Formation d’étoiles dans l’Univers lointain

Formation d’étoiles dans l’Univers lointain

Davantage d’étoiles pour les groupes denses de galaxies (7 Juin 2007)

Des astrophysiciens du Service d’Astrophysique (SAp) du CEA/DSM/DAPNIA viennent de mesurer pour la première fois l’activité de formation d’étoiles dans les galaxies quand l’Univers était âgé de seulement 5 milliards d’années (soit 40% de son âge actuel). L’étude a été menée sur un échantillon de plus de 1200 galaxies lointaines dans des régions où les galaxies étaient plus ou moins denses à partir d’images profondes du télescope spatial Hubble et d’observations infrarouge du satellite Spitzer. Contrairement à ce qui est observé dans l’Univers local proche, les galaxies lointaines forment beaucoup plus d’étoiles lorsque les galaxies sont proches les unes des autres. Ce résultat suggère que la formation des amas de galaxies il y a environ 8 milliards d’années a très probablement accéléré la naissance d’étoiles dans les galaxies. Cependant l’origine physique de ce processus reste une grande inconnue… Ces travaux sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics du 7 juin 2007.

Galaxies bleues et rouges.


Les galaxies sont toutes différentes les unes des autres, mais on distingue néanmoins deux grandes catégories : les galaxies bleues qui continuent de former des étoiles, et les galaxies rouges qui apparemment qui n’ont plus assez de gaz pour nourrir la formation stellaire. Les galaxies rouges sont constituées d’étoiles en moyenne moins massives, plus âgées et donc plus froides, d’où leur couleur rouge. Pour expliquer l’arrêt prématuré de la formation des étoiles dans ces galaxies rouges, deux scénarios ont été évoqués : soit un mécanisme a brutalement provoqué l’extinction de la formation stellaire, soit au contraire la formation stellaire dans ces galaxie a été accéléré et donc les a rendues prématurément vieilles et plus rouges. Dans les deux cas, les astronomes soupconnent que les collisions entre galaxies pourraient jouer un grand rôle.
Les récents grands sondages de plusieurs centaines de milliers de galaxies, comme le sondage Sloan numérique du ciel (Sloan Digital Sky Survey), ont fourni une première réponse pour les galaxies proches de nous. Ils ont montré que les galaxies rouges étaient situées principalement dans les régions les plus denses de l’Univers local et qu’elles formaient de moins en moins d’étoiles lorsque les régions étaient de plus en plus denses en galaxies. Mais aucune information n’avait pour l’instant été obtenue dans l’Univers lointain.

Images de galaxies lointaines obtenues par le télescope spatial Hubble. La couleur et la forme des galaxies permettent d’étudier l’activité de formation d’étoiles dans l’Univers tel qu’il était il y a plus de 8 milliards d’années Cliché NASA/ESA.

Premier sondage dans l’Univers lointain.


Pour avoir une vue équivalente dans l’Univers lointain, les chercheurs ont utilisé un ensemble de données baptisé GOODS (Great Observatories Origins Deep Survey – Sondage Profond des Grands Observatoires sur les Origines) qui combine dans une même région les images les plus profondes du télescope spatial Hubble (pour la forme des galaxies), les observations en lumière infrarouge du satellite Spitzer (pour l’activité de formation d’étoiles) et les observations en lumière visible fournies par les grands télescopes terrestres (pour la mesure des distances des galaxies).
A leur grande surprise, ils ont constaté que les galaxies lointaines se comportaient très différemment de ce qui était prévu. A l’opposé des galaxies locales, elles forment d’autant plus d’étoiles lorsqu’elles sont dans des régions denses en galaxies.

Le taux de formation d’étoiles en fonction de la densité de galaxies pour les galaxies lointaines (en bleu) comparée aux galaxies proches (en rouge) et aux prévisions théoriques (en vert) Dans l’Univers lointain, la formation d’étoiles observée augmente avec la densité des galaxies à l’inverse des galaxies locales et des modèles qui prédisent une chute de la formation d’étoiles avec la densité.

Collisions de galaxies.


Cette découverte démontre donc que l’activité des galaxies est affectée de façon importante par leur environnement et la densité des galaxies joue dans le sens inverse de ce qui avait été supposé jusqu’ici. Mais quel est donc le mécanisme physique qui produit cet effet ? Dans l’Univers local, les galaxies qui forment leurs étoiles avec les taux les plus élevés sont presque toutes en phase de « fusion majeure » avec une autre galaxie de masse comparable. Ce processus a pour effet de concentrer le gaz interstellaire au centre des galaxies et d’accélérer ainsi sa conversion en étoiles. La très bonne qualité des images du télescope spatial Hubble a permis de classer les galaxies distantes en quatre catégories et de montrer que seul un tiers d’entre elles apparaissait affecté par une fusion majeure. En comparaison, dans l’Univers local, les galaxies à formation stellaire aussi élevée sont quasiment toutes des resultats de fusions majeures.
Les collisions ne sont donc pas responsables de la forte formation stellaire dans l’univers lointain. En revanche, les astrophysiciens ont constaté que dans une région dense de grande dimension, très probablement une phase précoce dans le processus de naissance d’un amas de galaxies il y a 8 milliards d’années, la formation stellaire est particulièrement élevée. Il est donc probable que c’est la formation même des amas qui augmente la formation d’étoiles mais la nature exacte du processus reste encore totalement inconnu.

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Contact : David ELBAZ

Publication :

 » The reversal of the star formation-density relation in the distant universe »
D. Elbaz, E. Daddi, D. Le Borgne, M. Dickinson, D.M. Alexander, R-R Chary, J-L Starck, W.N. Brandt, M. Kitzbichler, E. MacDonald, M. Nonino, P. Popesso, D. Stern, E. Vanzella
publié dans la revue Astronomy & Astrophysics du 7 juin 2007
pour une version électronique de l’article (fichier PDF- 1.4 Mo)

Rédaction: : D. Elbaz, F. Bournaud, J.M. Bonnet-Bidaud