En 2003, on observait pour la première fois une particule constituée de plus de deux ou trois quarks. Cette nouvelle particule formée de 5 quarks, le pentaquark θ+, a été mise en évidence par trois expériences au Japon, en Russie puis aux USA et depuis cette date plusieurs expériences tentent de confirmer cette observation. Selon la théorie, l’existence du θ+ implique celle d’autres particules à 5 quarks. L’observation par une expérience d’un autre pentaquark, nommé Φ, dont deux de cinq quarks sont appelés quarks étranges, semblait en accord avec ce modèle. Pourtant dix autres expériences, dont Compass dans laquelle le Dapnia est fortement engagé, ne confirment pas cette observation.
Une grande partie de la matière ordinaire est composée de ce que l’on appelle des hadrons. On sépare les hadrons en deux catégories : les baryons constitués de trois quarks comme le proton (uud) ou le neutron (ddu) et les mésons, moins connus, constitués d’un quark et d’un anti-quark, comme le pion(ud). Ce nombre minimal de quarks permet de reconstruire les propriétés des hadrons comme leurs charges et leurs nombres quantiques. Néanmoins, des édifices complexes, à plus de trois quarks, ne sont pas interdits par les lois de la Nature. Dès 1997, des théoriciens avaient prédit l’existence d’un groupe de dix nouvelles particules constituées de 5 quarks, les pentaquarks (figure 1). Si on ne peut pas construire un baryon avec 4 quarks, on espère a priori y parvenir avec 4 quarks et un anti-quark, c’est pourquoi la quête des pentaquarks est si prisée. En 2003, le pentaquark θ+ (uudds) dont la masse était prédite par le modèle théorique à 1530 MeV (dans le monde des particules les physiciens ont l’habitude d’exprimer les masses en Méga-électron-Volt), a été observé avec une masse de 1540 MeV. Son existence a été confirmée par de nombreuses expériences, avec toutefois une faible statistique, mais aussi réfutée par d’autres. Depuis ce sujet a donné lieu à plus de 300 publications expérimentales ou théoriques.
Figure 1 : Diagramme des pentaquarks prédits par la théorie. Les axes correspondent à la charge électrique et à l’étrangeté. On remarque au sommet du triangle, le pentaquark θ+ avec son antiquark étrange(s)et en bas du triangle les 4 états de charge du pentaquark Φ dit doublement étrange avec ses deux quarks étranges (s),par exemple Φ-- (ddssu)
Le Φ est un autre pentaquark prévu par ce modèle, il a été observé, avec une faible statistique, par l’expérience NA49 avec une masse voisine de 1860 MeV, alors que la théorie prévoit une masse de 2070 MeV. D’autres expériences se sont à leur tour mises en quête de pentaquarks doublement étranges. Parmi elles, Compass est particulièrement bien adaptée à la traque de ces nouvelles particules grâce aux performances de son spectromètre et au grand volume de données accumulées.
La méthode utilisée dans ces expériences est la recherche de certaines cascades de désintégration des pentaquarks. On s’intéresse aux cas où des pentaquarks de différentes charges (Φ-- et Φ°) d’une masse de 1860 MeV se désintègrent en donnant une particule Ξ- (ksi) d’une masse de 1321 MeV, qui décroît à son tour en Λ° (lambda) qui elle-même décroît en proton. Ces processus conduisent à l’observation d’un proton accompagné de trois pions, que l’expérience Compass mesure aisément. À partir des protons et des pions détectés, les physiciens calculent la masse de la particule qui s’est désintégrée. L’histogramme des masses ainsi déterminées forme ce qu’on appelle un spectre de masse. Dans notre cas, un couple proton-pion doit reconstituer la masse du Λ°, celui-ci associé avec un autre pion, doit reconstituer la masse du Ξ-(1321). Finalement, si le pentaquark existe, on doit observer un pic dans le spectre de masse reconstruit à partir du Ξ- et du dernier pion, autour de la valeur attendue de 1860 MeV. Or, aucun signal de pentaquark n’est observé dans cette région de masse par Compass (figure 2).
Figure 3 : Résultats des expériences dédiées à la recherche du pentaquark Φ-- observé par l’expérience NA49 (triangle noir). L’existence de cette particule n’est confirmée ni par Compass, ni par Babar (où le Dapnia s’est aussi investi), ni par huit autres expériences, toutes conduisent à des limites supérieures de probabilité de formation (flèches) très inférieures à celle de l’expérience NA49 (ligne pointillée).
Neuf autres expériences ont, par ailleurs, fourni des résultats négatifs, et ce avec des faisceaux et des cibles très variés (voir la figure 3 où les expériences sont rangées par ordre croissant de volume de données accumulées). Les points ronds et carrés donnent respectivement les nombres de Ξ-(1321) et Ξ°(1530) observés dans les expériences. Le nombre de Φ-- observé dans l’expérience NA49 est représenté par un triangle. Si on supposait des productions équivalentes dans les autres expériences, on devrait obtenir un nombre de Φ-- voisin de celui indiqué par la ligne pointillée. Or, le nombre minimum de Φ-- (indiqué par les flèches) auquel les autres expériences sont sensibles, vu leurs précisions, est bien en dessous du nombre de Φ-- attendu, et cela d’un à plusieurs ordres de grandeur. Ainsi, le nombre de Φ-- observé par NA49 n’est confirmé ni par Compass ni par les neuf autres expériences. Au fur et à mesure des expériences, l’existence d’un pentaquark à deux quarks étranges se révèle donc de plus en plus hypothétique.
Contact : Nicole d'Hose
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