Depuis que le modèle standard de la physique des particules est confronté à l'expérience, rien n'a pu encore le faire vaciller. De toutes les particules qu'il décrit, seul le boson de Higgs n'a pas encore été découvert. Mais le modèle standard n'est vraisemblablement pas la théorie ultime : il n'intègre pas la gravitation et de nombreuses observations expérimentales restent inexpliquées.
Une nouvelle invariance, appelée supersymétrie, a été proposée dans les années 1970. Elle associe entre elles des particules ayant des spins différents (bosons de spin entier et fermions de spin demi-entier). Il est possible de construire des extensions supersymétriques du modèle standard qui viennent résoudre de façon élégante des problèmes mathématiques qui surgissent dans le calcul de la masse du boson de Higgs. Ces extensions marquent une étape vers une théorie complète des interactions qui permettra d'unifier toutes les interactions; électrique, magnétique, gravitationnelle, faible et nucléaire. Jusqu'ici, aucun partenaire supersymétrique de particules connues à ce jour n'a été découvert. L'expérience D01 qui prend des données auprès du Tevatron de Fermilab, (Etats-Unis) vient de publier2 des résultats concernant les recherches de bosons de Higgs qui sont nécessaires aux extensions supersymétriques du modèle standard. L'analyse a été réalisée avec l'ensemble des données disponible à ce jour, soit plus d'un milliard et demi d'événements.
Au Tevatron, collisionneur proton-antiproton de haute énergie, les bosons de Higgs supersymétriques pourraient être produits en abondance s'ils sont suffisamment légers. Un canal privilégié pour les mettre en évidence, est celui de leur production associée avec un quark beau3 (b), H0b. Comme les bosons de Higgs supersymétriques légers sont supposés eux-mêmes se désintégrer, dans 90% des cas, en deux quarks beaux, la recherche de la production de ce type d'événements revient donc à identifier des événements ayant au moins 3 jets4 issus de quarks beaux dans l'état final.
Une des difficultés majeures - encore insurmontable il y a peu de temps- de cette étude, provient de l'ampleur du bruit de fond hadronique dû à une très forte production de jets, typique d'un collisionneur comme le Tevatron. Plusieurs membres de l'équipe D0 de l'Irfu/SPP se sont lancés dans ce travail de longue haleine entre 2002 et 2008. En mettant en œuvre de manière optimale les techniques de reconnaissance du quark beau et d'évaluation des bruits de fond hadroniques sur l'ensemble des données accumulées jusqu'à ce jour, ils ont pu conclure à l'absence de signal H0b (cf. figure 1) et contraindre plusieurs paramètres des modèles supersymétriques qui étaient jusqu'à présent inaccessibles à l'expérience.
Ce travail a été accepté pour publication dans Physical Review Letters (PRL 101, 221802) en 2008.
L'accumulation de nouvelles données au Tevatron, favorisée par une meilleure luminosité, permet de poursuivre la recherche de ces bosons de Higgs supersymétriques, en particulier dans des canaux plus rares où le higgs se désintègre en paire de leptons tau, un cousin très lourd de l'électron. Bien que moins fréquent que le canal évoqué plus haut, il offre une « signature » plus propre qui permet d'optimiser ces études. Le groupe D0 du SPP s'est engagé dans ce travail d'analyse de données qui fait actuellement l'objet d'une thèse.
Ces recherches de particules supersymétriques se poursuivront également dans les expériences auprès du LHC qui permettront d'explorer un domaine encore plus vaste de l'espace des paramètres des extensions supersymétriques du modèle standard.
La figure supérieure représente la distribution de la masse invariante de deux jets de quark b dans le canal à trois jets. Les croix représentent les données, le trait en bleu représente la prédiction issue du modèle standard incluant la réponse du détecteur et la zone hachurée ne contient que la contribution due à la production de saveurs lourdes (quarks b et c). La partie basse de la figure montre la différence entre les données (croix) et le bruit de fond attendu (trait bleu) en fonction de la masse invariante. Seules les erreurs statistiques sont indiquées. Aucune différence significative n’est observée.
1. Expérience D0 auprès du Tevatron, collisionneur proton antiproton situé au Fermilab prés de Chicago.
2. Phys. Rev. Lett. 101, 221802 (2008)
3. Le b est un quark les plus lourds décrits par le modèle standard. C'est un des constituants des particules « belles ». A haute énergie, il se fait présent dans le proton et l'antiproton.
4. Les quarks ne peuvent s'observer à l'état libre. Après une collision entre deux quarks, l'un venant du proton et l'autre de l'antiproton, ils reforment chacun de leur côté des hadrons, qui eux sont observables, en s'associant avec d'autres quarks ou antiquarks. On dit que les quarks s' « habillent » de manière à produire un jet de particules hadroniques.
• Constituants élémentaires et symétries fondamentales › Physique des particules auprès des collisionneurs
• Le Département d'Électronique des Détecteurs et d'Informatique pour la Physique (DEDIP) • Le Département de Physique des Particules (DPhP)
• D0