Une équipe internationale de chercheurs, menée par des astrophysiciens du Service d'Astrophysique du CEA Saclay, a découvert, grâce au satellite européen XMM-Newton, un nouveau sursaut de rayonnement X en provenance de la source radio Sgr A*. Cette source coïncide avec le centre dynamique de notre Galaxie qui semble abriter un trou noir massif de plusieurs millions de masses solaires. Elle a vu son flux de rayons X augmenté d'un facteur 20 en moins de 1000 secondes (1). Cet événement, observé en septembre 2001, est remarquablement similaire à celui détecté par le satellite américain Chandra en octobre 2000 et à plusieurs reprises plus récemment. Il est ainsi prouvé que les sursauts d'émission X, probablement dus à une soudaine augmentation de la quantité de matière tombant sur le trou noir du noyau galactique, ne sont pas des phénomènes rares. Cette observation donne de nouvelles contraintes aux modèles physiques qui tentent d'interpréter la faible émission du trou central de notre Galaxie.
Le centre de notre galaxie, situé dans la constellation du Sagittaire à une distance (2), abrite le trou noir massif le plus proche de la Terre. Des mesures précises dans l'infrarouge, obtenues grâce aux télescopes du VLT et du Keck, ont montré que les étoiles situées près du centre dynamique de la Galaxie tournent avec des vitesses exceptionnelles (jusqu'à 5000 km/s) sur des orbites elliptiques autour de ce point. A partir de ces observations on estime qu'une masse équivalente à 2,6 millions de fois la masse du Soleil est confinée à l'intérieur d'un rayon de seulement 124 Unités Astronomiques (3). Comme une telle masse confinée dans une région si petite ne peut rester stable longtemps, la présence d'un trou noir massif au centre de la Galaxie est désormais considérée comme l'explication la plus plausible des phénomènes observés.
L'image du centre de notre galaxie enregistrée par le satellite américain Chandra (dans la bande des rayons X de 0.5 à 7 keV). La source au centre de l'image (marquée par une flèche) correspond à la position de la source radio Sgr A*. D'autres sources de rayons X, et une composante diffuse due au gaz interstellaire chaud, sont également visibles. En octobre 2000 cette source a montré un très forte augmentation de flux, d'une durée totale de 3 heures avec des variations rapides. Une telle observation a permis d'estimer la dimension de la zone émissive avec une valeur de l'ordre de 1 Unité Astronomique, soit 20 rayons de Schwarzshild (4) pour un trou noir de 2,6 millions de masses solaires. L'émission X de Sgr A* semble ainsi générée dans les régions les plus proches de l'horizon du trou noir massif central. (Crédit NASA/Chandra).
Pourtant, il subsiste une énigme. Les larges quantités de matière présentes sous forme de gaz et d'étoiles dans la région centrale de notre Galaxie, devraient être aspirées par ce gigantesque trou noir et produire une forte émission en rayons X. En fait il n'en est rien; le centre exact de notre galaxie a longtemps été considéré comme uniquement une source d'ondes radio, la source compacte appelée Sgr A*. Seules les observations les plus récentes en rayons X ont pu démontré également une faible émission persistante de rayons X en provenance de Sgr A* (figure). Toutefois la luminosité de Sgr A* est de plusieurs ordres de grandeur inférieure au niveau attendu pour un tel trou noir. Il se pourrait donc que le trou noir du centre de la Galaxie ne soit pas en condition d'absorber la matière environnante, ou bien que l'efficacité de conversion de l'énergie de chute libre en énergie irradiée soit très faible. Ce comportement est très différent de celui des petits trous noirs dits "stellaires" (trous noirs de quelques masses solaires aspirant la matière d'une étoile compagnon), et encore plus des trous noirs super-massifs enfouis au centre des galaxies à noyaux actifs, qui sont eux de fortes sources de rayonnement X et gamma.
L'observation d'un sursaut d'émission tel qu'elle a été obtenue avec le satellite XMM-Newton est importante non seulement parce qu'elle confirme les résultats du satellite Chandra, mais aussi parce qu'elle montre que de telles éruptions ne sont pas des évènements rares. Puisque le flux radio de Sgr A* n'a jamais changé de plus d'un facteur 2, l'observation XMM-Newton implique que les sursauts de rayons X ne sont probablement pas associés à des sursauts radio aussi importants. Ceci favorise notamment un scénario dans lequel l'émission des rayons X est produite par le rayonnement de freinage des électrons dans un disque d'accrétion très proche de l'horizon du trou noir.
En haut : les images du centre de la galaxie enregistrées par le télescope européen XMM-Newton en septembre 2001 avec les caméras EPIC MOS 1 et 2 dans la bande des rayons X comprise entre 2 et 10 keV avant le sursaut X (image de gauche) et durant le sursaut (image de droite). En bas : le taux de comptage des rayons X en fonction de temps montre clairement que le sursaut est provoqué par l'éruption d'une source localisée à la position de Sgr A*, la contrepartie radio du noyau galactique. Le champ de chaque image est de (5x5) minutes d'arc. (Crédits ESA/CEA SAp)
L'énergie des rayons X émis lors de ce sursaut est particulièrement élevée et l'éruption pourrait sans doute être observable dans un domaine (au-delà d'une énergie de 15 keV), accessible aux télescopes détectant les rayons gamma. Des observations à l'aide des télescopes gamma à bord du satellite INTEGRAL qui vient d'être mis en orbite, sont ainsi d'ores et déjà programmées. Les astrophysiciens cherchent de même à les compléter par des campagnes d'observations simultanées à d'autres longueurs d'onde. Observer le trou noir sur un domaine d'énergie le plus large possible permettra ainsi de préciser les mécanismes d'émission au centre de notre Galaxie et découvrir les causes du comportement très étonnant du centre de notre Galaxie.
Contact :
"A New X-Ray Flare from the Galactic Nucleus Detected with the XMM-Newton Photon Imaging Cameras"
A.Goldwurm (1), E. Brion (1), P. Goldoni (1), P. Ferrando (1), F. Daigne (1), A. Decourchelle (1), R.S. Warwick (2), P. Predehl (3), Astrophysical Journal, vol. 584, n° 2, February 20, 2003 (astro-ph/0207620)
Cette collaboration inclut les laboratoires suivants: (1) le Service d'Astrophysique/DAPNIA/CEA, Saclay, France, (2) le Dept. of Physics and Astronomy, University of Leicester, Royaume-Uni, (3) le Max-Planck Institut fur Extraterrestrische Physik, Garching, Allemagne.
Notes :
(1) Le flux de la source dans la bande d'énergie 2-10 keV a augmenté d'un facteur 20 en moins de 1000 sec et sa luminosité a atteint 5 1034 ergs/s, soit environ dix fois l'énergie rayonnée par le Soleil.
(2) kiloparsec (kpc) = 3260 années-lumière = 3 1016 kilomètres
(3) L'Unité Astronomique (UA) correspond à la distance moyenne Terre-Soleil et vaut environ 150 millions de kilomètres.
(4) Le rayon de Schwarzshild est le rayon qui définit l'horizon des évènements d'un trou noir qui n'est pas en rotation.
voir aussi sur le satellite XMM : Point-presse sur les premiers résultats (20 novembre 2000)
• Structure et évolution de l'Univers › Phénomènes cosmiques de haute énergie et astroparticules