24 mars 2010
Le satellite européen Planck achève son premier tour de ciel
Vers la carte haute résolution de la première lumière de l'Univers

Après son lancement le 14 mai 2009, le satellite Planck [1] observe en continu la voûte céleste et cartographie l'ensemble du ciel depuis le 13 août, pour obtenir la première image à très haute résolution de l'aube de l'Univers. Le satellite Planck vient de terminer son premier tour de ciel. Les premières images révèlent des détails insoupçonnés sur l'émission de gaz et de poussières dans notre propre galaxie. Des scientifiques du CEA-Irfu, au sein d'une large collaboration internationale, travaillent actuellement sur l'extraction et l'exploitation des catalogues d'objets détectés par Planck. Ces catalogues intermédiaires sont indispensables pour comprendre et soustraire les émissions parasites en avant plan de la lumière de fond de l'univers, trace fossile de ses premiers âges. Ils permettent également de mieux comprendre la formation des plus grandes structures de l'univers, les amas de galaxies. Les premiers catalogues devraient être publiés en janvier 2011. En revanche, les publications scientifiques définitives sur la première lumière de l'Univers ne devraient intervenir que vers la fin 2012.

 

Le satellite du froid

 

Le satellite Planck, projet de l'Agence Spatiale Européenne (ESA), est la première mission européenne destinée à étudier le « Fond Diffus Cosmologique Micro-onde (FDCM) », le rayonnement radio fossile de l'univers primordial. Ce rayonnement, aujourd'hui refroidi à la température moyenne d'environ 3 degrés au-dessus du zéro absolu, a été produit par l'échappement des photons lors de la formation des premiers atomes. Il s'agit en quelque sorte de la première photographie de l'univers dans laquelle sont gravés les détails de la structure initiale du cosmos. A la suite des missions antérieures COBE et WMAP, de premières cartes ont déjà été établies mais le satellite Planck a pour objectif de réaliser ces cartes avec une précision 10 fois meilleure. Pour cela, il emporte deux instruments qui observent ensemble le ciel sur neuf bandes de longueurs d'onde de 20 GHz à 1 THz. Cette gamme permet une meilleure détection du FDCM, mais aussi l'observation des objets astrophysiques situés en avant-plan.  L'instrument basse fréquence (LFI pour Low Frequency Instrument), est constitué d'antennes radio classiques optimisées. L'instrument haute fréquence (HFI), auquel a participé la communauté française, met lui en œuvre des détecteurs révolutionnaires: les bolomètres. Ces détecteurs mesurent directement l'énergie d'un rayonnement par l'élévation de température qu'il produit après le passage de celui-ci. Les plus sensibles d'entre eux, utilisés sur Planck, sont capables de détecter sur Terre le rayonnement produit par une bougie placée à la distance de la Lune ! Ces instruments placés au foyer d'un télescope de 1,5 m de diamètre, permettront de mesurer sur les cartes finales la température apparente du FDCM avec une précision de 5 microdegrés.

 

Les premières images

Planck est arrivé sur son orbite nominale, à 1,5 millions de kilomètres de la Terre (point de Lagrange L2), en juillet 2009, après un voyage de deux mois. La campagne d'observation, dite "de première lumière" a été réalisée du 13 août au 27 août 2009 et a fourni les premières images. Le satellite observe le ciel en parcourant des grands cercles, dont on décale le centre toutes les heures donc seule une fine bande de ciel est couverte à chaque rotation. « La première bande de ciel a déjà surpris tout le monde. On y voit déjà une quantité de détails impressionnants mais la partie la plus brillante de ces émissions est due aux objets d'avant-plan. Il faut maintenant soustraire ces avant-plans pour mesurer le rayonnement du fond diffus cosmologique » confie Dominique Yvon du Service de Physique des Particules du CEA-Irfu, responsable de l'optimisation de la précision des mesures sur le satellite, pour la partie électronique. Depuis cette date, le satellite a continué ses observations et a terminé son premier tour du ciel complet au 24 mars 2010. Les images de ce premier tour du ciel viennent d'être rendues partiellement publiques. On y distingue en particulier la complexité des nuages de poussières et de gaz le long du plan de notre galaxie.

