Lors des collisions d’ions lourds ultra-relativistes auprès de l’accélérateur LHC du CERN, un nouvel état de la matière est formé : le plasma de quarks et de gluons (QGP). Il s’agit d’une sorte de “soupe” très dense et très chaude où ne figurent que les constituants les plus élémentaires de la matière. Quelques microsecondes après le Big Bang, l’Univers serait passé par cet état. A cause des interactions entre ses constituants, le QGP s’écoule tel un fluide. Au LHC, les interactions entre constituants du QGP sont si fortes que même des objets aussi massifs que les quarks charmés sont emportés par cet écoulement, comme l’avait suggéré la mesure du flot du J/ψ (particule composée d’un quark charme et de son antiparticule) d’ALICE lors de la première campagne du LHC (voir fait marquant 2013). Ce résultat vient d’être confirmé par la collaboration ALICE grâce aux données de la nouvelle campagne du LHC (2015-2018). La précision obtenue a permis de mettre en évidence la nécessité d’inclure de nouveaux mécanismes dans les modèles théoriques. Le groupe de Saclay a joué un rôle clé dans l’analyse de ces données.
Quelques microsecondes après le Big Bang, l’Univers serait passé par un état de plasma de quarks et de gluons (QGP), un milieu si chaud que les protons, neutrons et autres hadrons ne peuvent plus garder emprisonnés en leur sein leurs constituants élémentaires, les quarks et les gluons, qui sont alors libérés (déconfinés). Les collisions d’ions lourds ultra-relativistes au LHC du CERN sont de véritables “Little Bangs” lors desquelles les conditions de densité d'énergie et de température sont réunies pour créer un QGP.
Lors des collisions non frontales (voir Fig. 1), la zone de recouvrement des deux noyaux présente une forme ellipsoïdale (comme une amande, représentée en rouge sur la Fig. 1), plus allongée dans la direction perpendiculaire au plan de la réaction (défini comme le plan contenant l’axe des faisceaux et le vecteur reliant le centre de deux noyaux). En raison de cette asymétrie spatiale, la pression orientée vers « l’extérieur » du QGP s’avère maximale dans le plan de la réaction. Elle est exercée par le biais des interactions entre les constituants du milieu, qui sont bien plus nombreux dans le plan de la réaction. Cette pression crée ainsi un écoulement des quarks et des gluons, puis des hadrons, dans une direction azimutale privilégiée. C’est le flot elliptique (v2).
Étant très lourds, les quarks charme (c) et leur antiquark (c) ne sont produits, par paires, qu’au tout début de la collision, lorsque l’énergie maximum est disponible. Ainsi, ce sont des observateurs privilégiés de toute évolution ultérieure! Une petite fraction de ces paires de quarks c-c se lieront rapidement pour former un J/ψ (état lié c-c). Des mesures, de grande précision, des taux de production de J/ψ dans les collisions entre noyaux de plomb (Pb-Pb) à une énergie dans le centre de masse par paire de nucleon √(sNN) = 5.02 TeV, ont été réalisées au LHC auprès de l’expérience ALICE en 2015. Cette expérience fait suite à une première campagne réalisée en 2011 à une énergie moindre du LHC (√(sNN) = 2.76 TeV), où un nouveau mécanisme de production du J/ψ avait été mis en évidence: la régénération par recombinaison de quarks lourds déconfinés dans le QGP. Par ce mécanisme les J/ψ crées héritent les propriétés thermodynamiques des quarks, notamment leur flot.
Les nouveaux résultats de la collaboration ALICE montrent, sans aucune ambiguïté, un flot elliptique v2 positif du J/ψ, pour toute la gamme d’énergie (impulsion transverse pT) étudiée (voir Fig. 2). Ces résultats confirment avec une précision accrue, les résultats obtenus par ALICE en 2011 et valident le mécanisme de régénération des J/ψ et donc l’hypothèse d’équilibre thermodynamique des quarks charme dans le QGP. En effet, parmi les modèles théoriques décrivant la production des J/ψ dans les collisions d’ions lourds, seul le mécanisme de régénération est à même de produire un flot elliptique v2 du J/ψ avec l’intensité observée. Cependant, la comparaison avec deux modèles théoriques montre que la production du J/ψ dans les collisions d’ions lourds n’est pas encore bien comprise: si le mécanisme de régénération est nécessaire pour décrire le flot elliptique v2 du J/ψ aux faibles impulsions transverses pT, il n’est pas suffisant pour expliquer les données aux grands pT, suggérant ainsi que d’autres mécanismes restent à élucider. La collaboration ALICE ne manquera pas de s’atteler à cette tâche grâce aux futures données, notamment celles prévues après les améliorations du détecteur.
Fig. 2 : Mesure du flot elliptique du J/? dans les collisions de noyaux de plomb au LHC en fonction de l’impulsion transverse pT. Les barres indiquent la taille des incertitudes statistiques, et les rectangles celles des incertitudes systématiques. Des calculs théoriques sont indiqués par les courbes. Les modèles représentés par des courbes en pointillés ne tiennent pas compte du mécanisme de régénération.
Référence publication
[1] ALICE Collaboration, J/ψ elliptic flow in Pb-Pb collisions at √sNN = 5.02 TeV, Phys. Rev. Lett. 119 (2017) 242301.
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