Figure 1 - Illustration d'artiste de l'exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 c
Crédits : NASA, ESA, CSA, Joseph Olmsted (STScI)
À l'aide du télescope spatial James Webb, un groupe d'astronomes dirigé par le MPIA (Max Planck Institute for Astronomy), en collaboration avec une équipe du Département d'Astrophysique du CEA Paris-Saclay, a recherché une atmosphère sur l'exoplanète rocheuse TRAPPIST-1 c. Bien que la planète soit presque identique à Vénus en terme de taille et de température, son atmosphère s'est révélé très différente. En analysant la chaleur émise par la planète, ils ont conclu qu'elle pourrait n'avoir qu'une atmosphère ténue contenant un minimum de dioxyde de carbone. Toutefois, cette mesure est également compatible avec une planète rocheuse stérile dépourvue d'une atmosphère significative. Ces travaux nous permettent de mieux comprendre comment les atmosphères des planètes rocheuses en orbite autour d'étoiles de faible masse peuvent résister aux vents stellaires puissants et au rayonnement UV intense.
Les résultats sont présentés dans la revue Nature
"Le système planétaire TRAPPIST-1, situé à proximité, est actuellement le meilleur candidat pour étudier les atmosphères des planètes rocheuses semblables à la Terre en orbite autour d'une naine rouge", explique Sebastian Zieba, chercheur en thèse à l'Institut Max Planck d'astronomie de Heidelberg, en Allemagne. Il est l'auteur principal d'un article à paraître dans la revue Nature.
Les astronomes ont pendant longtemps soupçonné TRAPPIST-1 c, deuxième planète du système de 7 planètes, d'être un analogue de Vénus (cf. Figure 2). En effet, à l'instar de cette dernière, le diamètre et la masse de TRAPPIST-1 c sont proches de ceux de la Terre et le rayonnement reçu de son étoile est presque identique à celui de Vénus. Toutefois, bien que relativement froide à l'extérieur, de nombreuses étoiles de ce type présentent de forts vents stellaires et un rayonnement UV intense pendant une longue période de leur vie, pouvant endommager et éroder l'atmosphère de leurs planètes.
"Nous voulions savoir si TRAPPIST-1 c avait échappé à ce destin et avait pu conserver une atmosphère substantielle, voire être semblable à la planète Vénus dans le système solaire", explique S. Zieba.
Néanmoins, étant plus massive que la Terre, son attraction gravitationnelle à sa surface est supérieure, ce qui devrait contribuer à la conservation de son atmosphère malgré les conditions.
Figure 2 - Les mesures détaillées des propriétés physiques des sept planètes rocheuses TRAPPIST-1 (en haut – illustration d’artiste) et des quatre planètes terrestres de notre système solaire (en bas) aident les scientifiques à trouver des similitudes et des différences entre les deux familles de planètes.
Crédit: NASA/JPL
Figure 3 - Cette image illustre la courbe de phase d’une planète, soit la variation de luminosité globale du système étoile-planète au cours de la révolution de la planète. Dans le cas d’une planète gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, son côté jour, soit la face éclairée et chauffée par l’étoile, n’est visible que juste avant et après son passage derrière l’étoile (éclipse).
Crédit: ESA
TRAPPIST-1 c est gravitationnellement verrouillée par les forces de marée, c'est-à-dire qu'elle présente toujours la même face à son étoile. Il en résulte que la durée du jour est la même que celle d’une année (environ 2,42 jours terrestres) et qu'il y a deux hémisphères distincts, l'un en permanence éclairé et l'autre plongé dans une nuit éternelle. De plus, son orbite est orientée de telle sorte que, de notre point de vue, la planète passe devant son étoile à chaque révolution (cf. Figure 2). Cela permet d'observer la planète pendant un transit (passage de la planète devant son étoile) et juste avant et après une éclipse (lorsque la planète passe derrière son étoile). Cette dernière position permet d'observer le côté éclairé de la planète et donc de mesurer son émission thermique ainsi que les caractéristiques de l'atmosphère qui l'entoure.
Dans tous les cas, la caractérisation de l'atmosphère des planètes rocheuses de la taille de la Terre est une tâche difficile en raison de la faible luminosité de la planète par rapport à celle de l'étoile, même pour le télescope spatial James Webb (JWST). C'est pourquoi l'équipe a combiné l'observation de quatre éclipses de TRAPPIST-1 c afin d'augmenter le signal par rapport au bruit. Ils ont utilisé l'instrument MIRI dont la vision dans l'infrarouge moyen est parfaitement adaptée pour détecter l'émission thermique de l'astre. Le filtre utilisé était centré à 15 µm, correspondant à une longueur d'onde caractéristique de la bande d'absorption du CO2.
Cette méthode est la même que celle utilisée par une autre équipe de chercheurs, comprenant les astronomes du CEA Paris-Saclay, qui a permis de déterminer que TRAPPIST-1 b, la planète la plus proche du système, est probablement dépourvue d'atmosphère.
