Les collaborations Atlas et CMS, auxquelles participent des équipes du CEA/Irfu et du CNRS/IN2P3, ont annoncé le 4 juin 2018 à la conférence LHCP l’observation directe du couplage du quark top au boson de Higgs. Etudier l'interaction entre le boson de Higgs et la particule élémentaire la plus lourde que l'on connaisse, le quark top, est une voie de recherche des effets de la nouvelle physique, qui doit prendre le relai du modèle standard.
Les résultats des analyses, orchestrées par des physiciens de l’Irfu/DPhP , ont conduit à l’observation de ce processus rare et sont en accord avec les prédictions du modèle standard. Ces prochaines années, les deux expériences collecteront bien plus de données et amélioreront la précision de leurs mesures, ce qui pourrait permettre de mettre à jour une déviation par rapport à la prédiction du modèle standard.
article CMS: https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.120.231801
article Atlas soumis à publication, lien arXiv :https://arxiv.org/abs/1806.00425
Comme expliqué dans le fait marquant précédent (nov 2017), la mesure du couplage des deux poids lourds du modèle standard, le boson de Higgs et le quark top, est un test important du modèle standard. Il s’agit de mesurer le taux de production de bosons de Higgs en association avec une paire de quarks top et antitop (ttH), un processus rare dont l’observation nécessite un lot important de données et des analyses minutieuses.
La méthode pour savoir si la production (ttH) existe, est de comparer la mesure (observée ou simulée) à une prédiction où celle-ci n'existerait pas (pas de signal). L'écart observé est sujet à des fluctuations statistiques qui se mesurent en nombre de sigma (σ). Pour parler de découverte et confirmer une mesure, il faut "un signal à 5 sigmas", qui signifie qu'il n’y a qu’une chance sur 1,7 million que l'écart soit dû à une fluctuation statistique. C’est la limite qu’ont retenue les scientifiques entre la simple «fluctuation statistique» et le «signal significatif».
Les analyses d'ATLAS et CMS décrites ici, faites sur les données enregistrées au run 1 (2010-2012, à 7 et 8 TeV d’énergie de collisions proton-proton) et au run 2 (depuis 2015 à 13 TeV ) ne portent pas sur les mêmes quantités de données et ne sont donc pas directement comparables. En revanche, les deux analyses Atlas et CMS consacrent, encore une fois, le modèle standard.
Valeurs obtenues sur les données du paramètre mu_ttH (taux de production ttH observé rapporté au taux attendu dans le cadre du modèle standard), avec les incertitudes à 1 et 2 sigmas, pour les canaux de désintégration utilisés ainsi que pour la combinaison des résultats de l'expérience CMS. La valeur attendue dans le modèle standard, 1, est représentée par la ligne verticale pointillée.
La combinaison des résultats du run 1 à 7 et 8 Tev (environ 25 fb-1) et des données de 2015 et 2016 du run 2 (environ 36 fb-1) a permis d'observer la présence d'événements ttH avec une signification statistique de 5.2 écarts standards (5.2σ), au-delà du seuil de 5 écarts standards traditionnellement requis pour prétendre à une découverte.
Ce résultat combine plusieurs recherches indépendantes de production de boson de Higgs associé à une paire de quarks top-antitop déjà rendues publiques auparavant : les recherches avec un boson de Higgs se désintégrant en paire de bosons W ou Z, de leptons τ, de quarks b ou encore en paire de photons.
Le groupe CMS de l'Irfu/DPHP a été l’auteur en particulier de la mesure réalisée dans le canal de désintégration en deux photons. Sur la figure ci-contre sont représentées les incertitudes statistiques et systématiques de chaque mesure, montrant que le canal diphoton (γγ), largement dominé par les incertitudes statistiques, bénéficiera grandement de l’ajout de nouvelles données et sera in fine le plus sensible pour la mesure de ce couplage.
Les données du run 2 de 2017 sont en cours d ‘analyse à l’Irfu dans ce canal diphoton, les équipes espérant fournir des résultats avec une sensibilité encore accrue très prochainement (prochaine conférence d'été).
Les résultats de novembre 2017 (données 2015 et 2016) (cf le fait marquant), qui combinent les désintégrations du boson de Higgs en paire de quarks b, W+W-, ττ, γγ et ZZ, ont été améliorés par l'ajout des données de 2017 à l'analyse γγ , ainsi qu'une utilisation plus sophistiquée de méthodes multivariées de type machine learning appliquée à cette même analyse.
La figure ci-contre montre la distribution en masse invariante γγ pour les événements sélectionnés dans l’analyse ttH, le pic correspondant à la masse du boson de Higgs se détachant sur le bruit de fond.
La signification statistique observée avec les données du run 2 est de 5,8 σ. En combinant les analyses à 13 TeV (run 2) avec celles à 7 et 8 TeV (run 1), la signification statistique est de 6,3 σ.
Si l’on suppose que les probabilités de désintégration du boson de Higgs dans les différents canaux sont conformes au modèle standard, la section efficace totale de production de ttH à 13 TeV est mesurée
à 670 ± 90 (stat.) + 110-100 (syst.) fb, en accord avec la prédiction du modèle standard de 507 +35-50 fb.
Contacts Irfu/DPhP: Julie Malclès (CMS), Henri Bachacou (Atlas)
en savoir plus:
communiqué de presse du CERN du 4 juin 2018
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