Stéphane Mathis, chercheur du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu vient de calculer pour la première fois l’énergie et la dissipation des ondes de marées produites dans l’enveloppe convective d’étoiles de différentes masses au cours de leur évolution. Ces ondes de marée ont une influence capitale lorsque l’étoile est entourée de planètes. Elles déterminent notamment l’évolution des orbites et de la vitesse de rotation de l'étoile. Ces travaux démontrent que la dissipation peut varier sur plusieurs ordres de grandeur en fonction de la masse, de l’âge et de la rotation des étoiles. Jusqu’ici, les effets des ondes de marée étaient considérés comme relativement constants. Cette étude amène donc à une profonde révision de l’évolution et de la dynamique des systèmes planétaires comme le Système solaire. Ces résulats sont publiés dans la revue Astronomy & Astrophysics.
En octobre 1995, il y a tout juste 20 ans, était découverte pour la première fois une planète autour d’une étoile autre que le Soleil. Depuis cette découverte fondamentale, réalisée en France à l’Observatoire de Haute-Provence, plus de 1500 autres planètes ont été découvertes autour d’une grande variété d’étoiles, allant des plus petites étoiles (les naines M) jusqu’aux étoiles de masses intermédiaires (ayant des masses allant jusqu’à deux fois la masse du Soleil). Ces nouvelles planètes, baptisées exoplanètes ou planètes extra-solaires, ont révolutionné nos idées sur la formation et l’évolution des planètes. La grande surprise a été de découvrir des étoiles ayant une distribution de planètes complètement différente de celle observée dans le système solaire, invitant les dynamiciens à revisiter les scénarios de formation et d’évolution de ces systèmes planétaires.
Un point étonnant a été notamment la découverte de nombreuses planètes ayant une orbite très proche de leur étoile. Dans ces conditions, les effets de marée entre étoile et planètes ont une importance capitale car ils sont notamment responsables de l’évolution des orbites et de la rotation des corps.
Les marées résultent de l’interaction gravitationnelle entre deux corps. Dans le cas du système Terre-Lune par exemple, elles se manifestent par la déformation de la surface des océans par l’attraction de la Lune (et du Soleil) qui crée l’alternance marée haute - marée basse mais aussi par une déformation de la croute terrestre, moins sensible car de beaucoup plus faible amplitude. La friction agissant sur les mouvements de la croûte et des océans terrestres induits par les marées lunaires et sur ceux de la croûte lunaire induits par les marées terrestres a ainsi conduit au ralentissement de la rotation terrestre, à la synchronisation de la Lune (sa période de rotation est la même que sa période orbitale autour de la Terre) et à l’augmentation du rayon de son orbite (la Lune s’éloigne aujourd'hui de la Terre de quelques centimètres par an).
Par le même mécanisme, les effets de marée entre une étoile et ses planètes vont conduire soit à un état d'équilibre où les orbites des planètes sont circulaires, les rotations synchronisées et les axes de rotation des corps alignés soit à une la chute des planètes sur l’étoile centrale. Ce sont ces effets de marée qui ont été calculés en détail par Stéphane Mathis du Sap en prenant en compte notamment l’influence de la masse de l’étoile.
Dans le cas des étoiles, les ondes de marées se propagent dans les régions les plus extérieures de l’étoile, les zones convectives où elles sont soumises à la friction exercée par les mouvements turbulents. Leur dissipation dépend de manière drastique de la rotation de l’étoile mais aussi de la taille respective de son coeur (zone radiative) et de son enveloppe (zone convective) qui conduit à des réflexions différentes des ondes dans l’enveloppe. Ces quantités varient de manière très importante durant la formation et l’évolution des étoiles de faibles masses. L’originalité du travail effectué par le Stéphane Mathis du Service d’Astrophysique du CEA-Irfu a été de calculer ces variations en utilisant pour la première fois des grilles complètes et réalistes de modèles d’évolution des étoiles.
Evolution du facteur de qualité de marée (qui est proportionnel à l’inverse de la dissipation de marée et qui est usuellement utilisé en mécanique céleste) le long de la vie des étoiles de masse allant de 0.4 à 1.4 fois la masse du Soleil. Ce dernier varie sur plusieurs ordres de grandeur en fonction de l’âge, de la masse et de la rotation des étoiles. Plus la valeur est faible, plus l'effet des marées est important. Crédits Sap
Les calculs ont révélé que la dissipation d’énergie des ondes de marée varie sur plus de cinq ordres de grandeur selon les cas. En premier lieu, cette dernière croît très fortement pour toutes les étoiles durant leur jeunesse, lors de la première phase de leur évolution qui voit la naissance du coeur radiatif. Puis, lors de l’arrivée dans leur phase stable, où les étoiles fusionnent leur hydrogène en hélium, la dissipation tend vers une valeur qui reste à peu près constante jusqu’à la fin de cette phase. Cette valeur est maximale pour les étoiles de masses autour de 0.6 fois la masse de notre Soleil (dite de type K) et elle décroit ensuite fortement lorsque la masse des étoiles augmente du fait de la forte diminution de la taille de l’enveloppe convective.
Jusqu'ici pour calculer l'évolution des systèmes planétaires, la dissipation des marées dans les intérieurs d'étoiles était considéré comme constante, liée à un instant donné de la vie de l'étoile. Ces résultats démontrent combien il est nécessaire de réviser ce traitement car les effets de marées varient en réalité énormément. Ces résultats importants invitent à réviser totalement le traitement de l’évolution des systèmes de planètes autour des étoiles. Ils permetrront en particulier une meilleure interprétation des données futures sur les planètes extra-solaires qui sont l'objectif de plusieurs instruments scientifiques en préparation tels que l'instrument SPIRou sur le telescope Canada France Hawaii, le satellite étasunien TESS (Transiting Exoplanet Survey Satellite) et les futures missions spatiales européennes CHEOPS et PLATO.
Contact: Stéphane Mathis
Publication: « Variation of tidal dissipation in the convective envelope of low-mass stars along their evolution » publié dans la revue Astronomy & Astrophysics Letters, Volume 580, id. L3 (2015)
pour une version électronique : Fichier PDF
Voir aussi :
- Le ballet des lunes de Saturne révèle l'intérieur de la planète (2 septembre 2012)
- PLATO (PLANETARY TRANSITS AND OSCILLATIONS OF STARS VERSION) (20 février 2014)
- Modéliser l’évolution dynamique des étoiles et de leur cortège planétaire (13 avril 2014)
Voir : Communication du Service d'Astrophysique
Rédaction : Stéphane Mathis, Jean-Marc Bonnet-Bidaud
• Thèmes de recherche du Service d'astrophysique
• Le Département d'Astrophysique (DAp) // UMR AIM
• Dynamique des Etoiles, des Exoplanètes et de leur Environnement