Les astronomes ont combiné les observations du JWST avec des calculs de modèles pour trouver les valeurs les plus probables des propriétés atmosphériques correspondant aux données. La pression et la composition d'une atmosphère déterminent la température d'une planète en fonction de la lumière qu'elle reçoit de son étoile. Inversement, la température détermine la quantité de lumière infrarouge émise par la planète. De plus, une atmosphère substantielle, quelle que soit sa composition, redistribue la chaleur du côté jour vers le côté nuit, ce qui fait que la température du côté jour est plus basse qu'elle ne le serait sans atmosphère (cf. Figure 3). Ainsi, les mesures infrarouges combinées aux modèles fournissent des indices sur l'atmosphère et sa composition.
Contrairement aux attentes des astronomes, les températures n'atteignent "que" 110 °C, soit 390 °C de moins que sur Vénus. La lumière infrarouge émise par TRAPPIST-1 c ne correspond pas à une atmosphère vénusienne, riche en dioxyde de carbone provoquant un fort effet de serre.
"Nous pouvons définitivement exclure une atmosphère épaisse et semblable à celle de Vénus", déclare Laura Kreidberg, responsable scientifique du programme d'observation du JWST, coauteure et directrice du MPIA.
TRAPPIST-1 c possède-t-elle au moins une fine enveloppe gazeuse ? Pour explorer cette possibilité, les scientifiques ont calculé la probabilité statistique qu'un ensemble de paramètres atmosphériques corresponde aux observations. Le modèle atmosphérique comprend une gamme de pressions de surface et des mélanges d'une atmosphère dominée par l'oxygène (O2) avec des traces variables de dioxyde de carbone (CO2). En effet, les astronomes pensent que les planètes comme TRAPPIST-1 c devaient posséder une atmosphère contenant du dioxyde de carbone et de la vapeur d'eau au début de leur évolution. Au fil du temps, le rayonnement stellaire décompose les molécules d'eau en hydrogène et en oxygène. Alors que l'hydrogène, très volatil, s'échappe progressivement dans l'espace, les molécules d'oxygène, plus lourdes, subsistent, ce qui donne une atmosphère riche en oxygène avec des traces de dioxyde de carbone.
Bien que ces premières mesures ne fournissent pas d'informations définitives sur la nature de TRAPPIST-1 c, elles permettent de limiter les possibilités.
"Nos résultats sont cohérents avec le fait que la planète soit un rocher nu sans atmosphère, ou qu'elle ait une atmosphère de CO2 très fine (plus fine que celle de la Terre ou même de Mars) sans nuages", a déclaré Zieba. "Si la planète avait une atmosphère de CO2 épaisse, nous aurions observé une éclipse secondaire très peu profonde, voire aucune. En effet, le CO2 aurait absorbé toute la lumière de 15 microns, de sorte que nous n'en aurions détecté aucune en provenance de la planète."
Ce résultat permet de penser que des planètes rocheuses suffisamment lourdes autour d'étoiles froides de faible masse puissent maintenir une atmosphère pendant une fraction significative de la durée de vie stellaire, puisque l'étoile TRAPPIST-1 est au moins aussi vieille que le Soleil.
"Ce résultat est vraiment très intéressant, dans le cas de TRAPPIST-1 b, la température mesurée à 15 microns était en accord avec une planète dénuée d'atmosphère (Greene et al. 2023), mais là avec TRAPPIST-1 c, la mesure nous laisse espérer la présence d'une fine atmosphère composée d'un mélange d'oxygène et de carbone", se réjouit Elsa Ducrot, chercheuse au CEA Paris-Saclay, troisième auteure de l'article.
Figure 3 – À gauche : Illustration de la courbe de phase d'une planète. A droite : Simulations de la courbe de phase partielle de TRAPPIST-1 b de ce que l’on obtiendrait avec le JWST dans le cas où la planète n’aurait pas d'atmosphère (rouge) et celui où elle en possèderait une épaisse (bleu).
Mesurer la courbe de phase thermique d'une exoplanète est une méthode puissante pour confirmer la présence d'une atmosphère car en redistribuant la chaleur à la surface, on mesurerait une température constante.
Crédit: Elsa Ducrot (CEA Paris-Saclay)
"Les observations d'atmosphères minces de planètes rocheuses poussent le JWST à ses limites", admet Kreidberg.
Les signaux mesurés sont faibles et de nombreuses propriétés sont encore inconnues, ce qui entraîne des incertitudes. D'autres observations du JWST sont donc nécessaires pour distinguer une planète rocheuse stérile d'une planète dotée d'une atmosphère ténue. En mesurant la lumière émise par TRAPPIST-1 c dans une large gamme de longueurs d'onde, les astronomes peuvent détecter de petites signatures d'absorption des gaz présents dans l'atmosphère.
"Par chance, nous avons obtenu du temps d'observation sur le JWST pour mesurer la courbe de phase combinée de TRAPPIST-1 b et c. Cela devrait nous permettre d'identifier de manière plus définitive si l'une des deux planètes (ou les deux !) possède une atmosphère", rappelle Elsa Ducrot.
Contacts DAp: Elsa Ducrot, Pierre-Olivier Lagage
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