Le cycle 24 du Soleil révélé par la sismologie
Une équipe internationale de chercheurs français et espagnols de l’Instituto d’Astrofísica de Canarias et du Service d’Astrophysique du CEA-IRFU, vient de découvrir que le cycle d’activité magnétique du Soleil a déjà débuté depuis au moins la deuxième moitié de 2007, alors que pratiquement aucune manifestation extérieure d’activité n’a été observée ces deux dernières années. Malgré l’absence de taches à sa surface, les oscillations internes du Soleil, détectées par l‘instrument GOLF à bord du satellite SoHO, prouvent que l’activité magnétique responsable du cycle solaire de 11 ans a bien démarée dans les zones polaires du Soleil. Ces résultats sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics.
L’anomalie du nouveau cycle solaire
Depuis la découverte des taches solaires par les anciens astronomes chinois et les mesures effectuées par Galilée au XVIIe siècle, nous savons que le nombre des taches à la surface du Soleil suit un cycle approximatif de 11 ans, avec des périodes de minimum pendant lesquelles il n’y a pratiquement pas de taches à la surface du Soleil. L’apparition des taches à la surface du Soleil commence aux hautes latitudes, près des pôles, pour descendre ensuite vers l’équateur, dessinant au cours du temps un diagramme caractéristique en « aile de papillon ».
Or, depuis 2007, date du dernier minimum, le nouveau cycle 24 [1], aurait déjà dû commencer, accompagné d’un nombre croissant de taches. Cependant, presque aucun signe d’activité à la surface du Soleil n’a été observé pendant les deux dernières années, avec 478 jours sans aucune tache depuis 2008 jusqu’à ce jour, soit 76% du temps. Ce minimum étendu d’activité à la surface du Soleil constitue un évènement extrêmement rare dans son histoire au cours du XXe siècle, puisqu’il faut remonter à l’an 1913 pour retrouver une année avec un nombre de jours sans taches plus élevé (85% du temps). Il est étudié intensivement car une anomalie du cycle solaire pourrait avoir un impact indirect sur le climat terrestre.
Le cycle solaire a débuté au cœur du Soleil
Pour la première fois, les astrophysiciens ont néanmoins la chance de pouvoir observer ce phénomène avec de nombreux d’instruments scientifiques, notamment le satellite SoHO (Solar and Heliospheric Observatory ou Observatoire Solaire et Heliosphérique) de l’agence spatiale européenne ESA et américaine NASA, actuellement en orbite pour l’étude du Soleil.
Pour sonder les couches les plus profondes du Soleil, l’équipe de chercheurs a utilisé les données helioséismiques obtenues par l’instrument GOLF (Global Oscillations at Low Frequencies) à bord de SoHO. Cet instrument enregistre les oscillations du Soleil, de petites variations de luminosité périodiques qui trahissent des variations des paramètres internes du Soleil. Certaines de ces oscillations voient leur fréquence varier en fonction de l’activité magnétique du Soleil. En utilisant différents modes d’oscillations à l’intérieur du Soleil, les chercheurs ont pu montrer que, sous la surface du Soleil, là où sont produites les oscillations, le cycle d’activité a bien démarré dans les régions polaires, alors que dans les zones plus équatoriales le cycle n’était pas encore déclenché.
Cette étude montre que l’activité magnétique du Soleil est complexe et ne se traduit pas immédiatement par de spectaculaires taches à la surface. Ces taches ne sont que des conséquences de mouvements internes du Soleil entretenus par la rotation, selon un effet dit « dynamo » qui est le responsable du cycle d’activité solaire. Ce cycle ne s’est donc pas interrompu contrairement à ce que pouvait laisser penser l’observation de la seule surface du Soleil.
Le prochain maximum solaire est attendu aux environs de 2012, Pendant ces maxima d’activité solaire, se produisent les événements les plus spectaculaires, des libérations d’énormes quantités de particules très énergétiques dans le milieu interstellaire. Ces particules, quand elles arrivent dans l’atmosphère terrestre, produisent de nombreux effets comme des orages magnétiques et les aurores boréales dans les régions proches des pôles.
Contact : R.A. García, S. Mathis
« The onset of solar cycle 24. What global acoustic modes are telling us »
Salabert, D.(1), Garcia R.A(2), Pallé, P. L.(1), Jiménez-Reyes, S. J.(1)
(1) Instituto de Astrofísica de Canarias, 38200 La Laguna, Tenerife, Spain
(2) CEA/IRFU/Service d’Astrophysique et AIM (CEA/CNRS/Université Paris Diderot)
publié dans la revue Astronomy & Astrophysics, vol 504, L1 (septembre 2009)
– voir : Pulsations d’étoiles (20 octobre 2009)
Vibrations de sphères célestes (23 octobre 2008)
– voir aussi : Les mesures sismiques solaires (dossier)
Note :
[1] Par convention, le nombre de cycles solaires est compté depuis le maximum de l’an 1766
Rédaction : Raphaël Garcia, Jean-Marc Bonnet-Bidaud