Coupe de l'aimant Iseult de 11,7 T. En orange les bobinages supraconducteurs, en bleu la structure à 1,8 K et en gris le cryostat.
L’aimant corps entier et l’antenne radiofréquence 11,7 T, développés dans le cadre du projet Iseult ; seront installés à Neurospin en 2017. Ces deux équipements repousseront les limites de l'imagerie cérébrale. L’aimant est en cours de réalisation chez GE (ex-Alstom) à Belfort et une première antenne réseau 7 T composée de 8 voies a été construite et testée à Neurospin. Une nouvelle antenne 12 voies se trouve actuellement en phase de test. L’antenne 11,7 T pour le projet Iseult à est déjà construite selon le même schéma.
QU’EST-CE QUE LE PROJET ISEULT ?
La technique d’imagerie par résonance magnétique (IRM) est un outil de diagnostic et de recherche pour les neurosciences. Dans ce contexte, le centre Neurospin du CEA Saclay accueillera en 2017 un imageur par résonance magnétique IRM de 11,75 teslas avec une ouverture de 90 cm de diamètre permettant le passage du corps entier d’un patient. L’apport de cet aimant à l’imagerie moléculaire, combiné à de nouveaux agents de contrastes pharmaceutiques, permettront de progresser dans la connaissance du cerveau tant sur le plan fondamental des sciences cognitives que sur le diagnostic des maladies neurodégénératives en améliorant la résolution des images d’un facteur 10. Le développement d’Iseult s’intègre dans un projet franco-allemand en collaboration avec des industriels majeurs du secteur, Guerbet, Siemens Medical Solutions et General Electric (GE).
Vue d’ensemble de l’aimant Iseult et ses équipements auxiliaires dans le bâtiment NeuroSpin.
1 : Aimant
2 : Cages de Faraday
3 : Satellite
4 : Résistance de décharge et PCL
5 : Système de commande et PCS
6 : Équipements Siemens
7 : Liquéfacteur
8 : Pompes hélium
9 : Compresseurs
LES DÉFIS D’ISEULT
L’aimant Iseult comporte un certain nombre de caractéristiques qui le distinguent des aimants d’IRM conventionnels. Les difficultés de réalisation peuvent être déclinées selon cinq grands facteurs :
? 1. Grande intensité de champ (intensité de 11,75 T, soit plus de 200 000 fois le champ magnétique terrestre).
? 2. Grand volume Autile (imagerie du corps entier et plus spécifiquement du cerveau, soit un volume de quelques litres environ à comparer à l’autre système d’imagerie déjà installé dans les bâtiments de NeuroSpin produisant un champ de 17 T mais dans un volume cent fois plus petit).
? 3. Stabilité temporelle (obtenir un champ magnétique qui ne varie pas plus que d'un milliardième de tesla durant 10 minutes).
? 4. Homogénéité du champ de 5.10-7 T sur le volume d’étude que représente le cerveau du patient.
? 5. Confinement du champ magnétique dans la salle d’expérience (blindage actif par un second bobinage).
Le bobinage est réalisé à partir de plusieurs milliers de kilomètres de fils supraconducteurs en nobium titane parcourus par un courant de 1 483 A stable à quelques 0,05 ppm/hr et bobinés en double galettes. Ce supraconducteur est maintenu à de très basses températures (1,8 K soit -271 °C) à l’aide de 5 000 litres d’hélium superfluide protégés de l’extérieur par une série d’enceintes isolantes. Pour apprendre à maîtriser ces difficultés, les solutions proposées ont réclamé un plan de développement adapté comprenant, entre autres, la réalisation de prototypes et de stations d’essais spécifiques.
