L'Agence Spatiale Européenne vient de sélectionner les deux prochaines missions de taille moyenne (dites Missions M) dans le cadre de son programme de l'exploration de l'univers "Cosmic Vision" pour les prochaines décennies.
Les missions "Solar Orbiter" (Etude du Soleil) et "Euclid" (Etude de l'univers sombre), qui devraient être lancées en 2017 et 2019, sont sorties gagnantes parmi 52 autres propositions d'un long et difficile processus de sélection initié en 2007. Les scientifiques du CEA sont largement associés aux objectifs scientifiques de ces deux missions mais également à la construction des différents instruments qui équiperont ces deux futurs satellites européens. La sélection finale des missions Solar Orbiter et Euclid fait l'objet d'un communiqué de presse CNES-CEA-CNRS du 4 octobre 2011.
La mission Euclid fait suite au projet "DUNE" initialement proposé en 2005 par un consortium de laboratoires européens coordonnés par le Service d'Astrophysique du CEA-Irfu dont le but était d'établir pour la première fois la carte de la matière noire de l'univers.
Le projet initial a été repris dans le cadre de l'appel à propositions lancé par l'Agence Spatiale Européenne en 2007 pour la sélection d'expériences spatiales pour la décennie 2015-2025. Après une première sélection en 2007 pour une étude de faisabilité, la définition des instruments a été établie en octobre 2010 et le dossier complet de définition remis à l'ESA en juillet 2011 pour aboutir finalement à une sélection définitive le 4 octobre 2011, illustrant la très longue et complexe gestation d'une mission scientifique spatiale. Un large groupe de chercheurs et d'ingénieurs, regroupant plus de 800 membres répartis dans 107 laboratoires issus de 12 pays européens, constitue aujourd'hui le consortium Euclid coordonné par Yannick Mellier de l'Institut d'Astrophysique de Paris.
La mission Euclid a pour objectif de cartographier l'univers jusqu'à une profondeur de 10 milliards d'années couvrant ainsi la période où l'expansion de l'univers a commencé à s'accélérer. Cette accélération de l'expansion, découverte en 1998 et dont les découvreurs viennent d’obtenir le prix Nobel de Physique 2011, est pour l'instant attribuée à l'existence d'une énergie noire, hypothétique nouvelle composante de l'univers, dont la nature est encore inconnue. Par ailleurs, la mission sera aussi capable de détecter la présence de matière noire qui semble plus de dix fois plus abondante que la matière ordinaire. L'objectif des scientifiques est ainsi de dresser pour la première fois l'inventaire de ces deux composantes invisibles de l'univers.
Le satellite sera équipé d'un télescope de 1,2 mètres de diamètre mais possédant un très large champ de vue de 0,54 degrés-carrés, soit plus de deux fois la surface solaire. Il sera muni d'une caméra visible (VIS) et d'un spectro-imageur infrarouge (NISP). Cette vision large lui permettra de cartographier un grand nombre de galaxies lointaines tout en déterminant leurs distances. C'est l'analyse de la déformation des images de galaxies causée par la présence de la matière noire qui lui permettra de dresser une carte précise de la répartition de cette matière autrement invisible. La détermination de la distances des galaxies et la comparaison de ces déformations avec la distance permettra de mesurer le taux d'expansion de l'univers.
La mission, dont le cout est estimé à environ un milliard d'euros, devrait couvrir tout le ciel (à l'exception du plan de notre galaxie) soit plus de 15 000 degrés-carrés en moins de 6 ans avec une précision et une stabilité d'image inégalées. Les données accumulées sur les galaxies de l'univers constitueront une importante base de données pour les astronomes qui sera exploitée par un centre de données au sol. La mise en orbite par un lanceur Soyouz depuis la base de Kourou (Guyane) est prévu pour la fin 2019. Le satellite sera placé au point de Lagrange L2, à 1.5 millions de kilomètres de la Terre.
A gauche : schéma du télescope de 1,2 m de diamètre d'Euclid. Le télescope est muni de deux instruments : une caméra visible (VIS) et un spectro-imageur infrarouge (NISP). A droite : schéma-éclaté de la caméra VIS avec ses détecteurs CCD. La conception mécanique de la caméra, son intégration et les essais seront réalisés au CEA.
Les astrophysiciens du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM Paris Saclay (CEA/Irfu-CNRS/INSU-Paris Diderot) et les différents services techniques du CEA-Irfu contribuent de façon importante à la construction des instruments scientifiques de la mission. Ils fourniront notamment :
- la conception mécanique, l'intégration et les tests de la caméra visible (VIS), une caméra CCD dont les détecteurs et l'électronique seront fournis par le Mullard Space Science Laboratory (U.K.)
