Le projet MADMAX, dont le lancement a eu lieu en novembre 2016, est mené par le Max Planck Institut für Physik en collaboration avec plusieurs instituts européens. Le projet a pour objectif la découverte d’axions d’une masse d’environ 100 µeV, candidats potentiels à la matière noire. Pour détecter ces axions, il est nécessaire de développer un détecteur spécifique composé d’un amplificateur de signal électromagnétique et d’un aimant proportionnel à la taille de l’amplificateur et délivrant un fort champ magnétique. Afin de valider les innovations dans la fabrication du conducteur de l’aimant, son concept de refroidissement et la détection du quench, un démonstrateur a été conçu, fabriqué, intégré et testé entre mars 2020 et août 2021. Il est dénommé MACQU pour MADMAX Coil for Quench Understanding. L’ensemble du design, allant du conducteur à la structure de supportage en passant par l’aimant MACQU, son écran thermique et les busbars, a été réalisé au CEA. Le démonstrateur, fabriqué par l’industriel Bilfinger Noell GmbH, est arrivé en mars 2021 et fut testé avec succès entre le 18 mai et le 27 août 2021. L’analyse des données maintenant terminée apporte les réponses souhaitées et ouvre de nouvelles pistes de travail inattendues. La preuve de faisabilité du concept de câble, de son refroidissement ainsi que de la détection du quench pour l’aimant MADMAX a été démontrée lors de ces essais.
Le lancement du projet MADMAX a eu lieu en novembre 2016, il est mené par le Max Planck Institut für Physik en collaboration avec plusieurs instituts européens. Le projet a pour objectif la découverte d’axions d’une masse d’environ 100 µeV, candidats potentiels à la matière noire, devant répondre à la violation de CP (déséquilibre matière/antimatière). La réalisation de cet objectif passe par le développement d’un détecteur dédié constitué d’un amplificateur du signal électromagnétique correspondant aux photons (dualité onde-corpuscule) induits par la conversion desdits axions. Cet amplificateur, appelé haloscope diélectrique, est lui-même constitué de 80 disques de 1,25 m de diamètre dont le positionnement doit être assuré très finement par moteurs piézoélectriques fonctionnant sous forts champs magnétiques. L’haloscope doit être baigné dans un champ magnétique dipolaire fort car la puissance du signal amplifié est proportionnelle au carré du champ magnétique. De plus, la puissance du signal est également proportionnelle à la taille de l’amplificateur d’où la taille des disques diélectriques de 1,25 m de diamètre demandant en parallèle du développement de l’aimant une forte R&D (l’état de l’art se limite actuellement à ~30 cm de diamètre). Ainsi, le développement d’un aimant dipolaire géant produisant un champ magnétique de ~9 T dans une ouverture de 1,35 m est nécessaire (Figure 1). Grâce à ses compétences dans ce domaine le CEA Irfu a été sélectionné, en novembre 2017, dans le cadre d’un partenariat d’innovation pour concevoir cet aimant avec l’industriel Bilfinger Noell GmbH.
Figure 2. Conducteur de type « Cable-In-Conduit Conductor (CICC) » pour l’aimant démonstrateur MACQU. Ce conducteur est constitué de 36 brins tressés entre eux puis enrubannés avec un ruban de cuivre et insérés dans un conduit en cuivre de section rectangulaire. Les 36 brins sont pour un tiers en matériau supraconducteur (Nb-Ti) et pour deux tiers en cuivre.
Dans la stratégie de développement de l’aimant MADMAX, mise en place par le CEA Irfu, plusieurs démonstrateurs doivent être conçus afin de mitiger les différents risques identifiés. Le premier niveau de risque concerne le conducteur de l’aimant MADMAX et son comportement en cas de quench (le passage brutal de l'aimant de l'état supraconducteur à l'état résistif pouvant entraîner une dégradation de l’aimant). En effet, en raison des contraintes du marché, l’équipe CEA Irfu a dû définir un nouveau concept de conducteur pour l’aimant MADMAX. Ce concept reprend la structure dite de « câble en conduit » des aimants de fusion tout en utilisant un conduit en cuivre au lieu d’un conduit en inox (Figure 2). De plus, le refroidissement du conducteur n’est pas standard pour cette technologie car il est réalisé par un remplissage du conduit par de l’hélium superfluide stagnant à 1,9 K plutôt que par une circulation forcée d’hélium supercritique à 4,5 K comme pour les aimants de fusion. Ces quelques kelvins d’écart permettent d’augmenter le champ magnétique de l’aimant et ainsi ces performances. Ces nouveautés, au niveau du conducteur, interrogeaient sur la faisabilité de la détection du quench et donc sur la protection de l’aimant.