DES ANNÉES DE R&D
De 2008 à 2012, une série de huit petits et grands prototypes spécialisés ou station d’essais ont été réalisés, testés et analysés pour démontrer les principes de montage et vérifier les capacités du conducteur à fonctionner aux contraintes nominales de champ magnétiques et de forces. On citera le prototype appelé R1 réalisé à partir d’un assemblage de 6 doubles galettes, de rayon intérieur 185 mm et extérieur 240 mm, et pouvant générer un champ de 3,5 T à 5 000 A. Chaque double galette est réalisée à partir de 11 tours du conducteur final d’Iseult et utilise les mêmes composants et procédures de fabrication que l’aimant final. Les objectifs du prototype R1 étaient d’appliquer un niveau de contrainte mécanique supérieur à celui que verra l’aimant Iseult, de mesurer le courant critique du conducteur à 4,2 K pour un niveau de contrainte mécanique équivalent à celui d’Iseult soit 170 MPa, et acquérir de l’expérience dans le bobinage du conducteur Iseult et dans la réalisation des jonctions électriques. Ce prototype a atteint avec succès la contrainte azimutale de 225 MPa conducteur, bien supérieure à la contrainte nominale attendue sur Iseult. Un autre prototype H0, un solénoïde d’un tonne constitué de 24 doubles galettes de 480 mm de rayon intérieur et produisant un champ de 1,5 T, a permis de démontrer que la technique de bobinage inventée pour Iseult permettait d’atteindre l’homogénéité de champ spécifiée. Ce prototype a permis également de valider le dispositif de stabilisation de champ inventé également pour Iseult en collaboration avec le CNRS. Ces bons résultats ont clôturé la phase finale de qualification des composants et des procédures de fabrication des bobines d’Iseult. Ils ont ouvert la voie au lancement en fabrication le 1er février 2012 par Alstom des 170 doubles galettes de série.
Vue de l’insertion de la structure porteuse des bobines de blindage autour de l’aimant principal constitué des 170 doubles galettes
UNE AVENTURE INDUSTRIELLE
À partir de 2009, la conception détaillée de l’aimant a été enclenchée conduisant à plus de 3 000 plans. Une fois les plans d’un ensemble terminé, leur réalisation a été sous-traitée à travers chez des industriels spécialisés. Nous pouvons citer Luvata Waterbury Inc. (US) pour la production des 190 km de conducteurs supraconducteurs, Zanon (IT) pour la réalisation des enceintes cryogéniques et de vide, Roechling (FR) pour la réalisation des 1 360 plaques intercalaires usinées à +/-0,05 mm, Cryodiffusion (FR) pour la réalisation du satellite, du caloduc et de la ligne cryogénique, Air Liquide (FR) pour la réalisation du liquéfacteur, Jemma (SP) pour l’alimentation stabilisée. Une fois réalisées, les pièces de l’aimant ont été livrées chez Alstom, le partenaire du projet en charge du bobinage et de l’intégration de l’aimant. Les éléments externes, cryogénie et électronique de mesure, de commande et de puissance, ont été livrés sur le site de NeuroSpin.
LA RÉALISATION DE L’AIMANT À ALSTOM/BELFORT
La construction a débuté avec le bobinage des 170 doubles galettes de 2 m de diamètre externe. Les tolérances dimensionnelles extrêmement fine, épaisseur du cheveu, requises pour l’IRM ont été obtenues grâce au développement d’une machine à bobiner dédiée contrôlée par ordinateur. En parallèle, les deux bobines de blindage actif de 10 tonnes chacune ont été bobinées sur leur mandrin. En 2014, l’intégration des bobines de blindage et des doubles galettes dans leur structure mécanique froide a débutée. On notera que l’empilage des 170 doubles galettes a été contrôlé au laser pour aboutir à un alignement à mieux que le millimètre sur quatre mètres de hauteur. En 2015, la masse froide a été finalisée avec l’insertion de la structure porteuse des bobines de blindage autour des doubles galettes. En 2016, l’enceinte hélium a été fermée puis mise à l’horizontale. Les dernières étapes avant la livraison de l’aimant début 2017 sont la mise en place de l’écran thermique et de l’enceinte à vide. L’aimant de 132 tonnes sera alors transporté à NeuroSpin. Les étapes de ce convoi exceptionnel sont : Strasbourg, passage sur le Rhin pour Anvers, passage sur la Manche pour le port de Corbeil, et livraison à NeuroSpin.
