Département de Physique Nucléaire

La vie n'est pas toujours symétrique. Nous sommes droitiers ou gauchers, le coeur se situe à gauche et le foie à droite. Il en va de même au niveau moléculaire. Certaines molécules (dite chirales) existent sous deux formes, appelées énantiomères, ayant la même composition atomique et différant seulement par leur configuration spatiale, image l'une de l'autre dans un miroir. Les acides aminés, monomères des protéines, présentent une telle particularité. Or, dans les organismes vivants, ces molécules n'existent que sous l'une des deux formes possibles : c'est l'homochiralité de la vie, dont l'origine, sans doute liée à l'origine même de la vie, reste un mystère. Comment le vivant a-t-il sélectionné la forme gauche des acides aminés ? Pourquoi la forme droite a-t-elle été éliminée alors même que la synthèse en laboratoire conduit à un mélange équilibré (racémique) des deux formes ? Ce processus de sélection est-il déterministe ?
Une des hypothèses est que cette dissymétrie serait apparue dans l'espace, dont seraient issues les briques élémentaires du vivant. Au cours de leur voyage jusqu'à la Terre, ces molécules aurait été exposées à un champ, lui-même chiral, la Lumière Polarisée Circulairement (CPL) dans l'UV lointain qui aurait induit une photochimie asymétrique. Afin de tester cette hypothèse, nous avons exposé un mélange racémique de leucine, à l'état solide, i.e. dans des conditions astrophysiques, au Rayonnement Synchrotron (RS) de la ligne SU5 du Lure (Orsay) en mode CPL. Après quelques dizaines d'heures d'irradiation, une photolyse énantio-sélective a permis d'induire un excès énantiomérique de plus de 2 %,¹ dont on sait qu'a posteriori, par des réactions auto-catalytiques, il peut être amplifié, jusqu'à 100 %, i.e. jusqu'à l'homochiralité observée. 
Les limitations de ces expériences et perspectives associées ouvertes sur la nouvelle ligne VUV DESIRS de Soleil seront discutées. Auparavant, on aura pris soin de faire une très large introduction sur le RS (production et mis en forme) et notamment sur le cas de SOLEIL.
¹U. Meierhenrich, L. Nahon, C. Alcaraz, J. Bredehöft, S. Hoffmann, B. Barbier, A. Brack, Angew. Chem. Int. Ed. 44, 5630 (2005).