qui est amusant, c'est que le LHC sonde aussi la matière à cette échelle-là.
ainsi qu'une page de questions-reponses sur cette extraordinaire découverte: « L'astronomie découvre enfin le point G » par Jean-Marc Bonnet-Bidaud
Publication PRL 116, 061102 (2016) (fichier pdf) :Observation of Gravitational Waves from a Binary Black Hole Merger, B. P. Abbott et al.* (LIGO Scientific Collaboration and Virgo Collaboration) |
Simulation par ordinateur des ondes gravitationnelles produites lors de la fusion de deux trous noirs. Werner Benger, CC BY-SA
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