Observer la structure à grande échelle de l’univers lointain

Observer la structure à grande échelle de l’univers lointain

Marguerite Pierre

Contexte astrophysique

Avec les nouveaux grands instruments XMM (1999, domaine X) et Megacam ( 2001, domaine visible) il est maintenant possible de sonder des volumes considérables de l’univers profond et donc, jeune. Cette opportunité est particulièrement importante pour l’étude de l’évolution de la structure de l’univers, telle qu’elle nous est révélée par la distribution de la matière à grande échelle. En effet, le taux d’évolution de la structure est directement reliée à la nature de la matière noire et aux paramètres cosmologiques, tels la densité moyenne de l’univers (Wm), la constante cosmologique (L), la forme du spectre initial des fluctuations de densité (n). Il est donc fondamental de pouvoir mesurer quantitativement cette évolution.

Dans ce but, nous avons lancé un grand programme d’observation de l’univers, sur une région de 64 deg2 en X, optique et radio. C’est le projet XMM-LSS regroupant 15 instituts européens (PI : M.Pierre).

Comparé aux traditionnels surveys de galaxies uniquement conduits dans le visible (et limités à zmax ~ 0.2), le XMM-LSS permettra de tracer pour la première fois la distribution des amas de galaxies et des quasars jusqu’à des redshifts de 1 et 3-4 respectivement.

L’aspect totalement novateur de ce projet est présenté par la Fig. 1. Non seulement, d’immenses régions spatialement cohérentes de l’univers très distant vont être explorées, mais aussi, nous allons passer au stade hiérarchique supérieur: les points ne sont plus les galaxies mais les amas de galaxies dont la masse, elle, peut être facilement reliée aux prédictions théoriques des divers scénarios cosmologiques.

Observations

Cartographier 8 x 8 deg2 avec XMM1 à une sensibilité de ~ 5 10-15 erg/s/cm2 dans la bande [0.5-2] keV.

Megacam2 (imagerie multi-couleurs profonde ; i .e. IAB ~ 25).

VLA en radio.

Le suivi spectroscopique des sources X détectées par XMM et identifiées par Megacam sera fait au VLT par le spectographe multi-objets VIRMOS.

Un suivi Sunyaev-Zel’dovich est prévu (amas particuliers + régions plus grandes).

Les temps d’observation effectifs pour Xmm et Megacam nécessaires à la réalisation du survey sont considérables : de l’ordre de 2 mois et 100 nuits respectivement.

Buts

Evolution de la distribution spatiale des amas jusqu’à z = 1.

Pour la première fois il sera possible de calculer leur fonction de corrélation dans deux intervalles (0 < z < 0.5 et 0.5 < z < 1) et ce, avec une précision de 10% sur la longueur de corrélation. Le XMM-LSS permettra aussi des études topologiques plus poussées.

Place des QSO dans les grandes structures définies par les amas.

Une vision complémentaire (d’environnement) par rapport au schéma unifié des AGN, afin de comprendre leur formation.

Evolution X-optique-radio des amas (z < 2) et des QSO (z < 4)

Une question clef : existe-t-il des amas massifs à z > 1 ?

Les observations radio sont très importantes pour étudier les phénomènes de fusion entre amas lors de la formation des grandes structures.

Résultats escomptés

Contraindre la cosmologie par l’étude de l’évolution des amas :

Distribution spatiale et topologie => contraintes sur G

Nombre ( n( z, LX)) et propriétés => contraintes sur Wm et L

Comparaison avec les contraintes ‘weak shear’ données par Megacam sur la même région.

Simulations

Afin d’analyser les observations, il est indispensable de pouvoir disposer de simulations numériques de la formation de la structure de l’univers. Celles-ci doivent incorporer :

  • différents scénarios cosmologiques
  • la possibilité de traiter de très grands volumes afin de modéliser les effets de sélection
  • la modélisation des effets à petite échelle dans la physique des amas (pré-chauffage, vents stellaires, milieu intra-amas multi-phases, taille caractéristique) afin de discriminer l’effet propre des paramètres cosmologiques dans l’étude statistique des observables (L & T) et donc du nombre d’amas de galaxies qui seront détectés.

Nous avons fait une étude incluant certains de ces effets et ce, pour différentes cosmologies, dans le but premier de quantifier dans quelle mesure XMM pourra voir les filaments cosmiques et les amas distants peu massifs (Pierre et al 2000). Les calculs utilisent des simulations hydrodynamiques à haute résolution et prennent en compte les caractéristiques instrumentales d’XMM. Les résultats montrent que les effets d’évolution sont tout a fait décelables entre un univers fermé et ouvert , déjà à z = 0.5. Les processus de refroidissement ou de pré-chauffage influent notablement sur la visibilité des groupes de galaxies par XMM (Fig. 2). Avec la sensibilité du survey XMM-LSS, il sera possible de détecter la quasi totalité de la population amas/groupes à z = 0.5, mais pas le gaz intra-filamentaires, qui apparaît beaucoup trop ténu (Fig. 3). Cependant, la distribution de la matière entre les amas sera mise en évidence par les survey Megacam (visible) et Sunyaez-zel’dovich (radio).

Pour en savoir plus

Pierre M., Bryan G., Gastaud R., 2000, A & A, 356, 403

Pierre M., 2000, astroph/0011166, Talk given at « Mining the Sky ». Joint MPA/ESO/MPE conference, August 2000

Figures et légendes

Vue d’artiste du survey XMM-LSS, comparé aux surveys de galaxies actuels dans le visible (LCRS).

Nombres d’objets attendus

  • 600-800 amas de galaxies entre 0 < z < 1
  • environ 100 amas de galaxies 1 < z < 2 (si pas d’évolution)
  • environ 10 000 QSO jusqu’à z ~ 3-4
  • Simulation de l’émissivité X d’un filament cosmique situé à z = 0.5 dans le cas d’un univers ouvert avec constante cosmologique et matière noire froide. Diverses hypothèses de pré-chauffage (f1, f2) ou de refroidissement (c) ont été considérées. On remarque un effet notable sur la visibilité des petits groupes ; d’où l’importance d’analyser ces effets avant d’en déduire des contraintes sur la cosmologie (largeur de la simulation : 24 Mpc/h). Les cercles indiquent le champ de vue d’XMM (diamètre 30′).
    2. Simulation d’un champ XMM (portion de filament, Fig. 2, LCDM f1) pour un temps d’exposition de 10 ks. Gauche : image de photons. Droite : idem + toute la population de QSO d’arrière/avant plan, filtrée par un algorithme multi-échelle. La masse des groupes de galaxies indiqués par les cercles est 1.7, 3.2, 3.5 1014 MO