La novæ de la Mouche

La novæ de la Mouche

par Andrea Goldwurm

La recherche de trous noirs a été le but principal de l’expérience Sigma.
Le 9 janvier 1991, lors d’une observation menée en direction de l’étoile Eta Carinæ, Sigma détecta une source nouvelle, la nova de la Mouche, alias Nova Muscæ 1991.
Il s’agit d’un type particulier de nova, les novæ X, des astres qui se maintiennent dans un état de profonde quiescence des décennies durant avant d’être le siège d’une activité soudaine dans le domaine des rayons X.
En quelques jours, leur éclat peut alors dépasser celui des sources X les plus brillantes du ciel, avant de décliner régulièrement et atteindre au bout de quelques mois un niveau tel qu’elles échappent à toute détection.
Il est maintenant admis que les novæ X sont des systèmes binaires serrés composés d’une étoile de faible masse en mouvement orbital autour d’un astre effondré, étoile à neutrons ou trou noir.
Grâce à son intense champ gravitationnel, l’objet compact est en mesure de soutirer la matière de son compagnon.
Il se forme alors autour de l’astre effondré un disque d’accrétion où les conditions de viscosité sont le plus souvent telles que peu de matière est en définitive accrétée par l’objet compact.
En revanche, une soudaine augmentation de la viscosité permet de déclencher un véritable déferlement de matière dans le puits de potentiel suscité par l’astre effondré, d’où il s’ensuit une libération massive d’énergie potentielle sous forme d’un sursaut prolongé d’émission X.
Les observations Sigma des mois de janvier et de février 1991 furent presque entièrement dévolues à cette nouvelle source dont l’émission, détectée bien au-delà de 200 keV, portait les stigmates des trous noirs accrétants
Un an plus tard, une fois que la source fut à nouveau en état de quiescence, des observations menées dans le visible attestèrent la présence d’un trou noir, la masse du compagnon compact s’avérant en effet supérieure à trois masses solaires, donc au-delà de la limite de stabilité des étoiles à neutrons (Orosz et al., 1996). Les observations de Sigma ont surtout conduit à la découverte, au cours des 13 dernières heures de la pose du 20 janvier 1991, d’un surcroît d’émission qui rassemblait dans une étroite bande spectrale (fig 1) des photons dont l’énergie s’avéra très proche de celle des photons gamma mono énergétiques qui résultent du processus d’annihilation électron positon (fig 2,3 et 4). Une telle signature spectrale pourrait alors signifier que des mécanismes de production massive de positons sont à l’oeuvre au voisinage des trous noirs accrétants.
fig 1: Image du ciel, enregistrée par le télescope Sigma le 20 janvier 1991 en direction de Nova Muscæ dans la bande d’énergie 430-530 keV, montrant les excès d’émission par rapport au bruit de fond, codés en unités de déviation standard. En dehors de l’excès significatif (supérieur à 5 déviations standards) que l’on remarque à la position même de la nova de la Mouche (marquée par une croix), il n’apparaît aucun autre excès notable d’émission sur toute l’étendue de l’image. (476×637 39Ko)
fig 2: Série d’images de 1,5 degrés de côté bâties autour de la position de la nova de la Mouche à partir des données recueillies par Sigma dans huit bandes d’énergie adjacentes lors de l’observation du 20 janvier 1991. La source, très lumineuse dans les cinq premières bandes spectrales (énergies de photon inférieures à 330 keV), n’apparaît plus dans la sixième bande (énergies de photons comprises entre 330 keV et 430 keV) et brille à nouveau dans la septième bande centrée autour de 480 keV, avant de disparaître à plus haute énergie. C’est donc bel et bien une authentique raie spectrale que Sigma a détectée en direction de ce trou noir accrétant, et non la simple contribution du continuum sous jacent. (512×228 31Ko) fig 3: Spectre en coups de la nova de la Mouche enregistré par Sigma le 20 janvier 1991 au cours des 13 dernières heures d’observation. La ligne continue représente le modèle spectral qui s’ajuste le mieux aux données d’observation en combinant une loi de puissance d’indice spectral -2.4 et une raie de profil gaussien centrée à 480 keV avec une largeur a mi-hauteur de 55 keV. (551×406 7Ko) fig 4: Spectre en photons de la nova de la Mouche enregistré par Sigma le 20 janvier 1991 au cours des 13 dernières heures d’observation. La ligne continue représente le modèle spectral qui s’ajuste le mieux aux données d’observation en combinant une loi de puissance d’indice spectral -2.4 et une raie de profil gaussien centrée à 480 keV avec une largeur a mi-hauteur de 55 keV. (532×407 5Ko)

Bibliographie

Goldwurm, A., et al., 1992, Ap.J. Letters 389, L79.
Goldwurm, A., et al., 1993, A.&A. Suppl. Series. 97, 293.
Orosz, J.A., et al., 1996, Ap.J. 468, 380