LA PRÉPARATION DES ÉQUIPEMENTS À NEUROSPIN
Le système cryogénique est conçu pour refroidir l’aimant (21 W@1,8 K ; 0,125 MPa et 610 W @ 55 K) 24 heures par jour et 365 jours par an. Il est déjà été installé dans les sous-sols de Neurospin. Il comprend en particulier un liquéfacteur d’Air Liquide livré en 2010 et le Satellite cryogénique. Ce dernier est un organe essentiel qui sert d’interface entre le liquéfacteur, les alimentations et l’aimant, et intègre l’échangeur 1,8 K BP/HP qui assure le fonctionnement en bain superfluide pressurisé. Le circuit de puissance à courant continu comprend deux convertisseurs de puissance. Le premier permet la montée de l’aimant au courant nominal de 1 483 A. sous 40 V et le second alimente ensuite en permanence l'aimant à l'intensité nominale en mode stabilisé. Ces deux alimentations ont été livrées, testées puis installées à NeuroSpin en 2015. L’ensemble du circuit électrique de puissance (40 diodes de roue libre, résistance de protection d’une tonne, contacteurs de puissance, 9 alimentations stabilisée de 40 A pour les canaux de correction de champ actifs, réseau de batterie de 48 V) a été livré et connecté en 2016. Le système de commande de l’aimant qui gère les alimentations, le liquéfacteur, les vannes cryogéniques, et les niveaux de température a été développé par le CEA sur la base d’automates à haute fiabilité. Il comprend plus de 300 capteurs et actionneurs. Le système d’acquisition qui permet d’acquérir les données tant cryogéniques qu’électriques a également été spécialement développé par le CEA pour une mise en service en 2016. Le système de détection de quench basé sur la mesure des tensions de l’aimant a nécessité un développement spécifique pour optimiser la fiabilité du système.
LE FUTUR
En 2017, l’aimant et tous les équipements associés seront en phase de mise en service à NeuroSpin. Les premières images qui vont utiliser les antennes RF développée dans un laboratoire commun entre le SACM et NeuroSpin devraient être produites un an après le début de la mise en service.
LE DÉVELOPPEMENT DES ANTENNES POUR L’IRM
Depuis 2008, le développement des antennes de l’IRM à très hauts champs dans le cadre du projet Iseult a permis de nombreuses innovations, validées sur un scanner 7 teslas déjà opérationnel au centre NeuroSpin. Ces innovations, protégées par des brevets, concernent :
? La technologie des antennes, à savoir la configuration des éléments d’émission et de réception, le routage des signaux radiofréquence et le découplage entre éléments.
? Les méthodes d’imagerie utilisées en transmission parallèle (kT-points, impulsions universelles).
On peut ainsi obtenir une excitation uniforme des spins des noyaux d’hydrogène grâce à une antenne réseau afin de compenser l’inhomogénéité du champ magnétique associé à l’onde électromagnétique. Cette inhomogénéité se manifeste pour une fréquence supérieure à 200 MHz pour la tête humaine, c’est-à-dire au-delà d’un champ statique de 3 teslas. Grâce à un financement Astre, accordé par le Conseil général de l’Essonne, les développements se sont poursuivis avec la mise au point d’une antenne (image de gauche) équipée de 11 résonateurs linéaires et d’un résonateur de type disque, tous utilisés à la fois en émission et en réception ; le disque permet un éclairage significativement plus efficace du sommet de la tête (image de droite). Dix résonateurs en forme de boucle complètent cet ensemble pour augmenter la sensibilité en réception, garante d’une résolution élevée des images. Les mesures réalisées à 7 teslas sur cette antenne ainsi équipée de 22 éléments de réception ont montré une sensibilité supérieure à celle d’une antenne commerciale non compatible avec la transmission parallèle, mais équipée de 32 éléments de réception. Pourtant, il est généralement admis que la sensibilité augmente avec ce nombre. Nos développements ouvrent donc la voie à d’autres possibilités d’optimisation de la sensibilité d’une antenne sans passer par l’augmentation du nombre d’éléments dédiés à la réception. Ils valident également les brevets déposés sur la construction des antennes et seront facilement transposables à 11,7 teslas pour le projet Iseult. Fin 2013, une équipe mixte entre l’I2BM et l’Irfu a été créée pour pérenniser les compétences et les élargir vers les antennes précliniques, destinées aux rongeurs et primates infrahumains, en particulier celles utilisées en modes multi-noyaux pour l’IRM fonctionnelle.
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• Le Département des accélérateurs, de cryogénie et de magnétisme (DACM)
• Laboratoire d'’études des aimants supraconducteurs (Léas) • Laboratoire de cryogénie et des stations d’essais (LCSE)