Les étoiles massives se forment-elles « en un éclair » ?
Les étoiles massives se forment de façon beaucoup plus rapide que les étoiles de petite masse comme le Soleil. C’est la découverte que vient de faire une équipe d’astrophysiciens européens conduite par des chercheurs de l’unité mixte de recherche AIM du Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/DSM/DAPNIA. En cartographiant dans le domaine millimétrique le complexe moléculaire du Cygne, les chercheurs ont réalisé le premier recensement complet de jeunes proto-étoiles massives. Ce résultat suggère que le scénario couramment accepté pour la formation des étoiles de type solaire ne peut pas s’appliquer à la formation des étoiles massives, tout au moins dans le cas de ce nuage moléculaire. Ces résultats sont publiés dans la revue Astronomy and Astrophysics.
Le mystère de la formation des étoiles massives
Les étoiles massives (étoiles de type spectral O ou B, ayant une masse 10 à 100 fois celle de notre Soleil) sont peu nombreuses mais représentent souvent la source principale de l’énergie émise par une galaxie. Leur formation pose un problème théorique particulier. En principe, lorsqu’une étoile atteint ~ 10 fois la masse du Soleil, la très forte pression de radiation exercée sur la poussière environnante par son rayonnement UV doit empêcher l’accumulation de masse. Or des étoiles de masse beaucoup plus grande existent bel et bien. Des solutions théoriques ont été proposées pour contourner ce problème (formation par accrétion violente de matière, par la fusion de plusieurs objets…), mais aucune n’est fermement établie à ce jour.
Pour mieux comprendre la formation des étoiles massives, il est nécessaire de découvrir puis d’étudier ses phases dites « précoces », car c’est vraisemblablement lors de ces étapes que la masse finale de l’étoile est déterminée. Si les étoiles massives se forment selon un scénario proche de celui des étoiles de faible masse (encore appelées étoiles de type solaire, ayant une masse 0.1 à 2 fois celle du Soleil), ces phases précoces correspondent à des proto-étoiles et des cœurs pré-stellaires massifs. Pour mémoire, les proto-étoiles sont constituées d’un embryon d’étoile enfoui dans une enveloppe de gaz moléculaire et leurs précurseurs, les cœurs pré-stellaires, sont des cœurs denses (ou enveloppe de gaz) encore sans étoile (lire L’enfance des étoiles pour des informations complémentaires).
Etoiles massives dans le Cygne
L’ensemble du complexe moléculaire Cygnus X vient d’être cartographié dans le continu millimétrique avec la caméra MAMBO-2 installée au foyer du télescope de 30 m de l’IRAM. Cette étude non-biaisée des sites de formation d’étoiles massives a révélé une large population de jeunes proto-étoiles massives, multipliant par 10 leur nombre connu à ce jour.
Comme l’échantillon des objets stellaires jeunes trouvés dans ce complexe est « complet » pour les différentes phases de la formation des étoiles massives, nous pouvons pour la première fois, estimer de façon statistique leurs temps de vie. Si la masse de l’embryon d’étoile augmente à la même vitesse pour former une étoile massive et une étoile de type solaire, nous pourrions naïvement nous attendre à ce que les étoiles massives se forment beaucoup plus lentement. Or, les proto-étoiles massives du Cygne ont une durée de vie 10 fois plus courte que celle des proto-étoiles de type solaire mesurée dans les nuages moléculaires proches (100-500 parsec) comme le nuage du Taureau. Par ailleurs aucun cœur pré-stellaire massif n’ayant été trouvé dans le Cygne, ces objets sont au mieux fugaces et très différents des cœurs pré-stellaires de faible masse. En conséquence, la formation des étoiles massives apparaît comme un processus très dynamique.
Ce résultat suggère que le scénario couramment accepté pour la formation des étoiles de type solaire ne peut pas s’appliquer à la formation des étoiles massives. Toutefois, cela ne signifie pas que, dans une même région, les étoiles massives et de faible masse se formeront sur des échelles de temps différentes. Il est en fait probable que ce résultat reflète davantage des différences physiques (comme le niveau de turbulence) entre des nuages moléculaires proches (p. ex. rho Ophiuchi) et des complexes moléculaires plus actifs (p. ex. Cygnus X).
Contact : Frédérique Motte
« The earliest phases of high-mass star formation: a 3 square degree millimeter continuum mapping of Cygnus X »
F. Motte, S. Bontemps, P. Schilke, N. Schneider, K. Menten, D. Broguière à paraître dans la revue Astronomy and Astrophysics novembre 2007,
pour une version électronique (voir arxiv:0708.2774 et fichier PDF- 2.4 Mo)
Voir aussi
– La croissance des embryons d’étoiles (octobre 2007) |
Pour en savoir plus
– Le site « Formation des étoiles avec Herschel/Spire-Pacs » |
– Le site Herschel du Service d’Astrophysique |
– Le site Artémis du Service d’Astrophysique |
Rédaction: F. Motte, V. Minier