Les protons et les neutrons sont constitués de quarks ainsi que de gluons qui créent l'interaction entre les quarks. Le fait que le spin des quarks ne contribue qu'à une petite fraction du spin du nucléon est apparu dans les années 1990 comme une grande surprise. Pour tenter d'expliquer ce résultat la collaboration Compass se propose de mesurer la contribution du spin des gluons au spin du nucléon. La voie choisie est la mise en évidence de la production d'un méson charmé D0 qui signera l'interaction de la sonde avec un gluon. Cette réaction ayant une probabilité très faible pour un bruit de fond très élevé, il a été nécessaire de construire un spectromètre à haute résolution et supportant les hauts flux de particules. Les données acquises en 2002 au cours d'une campagne de mesure de deux mois ont permis de mettre en évidence le phénomène recherché. Cette étape importante constitue le premier pas nécessaire pour la mesure de la contribution des gluons au spin du nucléon.
Figure a: le photon polarisé sonde les constituants du proton : quarks et gluons. La fusion photon-gluon produit une paire de quark-antiquark charmés, qui donnent naissance à des mésons charmés D0. On détecte les produits de désintégration du D0 : un K et un π.
Les protons et les neutrons sont constitués de quarks ainsi que de gluons qui véhiculent l'interaction entre les quarks. Dans l'interprétation la plus simple, on s'attend à ce que le spin (qui caractérise la rotation propre de la particule) du nucléon soit simplement la somme des spins des quarks. Or une série d'expériences (au Cern et au Slac) a montré que ce n'était pas le cas. Pour tenter d'expliquer ce résultat Compass va mesurer la contribution du spin des gluons au spin du nucléon. Pour cela on utilise le photon émis par un muon de très haute énergie. Comme les gluons sont électriquement neutres, ils interagissent avec ce photon par production d'une paire quark-antiquark. Ce processus (fusion d'un photon et d'un gluon en une paire quark-antiquark) peut s'observer sans ambiguïté en détectant la production des mésons charmés D0 (figure a).
Cependant sa probabilité est faible. Son observation nécessite par conséquent de réaliser un grand nombre d'interactions. Ceci conduit, entre autres, à utiliser une cible épaisse, ce qui empêche de distinguer expérimentalement le lieu (vertex) de production du D0 de celui de sa désintégration en deux corps, un kaon (noté K) et un pion (noté π), car les deux vertex ne sont séparés que d'environ 1 mm. La solution de Compass est d'observer le pic de masse du D0 dans le canal de désintégration en K π. Cette mesure est rendue difficile par le bruit de fond élevé provenant du très grand nombre de π et K produits par tous les autre processus. La réduction du bruit de fond est l'un des défis de Compass. Une astuce consistant à utiliser la production de D*, un « parent chargé » du D0 a donc été mise en oeuvre dans l'analyse d'une première fraction des données acquises en 2002. Grâce à cette sélection judicieuse des événements, le pic du D0 apparaît de manière non ambiguë (figure b).
Figure b : Distribution du nombre d'événements en fonction de la masse reconstruite de la paire K π. Le pic correspondant à la production du méson charmé D0 (317 événements) au dessus du bruit de fond de production incohérente de paires K π a pu être mis en évidence grâce à la bonne résolution du spectromètre Compass.
L'étape suivante va être de déterminer le nombre de D0 en fonction de l'orientation du spin du nucléon. Deux conditions vont s'imposer pour réussir : d'une part disposer d'une plus grande quantité de données, et d'autre part améliorer l'efficacité de détection. Pour obtenir le signal ci-dessus il a fallu lire environ 100 téraoctets de données, soit la capacité d'environ 1000 disques durs d'ordinateur ! L'équipe du Service de physique nucléaire du Dapnia qui comprend une dizaine de physiciens joue un rôle moteur dans plusieurs volets de l'expérience. Elle a mis en oeuvre un système de détection de haute précision basée d'une part sur les détecteurs Micromégas et d'autre part sur de grandes chambres à dérive (cf. fait marquant du 16/09/2002). Rappelons également que le Dapnia a construit le système d'aimants supraconducteurs de la cible polarisée. Enfin, l'analyse des données aboutissant à la mise en évidence du pic du D0 a été réalisée à Saclay.
Pour conclure, la mise en évidence du pic du D0 est une étape déterminante pour Compass et très prometteuse pour une future mesure de la contribution des gluons au spin du nucléon.
contact :
Fabienne Kunne
• Le Département de Physique Nucléaire (DPhN)
• Nucleon Structure Laboratory (LSN) - The internal structure of hadrons