- les mécanismes des roues à filtres et des réseaux du spectro-imageur infrarouge (NISP) qui doivent fonctionner à très basse température ainsi que leur intégration et leur tests
et assureront la responsabilité scientifique du centre de données au sol.
Contacts EUCLID: J.L. Augueres, R. Teyssier
La mission Solar Orbiter va obtenir l'image la plus proche du Soleil possible, s'approchant de notre étoile jusqu'a seulement 62 fois son rayon (soit moins de 45 millions de kilomètres). Elle emportera plus de dix instruments scientifiques différents et fournira des images non seulement de la face "cachée" du Soleil mais également de ses zones polaires très peu visibles depuis la Terre. Depuis cette position très proche du soleil, elle produira des images de l'astre avec une résolution encore inégalée (70 km par pixel). La mission prévue pour une durée de 6 ans permettra de suivre en détail l'activité magnétique du Soleil et ses différentes éruptions qui affectent notablement l'atmosphère terrestre et peut-être son climat.
Les chercheurs du Service d'Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA-Irfu sont impliqués dans l'exploitation scientifique des données de l'instrument STIX (Spectrometer/Telescope for Imaging X-rays) à bord de Solar Orbiter. Cet instrument va enregistrer la distribution en énergie des électrons énergétiques accélérés lors des éruptions solaires via leur émission en rayons X dans la gamme 4-150 keV. Toute la difficulté consiste à comprendre ce mécanisme d'accélération au delà de l'agitation thermique standard des électrons. S’agit-il d’accélération via des couches de courant, par interaction d'ondes magnéto-acoustique avec les particules ou par la Magneto-Hydro-Dynamique (MHD) turbulente ? La confrontation des données obtenues avec STIX avec les simulations numériques de turbulence MHD avec injection de particules développées au CEA devrait permettre de répondre à ces questions. De plus la modulation de cette accélération et du nombre d'évènements de type éruptions avec le cycle solaire ainsi que le lien avec la création du champ magnétique solaire par effet dynamo vont être étudiés, en confrontant simulations numériques et les nombreuses observations effectuées par Solar Orbiter.
Mesurer les électrons solaires
L'instrument STIX (Spectrometer/Telescope for Imaging X-rays) à bord de Solar Orbiter engage un consortium international mené par la Suisse dans lequel le CEA et le CNES jouent un rôle crucial, apportant au projet des éléments de détections uniques.
Pour cette mission, de tout nouveaux détecteurs de rayons X ont été mis au point, fruit de plusieurs années de recherche et développement consentis par le CEA, avec les moyens industriels de la société française 3D-plus et le soutien technique et financier du CNES. Ces détecteurs compacts et légers, baptisés Caliste-SO, intègrent un cristal semi-conducteur de CdTe (Tellurure de cadmium) dont la surface d’un 1 cm2 est segmentée en pixels, lesquels sont connectés à une électronique frontale analogique et numérique miniature, bas bruit, basse consommation et tolérante aux radiations. Ils sont capables de mesurer l'énergie du rayonnement X des électrons solaires avec une précision de quelques pourcents
Le télescope STIX de Solar Orbiter comportera un tube imageur équipé de 32 collimateurs en tungstène, associé à un spectromètre comportant 32 unités de détection Caliste-SO correspondantes. L’ensemble compact des deux sous-systèmes permettra la spectro-imagerie des éruptions solaires dans le domaine des rayons X dur avec une précision inégalée.
A gauche : Simulation à trois dimensions des lignes de champ magnétiques du Soleil où sont accélérés des électrons à de très hautes vitesses. A droite : Micro-Détecteurs "Caliste-SO" mis au point au CEA pour mesurer l'émission en rayons X des électrons solaires à bord de Solar Orbiter (taille 1 cm2). Crédits CEA-SAp
Contacts SOLAR ORBITER: O. Limousin, S. Brun
Voir aussi : " Le communiqué de presse commun CNES-CEA-CNRS" , 4 octobre 2011
" Le communiqué de presse de l'ESA " , 4 octobre 2011 (en anglais)
Voir également : " Les futures explorations spatiales au SAp" , 18 juillet 2007
" Naissance d’une micro-caméra X" (8 Février 2008)
Rédaction : J.M. Bonnet-Bidaud, J.L. Augueres, O. Limousin, S. Brun
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