Les étoiles ne jouent pas aux dés ! C'est l'extraordinaire découverte qu'on fait les chercheurs du Département d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu en parvenant à déterminer l'orientation dans l'espace de l'axe de rotation d'étoiles appartenant à deux amas d'étoiles grâce à l'astérosismologie. Environ 70 % des étoiles observées ont des axes de rotation parfaitement alignés, en contradiction formelle avec les modèles de formation d'étoiles qui prédisent au contraire que ces axes de rotation devraient être distribués totalement aléatoirement. Des simulations numériques ont permis de montrer que, très probablement, ces étoiles avaient réussi à conserver le mouvement de rotation initiale du nuage qui a donné naissance à l'amas. Cette découverte, si elle est confirmée dans d'autres amas, pourrait amener à reconsidérer les processus fondamentaux de la formation des étoiles. Ces travaux font la une de la revue Nature Astronomy du 13 mars 2017.
Voir l'interview : Le mystère de l'alignement de l'axe de rotation des étoiles
Avec l'avènement de la photométrie spatiale de haute précision, l'astérosismologie a démontré sa capacité à sonder les intérieurs stellaires et à déterminer les paramètres fondamentaux des étoiles telles que la masse, la densité interne ou l'orientation dans l'espace. L’équipe de chercheurs a choisi d'analyser ces très faibles variations de luminosité qui traduisent des oscillations de la structure des étoiles et permettent de remonter à ces paramètres. Ils ont choisi d'analyser un échantillon d'une cinquante d'étoiles géantes rouges, de masse comprise entre 1 à 2 masses solaires, appartenant à deux vastes amas d'étoiles relativement anciens de la Voie Lactée, l'amas NGC 6791, âgé de 8 milliards d’années, et l'ams NGC 6819, âgé de 2 milliards d’années. Ces amas regroupent des étoiles qui sont nées de l'effondrement d'un même vaste nuage de gaz et de poussières. Les données ont été obtenues pendant 4 ans en continu par le satellite Kepler de la NASA et ont rendu possible l'analyse de milliers de modes d'oscillation qui ont permis de déterminer avec précision l'orientation de l'axe de rotation des étoiles dans ces amas.
Voir la vidéo : les modes d'oscillations et l'axe de rotation
Voir l'interview : Les explications par Rafael Garcia
Le résultat a été surprenant car presque toutes les étoiles (environ 70 %) présentent des axes de rotation fortement alignés les uns par rapport aux autres et qui pointent vers une direction commune dans le ciel. Comme le souligne le premier auteur Enrico Corsaro : « C’était totalement inattendu car normalement la turbulence générée par les mouvements désordonnés du gaz dans les amas aurait dû produire des axes distribués aléatoirement ». Compte tenu de la morphologie des amas d’étoiles et des distances importantes séparant les étoiles dans un amas ouvert, les scientifiques ont conclu que ce fort alignement des axes de rotation ne peut être dû à des interactions de marées et a nécessairement eu lieu à l'époque de la formation des amas, il y a des milliards d'années.
Grâce à des simulations hydrodynamiques numériques en 3D, les astrophysiciens ont pu reproduire différentes conditions ayant présidé à la formation des étoiles, en variant la quantité d‘énergie liée à la rotation initiale du proto-amas par rapport à celle associée aux turbulences. Ils ont pu déterminer avec ces simulations que les axes des étoiles s’alignent efficacement lorsque au moins 50 % du bilan d’énergie total des proto-amas sont associés à la rotation. Cela montre que les propriétés de la rotation du nuage moléculaire (notamment sa vitesse angulaire globale) ont été efficacement transférées vers les étoiles individuelles se formant à l'intérieur du nuage. En outre, seules les étoiles dont la masse est suffisamment importante (d’au moins 0,7 masse solaire) peuvent hériter de ces propriétés. Par conséquent, les étoiles moins massives ne possèdent pas cet alignement observé des axes de rotation, car leur processus de formation a été en grande partie dominé par des turbulences qui ont brouillé ce mouvement angulaire.
Voir la vidéo : l'effondrement d'un proto-amas avec rotation
Voir l'interview : Les explications par Patrick Hennebelle
Rafael García, astrophysicien au CEA, résume : « Nous avons maintenant de nouvelles règles du jeu. L'étude du noyau profond des géantes rouges lointaines permet d’éclairer les conditions primordiales de la formation d'étoiles dans des amas stellaires âgés de 8 milliards d'années, quand l'Univers était encore très jeune. »
A l’avenir, les observations effectuées par la future mission M3 PLATO (PLAnetary Transits and Oscillations of stars- Transits Planétaires et Oscillations des Etoiles) de l’Agence spatiale européenne ESA permettront de confirmer et d'étendre ces analyses à de nombreux autres amas stellaires de notre galaxie.
Contact : Enrico Corsaro, Rafael Garcia
Publication :
"Spin alignment of stars in old open clusters"
Enrico Corsaro, Yueh-Ning Lee, Rafael A. Garcia, Patrick Hennebelle, Savita Mathur, Paul G. Beck, Stephane Mathis, Dennis Stello & Jérôme Bouvier
Nature Astronomy, le 13 mars 2017.
pour une version électronique : Corsaro2017_NatureAstronomy.pdf
Voir : le communiqué de presse du CEA/CNRS
Voir aussi : Les étoiles vieillissantes remises à l'heure (04 janvier 2016)
De forts champs magnétiques présents dans les étoiles de masses intermédiaires (19 janvier 2016)
Rédaction E. Corsaro, R. Garcia, J.M. Bonnet-Bidaud
• Structure et évolution de l'Univers › Planètes, formation et dynamique des étoiles, milieu interstellaire
• Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'Univers (Irfu) • Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
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