Des embryons de disques proto-planétaires beaucoup plus petits que prévu

Des embryons de disques proto-planétaires beaucoup plus petits que prévu

En explorant un échantillon de 16 des plus jeunes proto-étoiles grâce au réseau de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), une équipe internationale d’astronomes, dirigée par des chercheurs du Département d’Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA Irfu, vient de montrer qu'une majorité de ces proto-étoiles possédaient des disques proto-planéraires où se formeront plus tard les planètes mais que ces disques précoces étaient beaucoup plus petits que prévus. La taille de ces disques autour des plus jeunes étoiles connues en pleine phase de formation, pourrait être limitée par l'influence du champ magnétique dont les effets ont été jusqu'ici sous estimés. Ces résultats font l'objet d'un fait marquant de la revue Astronomy & Astrophysics

Quelles conditions initiales pour former les disques proto-planétaires ?

Les disques proto-stellaires sont des disques de gaz et de poussières qui entourent les « proto-étoiles », étoiles en train de se former, et dans lesquels vont se fabriquer les planètes. Les premières phases de l'évolution d'un disque proto-planétaire sont encore mal comprises car, même pour les plus proches de nous, leur observation nécessite de pouvoir distinguer au télescope des détails inférieurs à la seconde d'arc (soit la taille d'une pièce de monnaie vue à 4 kilomètres de distance). En raison de leur très faible température et de leur enfouissement au cœur de cocons de matière, ces disques et ces proto-étoiles n'émettent pas de lumière visible mais un rayonnement dit « millimétrique » qui est observable par des radio-télescopes. Leur compréhension est d’une importance primordiale pour mieux reconstituer l’origine de notre propre système solaire.
Dans le cadre du grand projet baptisé CALYPSO de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM), les chercheurs ont utilisé des observations combinées du réseau d'antennes radio du plateau de Bure (France) et du grand radiotélescope de 30 m du Pico-Veleta (Espagne) pour produire un ensemble complet d'observations d'un échantillon de 16 des plus jeunes et des plus proches proto-étoiles, afin d’y chercher des disques dans les toutes premières étapes de leur formation.

L’équipe CALYPSO a analysé en particulier l'émission thermique de la poussière des disques dans cet échantillon de 16 proto-étoiles : « Nous avons décidé d’effectuer l’analyse des données relatives à l’émission de la poussière car ce sont les donnés les plus précises pour étudier la distribution spatiale du disque. La résolution angulaire et la sensibilité permettent de sonder des distances inférieures à 50 UA de l'étoile centrale (1UA = la distance moyenne Terre-Soleil, environ 150 millions de kilomètres), soit une distance correspondante à la dimension de la partie la plus centrale du Système solaire, de l'ordre de la distance de Pluton au Soleil. » explique Anaëlle Maury, auteure principale de l'article.

« Nous avons ciblé les plus jeunes proto-étoiles connues, dites objets de ‘Classe 0’, car ces objets retiennent encore la mémoire des conditions initiales de leur formation et nous renseignent sur les toutes premières étapes de la formation des disques. » souligne Philippe André, investigateur principal du projet CALYPSO.

A gauche : Image de la distribution spatiale de l’émission millimétrique de la poussière dans le nuage moléculaire proto-stellaire SVS 13 révélant l’existence d’un disque proto-planétaire autour de deux proto-étoiles en formation. A droite : Courbe de l’intensité de l’émission du disque en fonction de la distance au centre, montrant que le disque ne contribue de façon significative qu’en dessous de 60 UA.

L'équipe a pu montrer que pour 11 des 16 proto-étoiles observées, les données indiquaient bien l'existence d'embryons de disques proto-planétaires. Mais, sur 11 de ces jeunes disques potentiels, seuls 4 sont détectés avec des tailles supérieures à 60 UA. Ces observations uniques suggèrent donc que, si la plupart des proto-étoiles présentent bien des indications de disques proto-planétaires, la grande majorité de ces disques (plus de 75%) sont bien plus petits qu'anticipé. En complétant cette étude par des mesures complémentaires publiées par d’autres chercheurs, l’équipe CALYPSO a pu ensuite vérifier que, sur 26 des plus jeunes proto-étoiles de notre galaxie, proches et observées de manière similaire, moins d'un tiers avait des disques ayant un rayon supérieur à 60 UA.


« Nos résultats suggèrent que la formation du disque est concomitante à la phase de formation de la proto-étoile mais pourrait se produire à des échelles bien plus petites que celles prédites par les modèles hydrodynamiques de l'effondrement des cœurs proto-stellaires, et que l'effet des champs magnétiques pourrait être un élément clé pour expliquer ces disques plus petits découverts grâce aux observations CALYPSO », précise Anaëlle Maury. Les chercheurs sont désormais impatients de pouvoir confirmer les propriétés des ces disques potentiels en utilisant des données complémentaires qui leur permettront de comprendre de manière plus détaillée comment ces disques primitifs se forment. Il reste encore beaucoup de mystères à dévoiler concernant la physique à l’œuvre lors des premières étapes de la formation du disque et de la planète !

Contacts : Anaëlle MAURY et Philippe ANDRE

Publication :

« Characterizing young protostellar disks with the CALYPSO IRAM-PdBI survey: large Class 0 disks are rare« 
A. Maury, Ph. André, L. Testi, et al. 2019, publié dans la revue Astronmy & Astrophysics, 621, A76

Voir aussi : – Le champ magnétique prépondérant pour la formation des étoiles (03 avril 2018)
– Trop de proto-étoiles massives ! (30 avril 2018)

et les pages – L'enfance des étoiles
L'effondrement et la rotation des proto-étoiles


Rédaction : A. Maury, J.M. Bonnet-Bidaud