Afin de valider la fabrication du conducteur, son concept de refroidissement et la détection du quench, un démonstrateur a été conçu, fabriqué, intégré et testé entre mars 2020 et août 2021. Il est dénommé MACQU pour MADMAX Coil for Quench Understanding (Figure 3). L’ensemble du design, allant du conducteur à la structure de supportage en passant par l’aimant MACQU, son écran thermique et les busbars, a été réalisé au CEA. Le conducteur a été fabriqué par ASIPP (Institute of Plasma Physics, Chinese Academy of Science), puis envoyé pour la fabrication de l’aimant MACQU à Bilfinger Noell GmbH en charge également de la facture de la structure de supportage, de l’écran thermique et des busbars.
Figure 3. Partie supérieure : CAO de l’aimant solénoïdal ou solénoïde MACQU. Partie inférieure : CAO de l’ensemble avec l’aimant MACQU refroidi via le conducteur avec de l’hélium superfluide à 1,9 K, sa structure de supportage et de thermalisation (bas en rose refroidi à 80 K à l’azote liquide, haut en bleu refroidi à 4,5 K à l’hélium supercritique) et son écran thermique refroidi également à l’hélium supercritique à 4,5 K. Certaines parties de l’écran thermique (retirées ici) sont démontables pour faciliter l’intégration de l’aimant en donnant un accès au solénoïde par le dessus ou aux boites de jonctions en face avant.
Figure 4. Aimant MACQU intégré à la station de test JT60 et prêt pour la compagne d’essais une fois le cryostat fermé, mis sous vide et la température de fonctionnement de 1,9 K atteinte dans l’aimant MACQU.
L’aimant a été réceptionné à Saclay en mars 2021 pour préparer son intégration dans la station de tests JT60 alors en place au bâtiment 126. La station JT60 avait été préalablement modifiée pour accueillir l’aimant. En effet, une unité de production d’hélium superfluide, nommée TH0, y avait été implantée. Le système de détection de quench/protection de l’aimant (MSS: Magnet Safety System) avait été restructuré pour correspondre au besoin de l’expérience MACQU et les automates de pilotages de la station adaptés à la nouvelle configuration de l’expérience. Ce travail avait été entièrement réalisé par les équipes DACM et DIS de l’Irfu. À la réception de l’aimant, le travail a principalement porté sur la réalisation des boites de jonctions de l’aimant MACQU permettant le découplage entre le circuit électrique et hydraulique du conducteur aux extrémités de l’aimant, la finalisation de l’instrumentation devant permettre l’étude de la propagation du quench ainsi que la mise en place des bubars (Figure 4).
La campagne de tests a débuté le 18 mai et s’est terminée avec succès le 27 août 2021 en apportant les réponses souhaitées et en ouvrant de nouvelles pistes de travail inattendues sur la conception des boites de jonctions par exemple. La preuve de faisabilité du concept de câble et de son refroidissement a été démontrée lors de ces essais. Avec une soixantaine de quenchs détectés sur MACQU, le risque de défaut de protection de l’aimant MADMAX a été écarté. Le comportement thermo-hydraulique du quench a pu être étudié de manière plus approfondi et il a été démontré pour la première fois que le phénomène de quench back thermo-hydraulique avait également lieu en hélium superfluide (Figure 5). Ce phénomène accélère le quench car un préchauffage par détente isenthalpique de l’hélium dans le conducteur en aval du quench finit par réduire la marge en température du conducteur. Cette faible marge réduit de facto le temps de chauffage pour atteindre la température critique du conducteur au niveau du front de quench et ainsi ce dernier accélère.
Figure 5. Mesures de la vitesse de propagation du quench au sein du conducteur MACQU à différents niveaux de courants. Les vitesses initiales extraites de ces mesures prouvent que le quench est suffisamment rapide pour développer une tension détectable aux bornes de l’aimant permettant la protection de celui-ci. La cassure représente l’accélération due au quench-back thermo-hydraulique observé pour la première fois en hélium superfluide !
Contacts : LORIN Clément; ABDEL MAKSOUD Walid
Références :
[1] MADMAX collaboration, “A new experimental approach to probe QCD axion dark matter in the mass range above 40 µeV” Eur. Phys. J. C (2019) 79: 186
[2] U. Durañona, W. Abdel-Maksoud, B. Baudouy et al., “Design of a magnet to study quench propagation in a Cable-In-Conduit-Conductor filled with stagnant superfluid helium” Cryogenics, vol. 125, 103499 (2022)
3] C. Lorin, W. Abdel Maksoud et al, “Development, Integration, and Test of the MACQU Demo Coil Toward MADMAX Quench Analysis”, IEEE Transactions on Applied Superconductivity, 2023, https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/10120974
[4] F. Stacchi, C. Berriaud et al., “Conductor Qualification and Fabrication for the MACQU Solenoid”, IEEE Transactions on Applied Superconductivity, 2023, https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/10158365
[5] T. Pontarollo et al., “Cryogenic design of a superconducting magnet with a copper cable-in-conduit conductor filled with static superfluid helium”, IEEE Transactions on Applied Superconductivity, 2023, https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/10232872
[6] W. Abdel-Maksoud, U. Durañona, B. Baudouy et al., “Thermohydraulic Quench Back in a Copper CICC Coil Cooled by He II”, IEEE Transactions on Applied Superconductivity, 2023, https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/10230847
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