Vieilles et nouvelles lunes
Le nouveau visage des satellites de Saturne

Au cours des quatre années de la mission nominale de la sonde CASSINI-Huygens, celle-ci effectuera 76 orbites autour de Saturne dont 52 rencontres autour de 7 lunes. Les satellites de Saturne sont d’une incroyable diversité : des mondes de glaces, de roches, certains présentant des cratères géants (comme Mimas) ou d’autre abritant peut être une chimie primitive (comme Titan) , et encore d’autres divisé en deux hémisphères, l’un sombre l’autre brillant comme Japet

En dehors des images très spectaculaires obtenues le 14 janvier 2005, lors de l'arrivée de la sonde Huygens sur le sol du satellite Titan, plusieurs autres lunes ont déjà été visitées par Cassini. L'équipe d'Imagerie de CASSINI, à laquelle participe des chercheurs Service d'Astrophysique (SAp) du CEA-DAPNIA, publie dans la revue Science du 25 Février 2005, les premiers résultats concernant les satellites Phoébé et Japet.

Phoébé

Le 11 juin 2004, alors que Cassini était encore à 13 millions de km de Saturne, se trouvait sur son chemin un satellite mal connu, nommé Phoébé, d’environ 200km de diamètre. C’est un corps particulièrement intéressant car son orbite semble indiquer une origine différente des autres satellites de Saturne : probablement un objet capturé.

Image de Phoébé obtenue le 11 Juin 2004 à une distance de 32 500 km. L'image démontre que le corps, d'une taille d'environ 200 km, est très probablement riche en glaces recouvertes d'une couche fine de poussières sombres. Les plus fins détails visibles sont d'environ 200 m. Crédit NASA/ESA (cliquer pour agrandir)

Détails de la surface de Phoébé sur une image obtenue depuis une distance de 11 918 kilomètres Le grand cratère visible sur la gauche a un diamètre d'environ 45 km.  La ligne d’horizon est très fracturée et sur les flancs du cratère, une partie du terrain s’est effondrée, révélant le manteau de glace qui gît sous la fine poussière sombre qui recouvre tout le satellite.
Les plus fins détails visibles sont d'environ 70 m. Crédit NASA/ESA. (cliquer sur l'image pour agrandir)

Le survol s’est fait à moins de 2500 km d’altitude, permettant d’atteindre des détails d'une dimension d’environ 60 mètres sur les images obtenues. Sa forme ovoïde semble indiquer que c’est un corps différencié. La densité moyenne estimée à partir de données Cassini , environ 1 630 Kg/m3 en fait un corps beaucoup plus dense que les autres satellites de Saturne, le rapprochant d’objets comme Pluton ou Triton. Cela renforce l’idée selon laquelle Phoébé serait en réalité un objet de la ceinture de Kuiper (groupe de corps au-delà de Neptune) et qui aurait été capturé par Saturne. L’âge de la surface, estimé par un comptage des cratères, est d’environ 4 milliards d’années.
 

Japet

Japet témoigne également de l’extraordinaire diversité des satellites de Saturne. A l’instar du personnage mythologique, Japet a effectivement deux visages : un hémisphère sombre comme l’asphalte (appelé « Cassini Regio ») et l’autre brillant comme la neige. Son albédo (capacité à réfléchir la lumière) peut varier d’un facteur 20 d’un hémisphère à l’autre. L’hémisphère sombre regarde « en avant » sur la trajectoire de Japet (« leading » ) et l’hémisphère brillant regarde « en arrière » (« trailing »). Les caméras d'ISS/Cassini ont pu observer Japet à trois reprises avant le dernier survol de 2004 daté du 31 décembre. Les plus fins détails visibles sur les images sont d'environ 1 km, soit plus de dix fois meilleure que celle des sondes précédentes, Voyager 1 et 2 (~15 km).

 

Image de Japet, prise à une distance d'environ 172 000 km.  d’altitude qui montre les deux visages du satellite. En bas, un hémisphère très sombre, appelée «Cassini Regio».
Deux formations géologiques surprenantes sont visibles également : un grand cratère d’impact, en bas à droite, d’environ 400 km de diamètre. Il est lui-même recouvert de très nombreux impacts, suggérant un terrain très ancien.
Enfin, la caractéristique la plus étonnante de Japet, et totalement nouvelle, est la grande montagne située sur l’équateur et qui s’étend sur plus de 1300 km de long. Elle culmine entre 13 et 20 km, ce qui en fait presque la montagne la plus grande du système solaire. Son origine n’est toujours pas élucidée.
Crédits NASA/ESA (cliquer sur l'image pour agrandir)

 

Beaucoup de nouveaux reliefs sont apparus dans les images Cassini par rapport à ce qui a été vu dans les images Voyager : en effet Japet est un astre particulièrement difficile à photographier en raison des grands contraste de brillance à sa surface : les images sont souvent sous exposées ou saturées. Pour ces raisons, il demeure difficile de déterminer l'âge de la surface par le comptage statistique des cratères. La reconstitution de l'image globale de Japet avec les différents filtres du visible (340 à 950 nm) a révélé une surface de couleur marron, virant au blanc près du pôle sud. Il semblerait que le marron soit associé à des éléments sombres non-glacés (genre silicates) tandis que les régions brillantes s'apparenteraient à de la glace d'eau.

Pourquoi deux hémisphères aussi différents ? Une première hypothèse suppose que des poussières relâchées par des satellites plus externes spiralent lentement vers Saturne et se retrouvent piégés par Japet. Dès que la période orbitale de Japet est devenue égale à sa période de rotation, à cause des effets de marées, les poussières se sont accumulées toujours sur le même hémisphère.
Un second scénario proposé invoque un large impact sur Japet qui aurait causé une dissymétrie de l'albédo. Une grande partie des éjecta aurait été propulsée dans l'espace en particulier la composante glacée et brillante qui se serait vaporisée. Seule la composante non-glacée et sombre se serait accumulée préférentiellement sur l'hémisphère expliquant ainsi la faible valeur de l'albédo observée dans Cassini Regio. Enfin, dernière hypothèse, il est possible que le matériel sombre de Japet soit une sorte de couche profonde et sombre qui se serait déposée à la surface de Japet. Ainsi, la présence de gros cratères d'impact dans l'hémisphère sombre serait postérieure au dépôt de la couche sombre.

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Publications :
"Cassini Imaging Science : initial Results on Phoebe and iapetus"

C. C. Porco et l'équipe Imagerie (dont A. Brahic, S. Charnoz)
publié dans Science, 25 Février 2005, vol 307, P. 1237, pour télécharger l' article (format PDF/442Ko)

voir  : Cassini rencontre les anneaux : Images à haute résolution du monde glacé de Saturne (24 Février 2005)
 

voir aussi : "Le site CIRS du Service d'Astrophysique"
                "Le site de l'équipe de recherche GAMMA-Gravitation de l'Université Paris 7-CASSINI (en français)"
                "Le site de la mission CASSINI-HUYGENS de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) (en anglais)"
                "Le site de la mission CASSINI-HUYGENS au Centre National d'Etudes Spatiales (en français)"
                "Le site du Jet Propulsion Laboratory NASA-CALTECH (en anglais)"
                "Le site officiel de la mission CASSINI-HUYGENS de la NASA (en anglais)"



Rédaction  Sébastien Charnoz - Estelle Déau -Jean-Marc Bonnet-Bidaud

 
#1253 - Màj : 24/02/2005

 

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