 

Superposition des cartes du satellite Planck à deux longueurs d'onde (540 and 350 micrometres) et d'une image à la longueur d'onde de  100 micrometres du satellite IRAS(Infrared Astronomical Satellite) Les zones rouges correspondent aux régions les plus froides (environ 12 degrés au dessus du zéro absolu) et les blanches à une température de quelques dizaines de degrés. L'image montre les très fins détails de la poussière située jusqu'à environ 500 années-lumièree du Soleil. Crédit: ESA and the HFI Consortium, IRAS

Image de la même région fournie par Planck à la longueur d'onde de  350 micromètres. L'image couvre une large fraction du ciel de 55 degrés. La bande horizontale brillante représente le plan de notre Galaxie où est concentrée la majorité de la poussière et du gaz. Les couleurs  représentent l'intensité de l'émission des poussières. Dans ces régions, pour atteindre le faible flux fossile de l'univers, il faut soustraire avec une grande précision ces émissions "parasites" situées en avant-plan. Crédits: ESA and the HFI Consortium

 

Un faible éclat dans une mer de lumière

La partie la plus longue de la recherche commence maintenant. Pour arriver à extraire le très faible flux, témoin de l'univers primordial, il faut s'affranchir totalement de toutes les contributions lumineuses parasites. Les données de  Planck contiennent le fond cosmologique, mais aussi d'autres composantes liées à des émissions galactiques (poussière) ou intergalactiques (galaxies, amas...). Celles-ci sont également d'un grand intérêt. Chaque carte présentant un mélange des différentes composantes (fond diffus cosmologique, poussière galactique...), la difficulté consiste donc à retrouver les composantes « ciels » à partir des cartes. On appelle cette opération « séparation en composantes ».
« C'est un travail très long et rigoureux utilisant les méthodes les plus élaborées de traitement du signal»  explique Jean-Luc Starck, responsable du Laboratoire de Cosmologie et Statistiques au Service d'Astrophysique du CEA-Irfu qui participe actuellement à l'analyse des données « en utilisant une méthode basée sur la transformée en ondelettes [2], il devient possible de reconstruire le fond diffus. Le principe repose sur le fait que mélanger les composantes rend les images plus complexes mais  si on utilise un critère de séparation, on peut retrouver des composantes recherchées».  Les membres de l'Irfu travaillent sur ces algorithmes de traitement des cartes du ciel observées, ainsi que sur l'exploitation scientifique de la carte reconstruite du fond diffus cosmologique et sur l'extraction et l'exploitation du catalogue des amas de galaxie détectés par Planck.

 

 Les observations de Planck vont se poursuivre pendant probablement deux ans et demi, en fonction des réserves d'Hélium 3 et 4 utilisées pour le refroidissement. Les premières données concernant les observations d'avant-plan seront rendues publiques vers le début de l'année 2011. Mais pour connaître les données les plus précieuses concernant le fond diffus fossile et les paramètres d'évolution de l'Univers tant attendus, il faudra attendre pendant deux ans, jusqu'à la fin 2012, la publication des résultats définitifs.


 

Contacts : , , et

 

voir aussi :

- le communiqué de presse de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) (17 mars 2010, en anglais)

- le site grand public de Planck  (en français)

 

Notes :

[1] Le satellite PLANCK est le fruit d'une collaboration internationale à laquelle ont contribué différentes agences spatiales dont le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES). L'instrument HFI a été développé par un consortium conduit par l'Institut d'Astrophysisiqe Spatiale (IAS-CNRS) d'Orsay (France). L'instrument LFI a été développé par une collaboration dirigée par L'Istituto di Astrofisica Spaziale e Fisica cosmica (IASF) de Bologne (Italie). L'expérience réunit des centaines de scientifiques européens.

[2] Le traitement en ondelettes est une méthode de décomposition d'une image (ou plus généralement d'un signal), particulièrement adaptée dans le cas d'existence de discontinuités ou de phénomènes irréguliers. C'est, par exemple, le cas des contours dans le cas des images photographiques. La décomposition en ondelettes a été adoptée par exemple pour la décomposition et la compression des images réalisées dans le standard d'image JPEG2000 (pour « Joint Photographic Experts Group 2000»), abondamment utilisé.

 


Rédaction : Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Dominique Yvon

 
#2788 - Màj : 03/05/2010

 

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