Pulsations d’étoiles

Pulsations d’étoiles

Derniers résultats astérosismiques du satellite CoRoT

Les derniers résultats du satellite CoRoT sur les secousses sismiques à l’intérieur des étoiles, obtenus par plusieurs équipes internationales incluant des scientifiques du Service d’Astrophysique du CEA/IRFU, viennent d’être publiés. Tout comme l’héliosismologie étudie le coeur du Soleil, l’astérosismologie ou sismologie stellaire vise à de sonder celui des étoiles. Les « séismes stellaires» se manifestent par d’infimes variations de luminosité de l’étoile et la détection de ces modes de vibrations, très délicate depuis le sol, permet d’accéder à des informations sur la structure de l’étoile. Dans le cadre de la mission CoRoT [1], les scientifiques ont sélectionné un échantillon d’étoiles de classes différentes qui est régulièrement observé depuis 2006, date de lancement du satellite. La précision atteinte grâce au satellite CoRoT permet de mesurer désormais le rayon et la masse de certaines étoiles avec une précision de 1 à 5% et leur âge avec une précision de 5 à 20%. Ces résultats sont réunis dans un numéro spécial de la revue Astronomy and Astrophysics (octobre 2009).

L’astérosismologie, seul moyen de sonder l’intérieur des étoiles

L’astérosismologie, étude des oscillations des étoiles, permet de connaître les conditions physiques qui règnent à l’intérieur des astres. C’est le seul moyen que les astrophysiciens ont aujourd’hui à leur disposition pour percer les couches externes des étoiles et pouvoir sonder leur intérieur. Les informations obtenues permettent de contraindre les modèles numériques de la structure d’une étoile et de son évolution.
Les nombreux types d’étoiles pulsantes connus se répartissent sur l’ensemble de la repartition des étoiles selon leur luminosité et température (diagramme dit de Hertzsprung & Russel), recouvrant ainsi une grande variété de stades d’évolution et de masse. Parmi l’échantillon d’étoiles observées par CoRoT, les chercheurs du Service d’Astrophysique se sont intéressés particulièrement aux étoiles ayant des pulsations du même type que le Soleil ainsi qu’à d’autres types d’étoiles pulsantes baptisées Beta Cephéides, Delta Scuti et Gamma Doradus [2].

Le diagramme dit de Hertzsprung – Russel qui donne la position des étoiles en fonction de leur température de surface et de leur luminosité. Les grandes familles d’étoiles pulsantes sont indiquées avec leur type d’oscillations : les p-modes sont les modes sonores, les g-modes les ondes de gravité. Dans le cas des étoiles de type solaire, les oscillations sont excitées par la convection turbulente, tandis que dans les étoiles plus massives, c’est le κ mécanisme (un type d’instabilité thermique) qui est à l’oeuvre. (Crédit : J. Christensen-Dalsgaard)

CoRoT prend le pouls des étoiles

CoRoT est un télescope spatial dont le plan focal est formé d’une caméra grand champ équipée de 4 détecteurs électroniques dits CCDs. Depuis l’espace, il mesure avec une grande précision la luminosité des étoiles, sans être affecté par les perturbations dues à l’atmosphère. Le second avantage est qu’il permet également d’observer de manière continue les étoiles. Dans le cas de de l’étoile HD180642, de type Beta Cephéide, l’observation a ainsi couvert plus de 150 jours sans interruption, à l’exception de très courts intervalles dûs à la configuration du satellite. Pour une autre étoile de type Delta Scuti, HD50844, plus de 1000 fréquences de modes d’oscillation ont été mesurées tandis qu’à partir de la Terre seulement 27 fréquences avaient été détectées. Cette très nette amélioration conduit à explorer de manière plus appronfondie les propriétés de l’étoile comme sa rotation par exemple.

En haut: Exemple d’observations de l’étoile HD180642 sur une période de 40 jours obtenues par des télescopes au sol. Différents symboles représentent les différents observatoires. L’alternance jour/nuit impose des interruptions importantes et les observations en continu ne sont pas possibles. En bas : Détail de 9 jours d’observation par le satellite CoRoT, extrait d’une couverture totale de 150 jours en continu de l’étoile de type Beta Cepheide HD180642 (Degroote et al. 2009). L’étoile est observée presque sans interruption. Dans les 2 cas, l’échelle verticale représente la variation relative d’intensité.

