Collision "candidate" pour signer la présence d’un boson de Higgs. Il faudra cependant encore analyser de nombreux événements pour pouvoir le confimer. (détecteur Atlas, déc. 2011) ©ATLAS/CERN
Les expériences Atlas et CMS du LHC ont présenté le 13 décembre au Cern, à Genève, l’avancement de leur recherche du boson de Higgs du Modèle standard de la physique des particules. Leurs résultats s’appuient sur l’analyse d’un volume de données beaucoup plus grand que les résultats présentés lors des conférences d’été. Cette accumulation de données permet de marquer un progrès sensible dans la quête du boson de Higgs, mais ne suffit pas pour trancher sur l’existence ou la non-existence de cette insaisissable particule.
La principale conclusion est que, si le boson de Higgs du Modèle standard existe, le plus probable est que sa masse est circonscrite par l’expérience Atlas dans le créneau 116-130 GeV et par l’expérience CMS dans le créneau 115-127 GeV. Les deux collaborations ont trouvé des indices prometteurs dans cette gamme de masses, mais ceux-ci ne sont pas encore assez solides pour qu’il soit possible de parler de découverte. Les équipes du CNRS/IN2P3 et du CEA/Irfu ont joué un rôle de premier plan dans ces analyses.
Le Modèle standard est la théorie que les physiciens des particules utilisent pour décrire le comportement des particules fondamentales et les forces qui s’exercent entre elles. Il rend remarquablement bien compte de la matière ordinaire qui nous constitue et qui constitue tout ce qui est visible dans l’Univers. Néanmoins, le Modèle standard ne propose pas de description des 96% de l’Univers qui sont invisibles.
L’un des principaux objectifs du programme de recherche du LHC est d’aller au-delà du Modèle standard, et le boson de Higgs pourrait être la clé de cette recherche.
Les bosons de Higgs, s’ils existent, ont une durée de vie très brève et peuvent se désintégrer selon des voies très diverses. Leur découverte éventuelle repose sur l’observation des particules produites par leur désintégration plutôt que sur l’observation directe du Higgs. Atlas et CMS ont analysé plusieurs voies de désintégration, et les deux expériences décèlent de légers excédents dans la région des faibles masses qui n’a pas encore été exclue.
Pris isolément, aucun des excédents observés par les expériences Atlas et CMS ne sont plus significatifs du point de vue statistique que deux jets de dé produisant deux six consécutifs. L’intéressant est que plusieurs mesures indépendantes semblent désigner la région comprise entre 124 et 126 GeV. Il est beaucoup trop tôt pour dire si Atlas et CMS ont découvert le boson de Higgs, mais ces résultats actualisés suscitent un vif intérêt au sein de la communauté de la physique des particules.
« Nous avons circonscrit la gamme de masse la plus probable pour le boson de Higgs dans un créneau de 116-130 GeV, et, ces dernières semaines, nous avons commencé à observer un singulier excédent d’événements autour de 125 GeV, explique Fabiola Gianotti, porte-parole de la collaboration Atlas. Cet excédent pourrait s’expliquer par une fluctuation, mais il pourrait aussi s’agir de quelque chose de plus intéressant. Nous ne pouvons tirer aucune conclusion pour l’instant. Nous avons besoin de plus d’études et de plus de données. Compte tenu de l’excellente performance du LHC cette année, nous n’aurons certainement pas besoin d’attendre longtemps pour obtenir suffisamment de données et nous pouvons espérer résoudre l’énigme en 2012. »
« Nous ne pouvons pas exclure la présence du Higgs du Modèle standard entre 115 et 127 GeV, déclare Guido Tonelli, porte-parole de la collaboration CMS, en raison d’un modeste excédent d’événements dans cette région de masse qui s’est manifesté, de façon assez cohérente, dans cinq voies indépendantes. Cet excédent est compatible avec la présence d’un Higgs du Modèle standard dans le voisinage de 124 GeV ou au-dessous, mais la signifiance statistique n’est pas suffisante pour permettre de conclure. À ce stade, ce que nous voyons correspond soit à une fluctuation du bruit de fond, soit à la présence du boson. Des analyses plus fines et les données supplémentaires que nous fournira cette magnifique machine en 2012 nous donneront assurément la réponse. »
Les équipes françaises Atlas et CMS (à Annecy, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Marseille,Orsay, Palaiseau, Paris, Saclay et Strasbourg) du CNRS/IN2P3 et du CEA/Irfu sont très fortement engagées dans le programme de physique du LHC et certaines se sont retrouvées en première ligne dans la recherche du boson Higgs. D’autres analyses, sur des études de précision du Modèle standard ou sur la recherche de nouvelle physique restent aussi des objectifs de premier plan, susceptibles de fournir des résultats très intéressants, au fur et à mesure que le stock d’évènements enregistrés s’accroît.
Aux cours des prochains mois, les deux expériences affineront leurs analyses pour pouvoir les présenter aux conférences de physique des particules qui se tiendront au mois de mars. Cependant, pour pouvoir trancher sur l’existence ou la non-existence du Higgs, davantage de données seront nécessaires et il nous faudra probablement attendre encore quelques mois de plus.
La présence d’un boson de Higgs du Modèle standard confirmerait une théorie qui a été avancée pour la première fois dans les années 1960. Cependant, le boson de Higgs pourrait se présenter sous d’autres formes, renvoyant à des théories au-delà du Modèle standard. Un Higgs du Modèle standard pourrait quand même nous conduire à une nouvelle physique par des subtilités de son comportement qui n’apparaîtraient qu’après l’étude d’un grand nombre de désintégrations. Un Higgs hors Modèle standard, que les collaborations LHC ne peuvent espérer déceler à partir des données enregistrées jusqu’ici, nous ferait accéder immédiatement à une nouvelle physique. Quant à l’absence d’un Higgs du Modèle standard, elle nous orienterait résolument vers une nouvelle physique à la pleine énergie nominale du LHC, qui devrait être atteinte après 2014. Quelles que soient les conclusions des collaborations ATLAS et CMS sur l’existence du boson de Higgs du Modèle standard, au cours des prochains mois, une chose est sûre : le programme LHC ouvre la voie à une nouvelle physique.
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