Vue du détecteur Super-Kamiokande, qui avait déjà été utilisé pour étudier les neutrinos "naturels" provenant du soleil et ceux produits par les rayons cosmiques dans la haute atmosphère. En bas de l’image, une équipe inspecte le détecteur pendant qu’il est encore vide. Crédit : Kamioka Observatory, ICRR, Université de Tokyo.
L’expérience T2K au Japon, à laquelle participent des physiciens de l’Irfu, vient de montrer qu’il existerait une symétrie de comportement entre le neutrino muon et le neutrino tau, deux des trois formes sous lesquelles les neutrinos peuvent exister successivement.
L’expérience T2K au Japon étudie le mécanisme d’oscillation quantique de
neutrinos, ces particules élémentaires qui existent sous trois formes ou saveurs :
électron, muon et tau. Il est possible de produire un neutrino d'une saveur et de
le détecter un peu plus loin sous une autre forme. L'ensemble de ces
transformations est régi par plusieurs angles, appelés encore angles de mélange.
Après avoir mesuré, pour la première fois en 2011, l’angle lié à l’apparition de
neutrinos électron à partir de neutrinos muon, T2K s’est attelé à la mesure de
l’angle reliant les neutrinos muon et tau (θ23). Depuis plusieurs années, les
théoriciens s'intéressent de près à ce paramètre très proche de la valeur de 45°,
dite de mélange maximal, qui suggère l'existence d'une symétrie entre le
neutrino muon et le neutrino tau. T2K vient d’effectuer la mesure de cet angle la
plus précise à ce jour, en confirmant sa valeur de 45°. Ce résultat a été obtenu
avec seulement 4% de la statistique qui sera accumulée à la fin de l’expérience.
T2K va donc encore améliorer la sensibilité de cette mesure et pourra enregistrer
d’éventuelles déviations de faible amplitude par rapport à la valeur de 45°. Il
appartient maintenant aux théoriciens de faire le meilleur usage possible de cette
valeur dans de nouveaux modèles de physique !
Le principe de l’expérience T2K, dont le nom signifie « de Tokai à Kamiokande », est d’étudier les oscillations des neutrinos sur une distance de 295 km, entre le site de Tokai et le détecteur Super-Kamiokande. A Tokai, les neutrinos muoniques sont produits grâce à l’accélérateur de protons de JPARC situé sur la côte est du Japon. A Kamiokande, le détecteur Super-Kamiokande, constitué d'une cuve d’eau cylindrique de 40 mètres de diamètre et 40 mètres de hauteur enfouie 1000 mètres sous terre, observe les neutrinos partis une milliseconde plus tôt de Tokai et détecte tout changement de nature. C’est ainsi qu’en 2011, l’expérience T2K, en observant l’apparition de neutrinos électroniques, a fourni la première indication que l’angle de mélange θ13, dont la valeur était jusqu’alors inconnue, possède une valeur non nulle, autour de 9°.
Observation de la disparition des neutrinos muoniques dans le détecteur Super-Kamiokande. La figure montre le spectre en énergie mesuré des neutrinos muoniques (points en noir) comparé aux prédictions théoriques en l’absence (courbe bleue) et la présence (courbe rouge) d’oscillation de neutrinos. Les données sont en très bon accord avec l’hypothèse d’un angle de
mélange maximal ayant pour conséquence la disparition presque totale des neutrinos muoniques.
Cette fois-ci, T2K a étudié un autre angle de mélange, appelé θ23. Depuis plusieurs années, les théoriciens s'intéressent en effet de près à ce paramètre qui est très proche de la valeur de 45°, dite de mélange maximal et qui suggère l'existence d'une symétrie entre le neutrino muon et le neutrino tau. A l’heure actuelle, aucune théorie n'est capable de prédire les paramètres de la matrice de mélange PMNS des neutrinos ni ceux de la matrice de mélange CKM des quarks. Toute indication expérimentale d'un ordre caché est donc précieuse et peut mettre la théorie sur la bonne piste.
La mesure de θ23 fournie par T2K, la plus précise à ce jour, a été obtenue avec 58 événements mesurés à Super-Kamiokande. La disparition des neutrinos muons est presque totale (voir figure). Cela montre que cet angle est compatible avec la valeur de mélange maximal. Cette mesure a été obtenue avec un échantillon de mesures qui représente seulement 4 % des données qui seront récoltées au total par l’expérience. T2K pourra donc améliorer considérablement cette mesure et être sensible à des déviations de quelques % seulement de la valeur de 45°.
Il appartient maintenant à nos collègues théoriciens de réfléchir à comment utiliser au mieux la mesure de ces angles dans le cadre d'un nouveau modèle prédictif.
Contacts : Marco Zito, Edoardo Mazzucato (Irfu)
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Physique des neutrinos
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)
• T2K