12 février 2008
Le proton : un coeur dur sous une peau douce

 Le proton, un des éléments de base des noyaux atomiques, est constitué de quarks et de gluons. Mais peut-on photographier les gluons à l’intérieur du proton ? C’est-à-dire mettre au point une méthode qui donne accès à la répartition spatiale de ces composants dans le proton, donc à une échelle plus petite que le femtomètre (ou fermi, 10-15 m). Une première étape vient d’être franchie par l’expérience H1.

 

 

Les nucléons, protons et neutrons, sont les constituants du noyau atomique. Cependant, ce ne sont pas des constituants ultimes, car ils sont eux-mêmes formés de quarks et de particules intermédiaires qui lient ces quarks entre eux, les gluons. Un proton comprend trois quarks : c’est ce qu’on appelle un baryon. On observe également d’autres particules, appelées mésons, qui sont composées d’un quark et d’un antiquark. C’est ce que nous a appris la spectroscopie subnucléaire depuis les années soixante.

Les expériences sur les collisionneurs de haute énergie nous ont appris bien plus. Auprès du collisionneur HERA, situé à Hambourg, des protons sont sondés par l’équivalent d’un microscope électronique géant (figure 1), lors de collisions électron-proton. Ces collisions ont montré que les quarks constituants du proton interagissent entre eux, ce qui est à l’origine d’une certaine densité de gluons. La mesure de la diffusion des électrons sur les protons a permis de connaître avec une bonne précision la répartition des quantités de mouvement des gluons dans le proton.
 
Le proton : un coeur dur sous une peau douce

Figure 1 : Le détecteur H1 à Hambourg. Une partie du calorimètre a été construite et installée par les équipes du Dapnia (maintenant Irfu) de 1988 à 1991.

 

Jusqu’à présent aucune expérience n’avait réussi à remonter à la répartition spatiale des gluons dans le proton, c’est-à-dire à faire de la « photographie quantique » à l’échelle du fermi. Travaillant sur les données de l’expérience H1 installée auprès du collisionneur HERA, un physicien de l’Irfu/SPP et un physicien du CPPM (Marseille) ont produit la première mesure de cette répartition spatiale des gluons dans le proton [1].
 
La méthode utilisée pour cette mesure repose sur l’analyse d’une catégorie très spéciale de réactions diffractives électron-proton appelées DVCS, pour « diffusion Compton profondément virtuelle ». Schématiquement, une réaction est dite diffractive lorsque le proton qui participe à l’interaction de très haute énergie, produisant un certain nombre de particules, ressort tout de même « intact » après la collision. Même dans le monde quantique, c’est un phénomène assez rare ! Lors d’un processus DVCS, un photon est produit pendant la collision et l’état final est donc constitué d’un électron, d’un proton et d’un photon. Les processus mis en jeu pour cette mesure ont un taux de production un million de fois plus petit que le taux des réactions standard mesurées dans H1. C’est donc un véritable défi expérimental que de les isoler, puis de les étudier en tant que tels [1-3].
 

 

Le résultat obtenu avec ces réactions montre que les gluons dans le proton se répartissent sur sphère de rayon 0,65 ± 0,02 fermi, à comparer à un rayon total du proton de 0,80 fermi (figure 2).
 
Cette section de 0,65 fermi caractérise le « cœur dur » du proton, celui qui est à l’origine des réactions produisant par exemple des particules de grande impulsion. La zone comprise entre 0,65 fermi et 0,80 fermi représente approximativement la couronne externe, dite « soft », du proton, à l’origine des réactions qui domineront le taux global de collisions proton-proton au LHC.
 
Le proton : un coeur dur sous une peau douce

Figure 2 : Vue schématique du proton.

 

La connaissance du cœur du proton est bien évidemment importante pour la compréhension des collisions au LHC. Il y aura des collisions centrales, « cœur dur » contre « cœur dur », et des collisions périphériques, mettant en jeu les couronnes externes. La récente mesure de H1 aura donc un impact direct dans les simulations réalisées au LHC, qui entrera bientôt en service.
 
 
Contact SPP : Laurent SCHOEFFEL
 
 
[1] H1 collaboration, Phys.Lett.B659:796-806, 2008.
[2] H1 collaboration, Eur.Phys.J.C44:1-11, 2005.
[3] H1 collaboration, Phys.Lett.B517:47-58, 2001.
 
#2355 - Màj : 12/02/2008

 

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