Une collaboration internationale, impliquant le Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu, est parvenue à déterminer, à partir des techniques d’astérosismologie, que jusqu'à 65% des étoiles plus massives que le Soleil (entre 1.6 et 2 masses solaires) possèdent un champ magnétique interne très élevé. Jusqu'ici seulement 5 à 10% de ces étoiles étaient soupconnées avoir un champ magnétique pouvant atteindre jusqu'à 10 milions de fois celui de la Terre. Cette découverte inattendue démontre l'importance d'un effet "dynamo" capable de maintenir des champs intenses à l'intérieur des étoiles. Ces résultats, obtenus grâce aux données du satellite Kepler [1], sont publiés dans la revue Nature du 21 janvier 2016.
En utilisant les données du satellite Kepler de la NASA, un équipe internationale de chercheurs a pu étudier environ 13,000 étoiles géantes rouges grâce à la technique de l'astérosismologie, la mesure de vibrations à l'intérieur et à la surface des étoiles. Les géantes rouges sont des étoiles plus âgées et plus grosses que notre Soleil pour lesquelles il est possible de mesurer des vibrations sismiques se propageant jusqu'à leur cœur.
Des résultats récemment publiés sur un petit échantillon de géantes rouges avaient déjà démontré que de forts champs magnétiques peuvent perturber la propagation des ondes de gravité, qui restent alors piégées dans les couches internes de l’étoile selon un phénomène d’« effet de serre magnétique ». C'est en mesurant l’amplitude des modes d’oscillations dipolaires, que les chercheurs ont pu constater que dans un grand nombre d’étoiles, environ 65%, ces modes étaient supprimés, impliquant l’existence des grands champs magnétiques internes.
Fraction des étoiles montrant un fort champ magnétique selon leur masse (en masse solaire Mo). La proportion augmente avec la masse pour atteindre une fraction de 60% pour les étoiles entre 1,8 et 2,0 Mo. L'encadré montre le nombre total d'étoiles observées (barres bleues) et le nombre d'étoiles avec un fort champ magnétique interne (barres vertes) .
« Ce résultat était complètement inattendu » explique Rafael García du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM « Jusqu'à présent, uniquement un faible nombre d’étoiles avec des masses inferieures à 2 masses solaires avaient des grands champs magnétiques mesurés. Ces grands champs magnétiques étaient complètement inaperçus aux yeux des chercheurs parce qu’ils étaient cachés dans le cœur le plus profond des étoiles.»
La distribution de ces champs selon la masse de l'étoile montre qu’ils sont probablement le résultat des champs magnétiques de type dynamo développés dans le cœur convective des étoiles au delà de 1.2 masses solaires.
« C’est très excitant » explique Rafael García « parce que les phénomènes magnétiques vont modifier les propriétés des intérieurs des étoiles et nous les avons négligés jusqu'à présent dans les modèles actuels de structure et d'évolution stellaire».
Les étoiles de masse inférieure à 1,1 Mo, ne développent pas de champs magnétiques importants au coeur. Seules les étoiles de masses supérieures à 1,1 Mo, pour lesquelles un coeur convectif se développe, le champ magnétique est suffisamment important pour être détecté. Pour les étoiles entre 1,6 et 2,0 masses solaires, de 50 et 65% des étoiles étudiées montrent la signature de champs magnétiques intenses au centre. Cette découverte implique que pour ces étoiles, le champ magnétique est très vraisemblablement d'origine dynamo. Crédits Sydney University
Cette découverte majeure, qui affecte plus de la moitié des étoiles dans cette gamme de masses, a des implications encore non évaluées. Les résultats vont permettre aux scientifiques de tester plus directement leurs théories sur la façon dont les champs magnétiques se forment et évoluent à l'intérieur des étoiles - un processus connu sous le nom d'effet dynamo. Cela pourrait mener à une meilleure compréhension générale des dynamos magnétiques, y compris le contrôle de la dynamo magnétique responsable du cycle de 22 ans du Soleil, qui est connu pour affecter les systèmes de communication et de la couverture nuageuse sur Terre.
Contact: Rafael GARCIA
Publication: « A prevalence of dynamo-generated magnetic fields in the cores of intermediate-mass stars », Dennis Stello, Matteo Cantiello, Jim Fuller, Daniel Huber, Rafael A. García, Timothy R. Bedding, Lars Bildsten & Victor Silva Aguirre,
publié dans la revue Nature du 21 Janvier 2016
Version électronique : PDF File : (http://arxiv.org/abs/1601.00004)
Notes :
[1] Le satellite Kepler de la NASA, mis en orbite en mars 2009, est destiné à la recherche des planètes autour des étoiles. Il peut mesurer des variations infimes de luminosité et permet ainsi de détecter les vibrations des étoiles.
Voir : Le communiqué de presse de l'Université de Sydney (21 Janvier 2016, en anglais)
L'actualité du CNES (Centre National d'Etudes Spatiales) (21 Janvier 2016)
Voir aussi :
- Le coeur magnétique des géantes rouges (23 octobre 2015)
- Cycle magnétique et grand minimum d'activité (29 septembre 2015)
- Les variations du cycle solaire décodées par l'héliosismologie (17 juin 2015)
- Les étoiles tournent moins vite avec l'âge (01 janvier 2015)
- Les jumeaux du Soleil (09 juillet 2014)
- Le coeur des étoiles géantes révèle leur source d'énergie (30 mars 2011)
- Astérosismologie et activité magnétique (26 août 2010)
- Tremblements stellaires (01 mars 2010)
Voir : Communication du Service d'Astrophysique
Rédaction : Rafael Garcia, Jean-Marc Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
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