Enfin, CoRoT observe également des étoiles de type solaire, qui ont des oscillations similaires à celles du Soleil. La qualité des mesures est telle qu’elle permet d’accéder aux fréquences des modes individuels, à la rotation de surface ainsi qu’à l’inclinaison de l’axe de rotation de l’étoile par rapport a la ligne de visée. L’introduction de ces contraintes sismiques dans les modèles permet d’obtenir des estimations des rayons et masses avec une précision d’1 à 5% et des âges avec une précision de 5 à 20%. Ces informations sont extrêmement importantes pour dater, par exemple, des systèmes planétaires et ainsi connaître leur état évolutif.

Mode d’oscillation non-radial d’une étoile de type solaire. Celui-ci induit une infime variation de luminosité de l’étoile que l’on observe grâce à la photométrie utilisée par CoRoT. Un ensemble de pics apparait entre 1 et 2 mHz, témoins des modes d’oscillation.

L’exploitation scientifique du projet CoRoT débute et a déjà prouvé le potentiel de la mission pour l’astérosismologie. La connaissance de l’intérieur des étoiles, des processus physiques dont ils sont le siège et de leur évolution va donc maintenant pouvoir s’étendre à tous les types d’étoiles.


Contact : R.A. García, S. Mathis

Publication :


le numéo spécial d’Astronomy & Astrophysics consacré aux résultats du satellite CoRoT

Publications avec contributions des scientifiques du CEA (R.A. García, S. Mathis, L. Piau, S. Turck-Chièze et K. Uytterhoeven), à paraître dans la revue Astronomy & Astrophysics, numéro spécial consacré à l’expérience CoRoT et à son exploitation scientifique :
* Solar-like oscillations with low amplitude in the CoRoT target HD 181906, 2009, García, Régulo, Samadi et al. A&A
* The CoRoT target HD175726: an active star with weak solar-like oscillations, 2009, Mosser, Michel, Appourchaux et al., A&A
* Solar-like oscillations in HD 181420: data analysis of 156 days of CoRoT data, 2009, Barban, Dehelvious, Baudin, et al., A&A
* Evidence for nonlinear resonant mode coupling in the Beta Cephei star HD 180642 (V1449 Aql) from CoRoT photometry, 2009, Degroote, Briquet, Catala, Uytterhoeven et al., A&A
* HD 51106 and HD 50747: an ellipsoidal binary and a triple system observed with CoRoT, 2009, Dolez, Vauclair, Michel, et al., A&A
* HD 172189: another step in furnishing one of the best laboratories known for asteroseismic studies, 2009, Creevey, Uytterhoeven, Martin-Ruiz, et al., A&A
* Ground-based observations of the beta Cephei CoRoT main target HD 180642: abundance analysis and mode identification, 2009, Briquet, Uytterhoeven, Morel, et al., A&A
* HD 50844: a new look at Delta Scuti stars from CoRoT space photometry, 2009, Poretti, Michel, Garrido, et al., A&A
* The B05.Ive CoRoT target HD 49330. II. Spectroscopic ground-based observations, 2009, Floquet, Hubert, Huat, et al., A&A
* Pulsations in the late-type Be star HD 50209 detected by CoRoT. I. Frequency analysis, 2009, Diago, Gutiérrez-Soto, Fabregat, et al., A&A
* Impact of the physical processes in the modeling of HD49933, 2009, Piau, Turck-Chièze, et al., A&A

voir aussi : « POURQUOI LA SISMOLOGIE ?« 

« Les mesures sismiques solaires« 


Note :

[1] Le satellite CoRoT (Convection, Rotation and planetary Transits) est une mission développée par le CNES en collaboration avec le programme scientifique de l’ESA, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, l’Allemagne et l’Espagne. Le satellite a été lancé en décembre 2006.

[2] Etoiles Beta-Cephéides : Etoiles de 7 à 20 masses solaires qui présentent des oscillations acoustiques radiales et non-radiales, maintenues par le mécanisme κ dû à un pic d’abondance du fer modifiant fortement l’opacité.
Delta Scuti : étoiles de 1.5 à 2.5 masses solaires parmi la population des étoiles pulsantes la plus connue et la plus nombreuse (la célèbre Altaïr fait partie de cette classe). Ce sont des étoiles dites « sous géantes » qui brûlent l’hydrogène de leur coeur ou dans une épaisse couche autour du coeur.
Gamma Doradus : ce sont des étoiles de 1 à 2 masses solaires très peu connues découvertes en 1999. Leurs oscillations (entre 0.5 à 3 jours) laissent supposer l’existence de modes de gravité, dont l’origine n’est pas encore comprise.


Rédaction : Rafael Garcia, Stéphane Mathis