18 novembre 2016
Saturne déformé par ses satellites
Première mise en évidence de la déformation de Saturne par les effets de marées

En utilisant plusieurs milliers d’images des lunes de Saturne délivrées par la sonde Cassini (NASA/ESA), une équipe internationale menée par un astronome de l’Observatoire de Paris au sein de l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (Observatoire de Paris/CNRS/UPMC/Université Lille 1), en collaboration avec des chercheurs du CEA, est parvenu à mettre en évidence de toutes petites fluctuations du champ gravitationnel de la planète. Ces résultats d’une extrême finesse sont issus d’une série de travaux menés par la même équipe sur l’écosystème de Saturne et devraient permettre de mieux mesurer les propriétés du coeur de Saturne. Ces résultats sont sous presse dans la revue Icarus et font l'objet d'un film d'animation

 

Les variations du champ de gravitation de Saturne

Le système de Saturne, d’une extraordinaire complexité, se compose de 62 satellites recensés à ce jour, de forme, de taille et de composition très variés. Depuis 2004, la sonde Cassini, en orbite autour de la planète géante, fournit un flot incessant d’images de tout cet environnement. Après avoir analysé plusieurs milliers d’images astrométriques d’une quinzaine de satellites de Saturne, l’équipe internationale ENCELADE [1] a réussi à quantifier pour la première fois les variations infimes du champ gravitationnel de la planète, une conséquence des marées provoquées par chacune de ces lunes.

Les effets de marées sont dus à l'attraction différentielle d'un corps céleste exercée sur les différentes portions d'un autre. Le corps subissant ces marées va alors prendre une forme ellipsoïdale dans la direction du compagnon. Ce faisant, l’objet déformé, ici Saturne, voit son champ gravitationnel modifié ; il imprime par contrecoup un mouvement différent à ceux qui l’entourent, ici les satellites de la planète et modifie leurs trajectoires.
Mesurer les infimes fluctuations du champ gravitationnel de Saturne semblait impossible sans une expérience spatiale dédiée à cette mesure ou un passage proche de la sonde Cassini autour de la planète.

 
Saturne déformé par ses satellites

Sur la même orbite que Téthys, un des principaux satellites de Saturne, gravitent de part et d’autre de lui, à 60°, deux autres satellites plus petits : Télesto et Calypso. Cette configuration particulière des trois corps est la clef qui permet aux chercheurs de mesurer d’infimes variations du champ gravitationnel de Saturne. Crédit : équipe ISSI-Encelade

Le défi Cassini a  pourtant été relevé par l’équipe ENCELADE. La méthode est astucieuse : pour pouvoir quantifier des fluctuations infimes, de l'ordre de quelques dizaines de milliardièmes, les chercheurs se sont appuyés sur une propriété que détiennent deux des satellites de Saturne : Téthys et Dioné. Chacun présente la particularité d’être encadré en permanence sur son orbite par deux autres satellites plus petits, à 60°. De par cette position « désaxée », les mouvements des petites lunes sont modifiés par la déformation de Saturne sous l’action des forces de marée exercée par Téthys et Dioné. Aussi infimes soient-ils, ces mouvements sont mesurables car le système étant à géométrie constante, les effets s’accumulent, jusqu’à produire des variations de l'orbite de quelques dizaines de kilomètres sur dix ans.

 

Ces variations du champ gravitationnel de Saturne ont pu être mesurées par les chercheurs et vont permettre de mieux connaître la structure interne de la planète. Couplées avec d'autres mesures de la sonde Cassini lors de sa plongée dans l’atmosphère de Saturne prévue en septembre 2017, elles devraient permettre d'obtenir des informations sur la nature du noyau central et répondre à une question encore non résolue : ce noyau est-il fait de roches ou sa densité est-elle beaucoup plus faible ?

Ces nouvelles connaissances obtenues par cette méthode inventive permettent des modélisations beaucoup plus détaillées qui renouvellent en profondeur la vision de Saturne et de son environnement. Ces modèles sont présentés dans un film d’animation réalisé par l'équipe ENCELADE

 

Contact : Stéphane MATHIS

Publication :
« New constraints on Saturn's interior from Cassini astrometric data »
V. Lainey et al. (2017) dans la revue Icarus, Volume 281, 1 January 2017, pp. 286-296
pour une version electronique : Laineyetal2016.pdf

Voir : le communiqué de presse CEA-CNRS

Pour en savoir plus sur : l’équipe scientifique internationale ENCELADE

voir l'animation : « Saturne, un écosystème » (Animation vidéo de 8 min 37s)
 
 [1] Equipe ENCELADE : Constituée en 2007, l’équipe scientifique internationale ENCELADE mène des travaux qui ont donné lieu à trois publications successives en 2011, 2012 et 2016. Les résultats de ces travaux renouvellent en profondeur la vision de la formation et de l’évolution du système de Saturne. Pour ilustrer ces travaux, l’équipe a réalisé une animation sous le titre « Saturne, un écosystème »,  disponible sur la chaîne dailymotion de l’Observatoire de Paris. Cette animation a bénéficié du soutien de l’Observatoire de Paris, de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC), du laboratoire d’excellence UnivEarthS (Université Sorbonne Paris Cité) et de la Fondation L'Oréal « Pour les Femmes et la Science ».

 

 

 
#3839 - Màj : 18/11/2016

 

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